HomeA la uneREFERENDUM CONSTITUTIONNEL EN RCI : Le taux de participation, véritable adversaire d’ADO

REFERENDUM CONSTITUTIONNEL EN RCI : Le taux de participation, véritable adversaire d’ADO


 

La campagne référendaire en Côte d’Ivoire s’achève ce soir, comme elle avait commencé au son  des tam-tams de la discorde.  Alors qu’en effet, la polémique enfle autour de la question des bulletins de vote, c’est l’opposition rassemblée au sein du Front de refus et de la Coalition du « non » qui annonce aujourd’hui une marche nationale. S’il ne plane l’ombre d’aucun doute que cette marche, comme la première,  ne sera pas autorisée et sera par conséquent réprimée si ses organisateurs venaient à braver l’interdit, on peut se demander si le pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) ne fait pas sciemment dans la provocation, en rejetant l’option du vote à bulletin unique. En plus du fait que le bulletin unique serait moins coûteux, il aurait donné plus de gages de transparence au scrutin. A contrario,  le choix du vote avec 2 bulletins, fait ramer la  Côte d’Ivoire à contre-courant de l’histoire.  Ce mode de vote  est pratiquement révolu sur le continent, en raison des présomptions de fraudes qu’il entraîne. En effet, en plus de  permettre d’exercer sur l’électeur, de graves pressions qui remettent en cause son libre choix, en lui demandant de ramener pour preuve le bulletin non utilisé,  ce mode est la porte ouverte à toutes les manipulations informatiques possibles sur les résultats électoraux.

L’entêtement d’ADO à opérer un passage en force pour sa nouvelle Constitution est révélateur de ses intentions

Quand on ajoute à ces récriminations contre l’organisation du scrutin, les problèmes de fond liés au contenu du texte, on peut bien se demander à quoi servirait cette nouvelle Constitution. En effet, la Constitution est censée être le socle commun des valeurs librement consenties entre fils de la Nation, auquel les Ivoiriens devront se référer pour vaincre leurs divisions. Qu’en sera-t-il si l’acte fondateur de la République lui-même est déjà confligène ? Car, en plus des risques évidents d’amplification de la fracture sociopolitique dans le pays, cette Constitution porte en elle-même les germes de l’instabilité des institutions républicaines. A titre d’illustration, si le Front populaire ivoirien (FPI) accédait à nouveau aux rênes du pouvoir, sans nul doute voudra-t-il lui aussi  se tailler une Constitution sur mesure. C’est hautement dommage donc pour la Côte d’Ivoire qu’ADO qui a pourtant bien inscrit dans son programme politique, l’impérieuse réconciliation nationale, confonde la Constitution avec un simple manifeste de parti politique. En tout cas, une chose est certaine : ce chœur de désapprobations  ne semble être que des anicroches et ne suffisent pas à perturber le calme presque olympien d’ADO qui demeure plus que jamais rivé sur son projet, ne se souciant même plus de sauvegarder les apparences et faisant fi des traits de dictature qu’il donne au passage à son régime. «Les chiens aboient et la caravane d’ADO  passe», pourrait-on dire.  Et au regard de l’utilisation des moyens de l’Etat, de la caporalisation des médias d’Etat et du relais des chefs traditionnels  qu’il embraye, cette caravane arrivera à destination. Mais la grande inconnue demeure le taux de participation au scrutin. En effet, si parier sur le triomphe du « oui » au référendum du dimanche, relève d’un truisme, l’engouement des électeurs pour ce scrutin qui cristallise les attentions, est une autre paire de manches. C’est en cela que le taux de participation pourrait donc être le véritable adversaire d’ADO. Et pour cause. D’abord, l’opposition, même handicapée par la faiblesse des moyens et l’illisibilité de sa ligne d’actions qui cachent mal des dissensions internes, ne fait pas que dans le « woba woba » comme on le dit sur les rives de la lagune Ebrié.  Elle campe sur un argumentaire solide  qui séduit quant au fond du débat. «Quand une gourde ne contient rien, disent les Bwaba (un groupe ethnique du Burkina), on ne l’achète pas à 400 F CFA». L’entêtement d’ADO à opérer un passage en force pour sa nouvelle Constitution est révélateur de ses intentions : sans doute veut-il profiter de la remise à zéro du compteur qu’entraînera de facto l’entrée en vigueur de cette Constitution, pour prolonger son bail à la tête de l’Etat.  Mais cette manie du tripatouillage constitutionnel qui s’est emparée de l’âme des dirigeants au Gondwana,  passe mal dans les opinions africaines. Les passions que déchaîne le scrutin référendaire en Côte d’Ivoire, témoignent suffisamment de la prise de conscience des populations qui ne manqueront pas de la matérialiser dans les urnes. Ensuite, les frondeurs vis-à-vis du projet de la nouvelle Constitution, viennent de bénéficier du renfort d’un des prisonniers de la Haye, Charles Blé Goudé. Ce n’est pas rien, quand on sait que Charles Blé Goudé et son mentor Laurent Koudou Gbagbo, font encore l’objet d’une véritable admiration au sein de certaines franges de la population.

 ADO devrait se garder de se réjouir de sa certaine victoire à la Pyrrhus

A cela, il convient d’ajouter que les questions constitutionnelles constituent pour une large partie des populations, des élucubrations intellectuelles qui n’ont pas de lien avec leur vécu quotidien.  Le référendum pourrait se révéler sans  intérêt pour elles.  Enfin, il faut compter avec le peuple des blasés pour qui les dés sont déjà pipés et qui ne manqueront pas de bouder le scrutin. ADO, même s’il ne se fait pas de soucis au point de s’arracher les cheveux, ne pourrait pas se prévaloir de la boutade de son frère ennemi selon laquelle, « devant, c’est maïs ». Malgré ces facteurs favorables à l’opposition, il ne faudrait pas trop rêver ! Nous sommes en Afrique où il est bien connu que les élections ne se gagnent pas dans les urnes. Il n’est pas exclu que dans le secret des officines à la solde du pouvoir, les « matheux électoraux » mettent  au point le théorème qui permettra aux barres des valeurs absolues, de faire leurs effets, c’est-à-dire rendre positif pour ADO, tous les résultats qui sortiront des urnes.  C’est bien connu en Afrique, on n’organise pas des élections pour les perdre. Mais ADO devrait se garder de se réjouir de sa certaine victoire à la Pyrrhus. Plus que jamais, il règne sur un pays divisé et hanté par les démons de la haine. En termes de bilan de l’engagement pris pendant la campagne présidentielle en faveur de la réconciliation nationale, il peut déjà y mettre la croix de l’échec. Pire, il pourrait vendanger même le satisfecit économique de son premier quinquennat car, à quoi serviront toutes ces infrastructures  dont il se vante, si elles devront faire à nouveau l’objet de destruction dans des guerres nées du refus des Ivoiriens de vivre ensemble ?  Finalement, la leçon à retenir de ce projet de Constitution est celle que tire Aldous Huxley quand il dit : «Le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de l’Histoire est la leçon la plus importante que l’Histoire nous enseigne.”

« Le Pays »


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