PROJET DE MISE EN PLACE D’UN FONDS POUR JEUNES ET FEMMES : Eviter les amalgames
Lors de son grand oral prononcé devant l’Assemblée nationale le 14 avril 2017, le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, a annoncé la mise en place d’un fonds d’environ 5 milliards de F CFA pour les jeunes et les femmes. Ce projet, a-t-il précisé, rentre dans le cadre de la mise en œuvre du programme présidentiel. L’on peut tout de suite relever non seulement le caractère judicieux de ce projet, mais aussi souligner la pertinence du public cible. En effet, l’objectif visé est la lutte contre la pauvreté. Et l’on n’a pas forcément besoin d’aligner des statistiques pour savoir que la frange de la population qui en souffre le plus, est constituée de manière visible de jeunes et de femmes. Mieux, ces derniers représentent pratiquement l’essentiel de la population active. Les femmes sont notamment connues pour leur courage dans la production et la commercialisation de denrées indispensables à la vie de tous. Et que dire des jeunes dont le potentiel est immense mais qui, malheureusement, ne sont pas mis dans les conditions pour l’exprimer. Ce fonds représente donc une opportunité, si fait qu’utilisé à bon escient, il peut tirer le Burkina Faso vers le haut en termes de création de projets et d’emplois. Seulement, l’on peut faire le constat que ce genre d’initiatives, annoncé à grand renfort de publicité, en tout cas de par le passé, est loin d’avoir obtenu les effets escomptés. L’on peut citer à titre d’illustration, la pléthore de fonds déjà existants. A-t-on seulement pris le temps de les auditer pour renforcer les points positifs et corriger les travers ? L’on peut être tenter d’y répondre par la négative. Car, dans ce pays, l’on peut avoir l’impression que l’on a rien à cirer avec le feed-back et la culture de l’évaluation de manière générale. De ce point de vue, l’on peut craindre que le projet de mise en place d’un fonds pour jeunes et femmes connaisse le sort de tous les autres fonds qui l’ont procédé.
Paul Kaba Thiéba est fortement interpellé pour que ces fonds-ci soient gérés conformément à la rupture tant prônée
A l’origine de cela, l’on peut retenir les travers suivants. Le premier consiste à l’octroi des prêts sur la base de critères relevant de la politique politicienne. Ce faisant, on laisse sur le bord de la route, des porteurs de brillants projets dont le seul crime est de n’avoir pas glissé dans l’urne le bulletin du parti au pouvoir. Le contrecoup d’une telle façon de faire est que tous ceux qui ont bénéficié de prêts, croient dur comme fer que l’argent engrangé est une manne à eux offerte par les camarades du parti, pour services rendus pendant la campagne. Ainsi, ils ne se sentent pas liés par une obligation de remboursement. Et ceux qui sont chargés de déconstruire cette représentation des choses, c’est-à-dire les cadres du parti, n’entreprennent rien à cet effet. Bien au contraire, certains d’entre eux poussent les amalgames, en toute conscience, au point d’inoculer dans la tête des bénéficiaires que les fonds proviennent de la poche du grand chef, c’est-à-dire le président de la République. Et dans un pays où la pauvreté et l’analphabétisme sont les choses les mieux partagées, ces inepties passent auprès des populations comme une lettre à la poste. A ces amalgames répondant à des motivations bassement électoralistes, viennent se greffer bien d’autres travers. A l’analyse, l’on peut se rendre compte que les autres travers sont la conséquence directe de ces amalgames. L’on peut évoquer à ce titre, les conditions opaques dans lesquelles la gestion des fonds est opérée. De ce fait, seuls les opportunistes et ceux qui détiennent la bonne carte ont l’information juste. Tous les Burkinabè qui n’ont pas ce profil, sont voués à un véritable chemin de croix, quand ils se décident à aller à la pèche de l’information. Très souvent, de guerre basse, ils capitulent. La République ne peut pas s’accommoder d’une telle pratique. Car, non seulement elle ostracise ses citoyens, mais aussi elle déroule le tapis rouge à des agents indélicats de l’administration, pour réaliser des affaires juteuses sur le dos des populations. Le dernier travers que l’on peut évoquer, est lié aux conditionnalités de ces fonds. Très souvent, l’on demande aux postulants des garanties draconiennes qu’ils ne peuvent pas remplir. La conséquence de cela est que l’on passe à côté de la plaque, quant aux objectifs poursuivis. Et quand on ajoute à ce goulot celui que représentent les méfaits de la lourdeur de la machine administrative, l’on peut véritablement se poser la question de savoir si ces fonds ont pour vocation de sortir le public cible de la pauvreté. L’on peut même se risquer à dire que ces fonds constituent un alibi pour utiliser l’argent du contribuable à des fins mafieuses. C’est pourquoi Paul Kaba Thiéba est fortement interpellé pour que ces fonds-ci soient gérés conformément à la rupture tant prônée. Et par ces temps qui courent, où la pauvreté des populations et le chômage des jeunes sont les principaux alliés du terrorisme, cette exigence n’est pas de trop.
Sidzabda