HomeBaromètreRENTREE JUDICIAIRE 2016-2017 : « La Cour des comptes est à la croisée des chemins », dixit le magistrat Dramane Ouattara

RENTREE JUDICIAIRE 2016-2017 : « La Cour des comptes est à la croisée des chemins », dixit le magistrat Dramane Ouattara


« Juridiction et démocratie financière : quels dispositifs pour une contribution à la transparence dans la vie publique » ; c’est sous ce thème qu’a eu lieu la rentrée judiciaire 2016-2017, le 3 octobre 2016, à la salle des Banquets de Ouaga 2000. C’était sous le patronage du président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré.

C’est peu dire que d’affirmer que la rentrée judiciaire 2016-2017 s’est tenue dans un contexte assez particulier. En effet, les citoyens burkinabè ont toujours de nombreuses attentes vis-à-vis de cette Justice et les débats font rage concernant la séparation des pouvoirs, notamment entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Le 3 octobre dernier, à la faveur de la rentrée judiciaire 2016-2017, les magistrats sont revenus sur toutes ces questions, en mettant l’accent sur le rôle de la Justice dans l’avènement d’une vraie démocratie financière au pays des « Hommes intègres ». D’où le thème : « « Juridiction et démocratie financière : quels dispositifs pour une contribution à la transparence dans la vie publique ». Un thème que Dramane Ouattara a exposé lors de la cérémonie solennelle. Il s’agit, a-t-il lancé, d’une manière de lier la démocratie et la bonne gouvernance, surtout dans ce contexte post- insurrectionnel. Mais avant, le rapporteur a tenu à faire un rappel sur les principes de la démocratie. La démocratie, selon lui, est animée par trois acteurs, l’Exécutif, le Législatif et le pouvoir judiciaire. Leurs fonctions se déclinent comme suit : il y a le législatif qui a pour rôle l’établissement des règles générales. L’exécution de ces règles relève de la fonction exécutive et le règlement des litiges constitue la fonction juridictionnelle. C’est donc cette séparation des pouvoirs qui préserve le citoyen des atteintes à ses droits fondamentaux et lui permet d’exercer pleinement sa souveraineté. Pour le rapporteur, seule l’indépendance de la Justice à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit ainsi que l’indépendance des juridictions consacrées par la Constitution. « Malheureusement, dans bon nombre de pays, le pouvoir législatif et l’exécutif se sont immiscés dans l’appareil judiciaire de sorte à en avoir le plein contrôle », a-t-il déploré. Une telle situation, naturellement peut conduire à plusieurs dérives dont la violation des droits fondamentaux et les crimes économiques.  Le système démocratique, pourtant, est mis en place pour assurer la sécurité du citoyen, mais aussi en travaillant à assurer une gestion efficace et efficiente des deniers publics. De plus en plus, a relevé Dramane Ouattara, le citoyen n’aperçoit pas uniquement la démocratie lors des rendez-vous électoraux. L’orientation, a-t-il estimé, est également focalisée sur la question de la gestion des ressources publiques.

« … le magistrat n’aura pas d’excuse »

 « D’où le principe de la démocratie financière. Un système bâti pour garantir la gestion des deniers publics et reposant sur 3 principes : aucune recette publique ou dépense publique ne peut être exécutée sans l’autorisation du parlement ; aucune recette publique ou dépense publique ne doit s’exécuter en dehors des procédures établies et aucune recette publique ou dépense publique ne doit être soustraite du contrôle d’un organe indépendant habilité qui en informe les citoyens », a-t-il expliqué. Au Burkina, le mécanisme choisi pour assurer ce contrôle est le modèle juridictionnel avec la Cour des comptes qui fait partie intégrante du pouvoir judiciaire. Sa mission essentielle est de s’assurer que les comptes sont bien utilisés. Mais, force est de constater, a poursuivi Dramane Ouattara, que des lacunes persistent, empêchant ainsi la juridiction d’être conforme aux normes et standards internationaux. Les difficultés de cette Cour résident, foi du magistrat, dans la gestion de ses ressources humaines avec, entre autres, un manque de formation spécialisante pour ses agents. « La Cour des comptes est à la croisée des chemins. Si son rôle n’est pas pleinement assuré, les conséquences peuvent être grandes », a-t-il prévenu. Il y a lieu de faire en sorte qu’elle assume pleinement son rôle car de cela dépendra l’instauration d’une démocratie financière véritable. Les défis à relever, énumérés par le rapporteur, sont, entre autres, l’autonomie de gestion de ses ressources humaines et financières, la certification des comptes de l’Etat, l’évaluation effective des politiques publiques et la mise en place des Chambres régionales des comptes. Le bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Mamadou Sawadogo, a également abondé dans le même sens pour une Cour des comptes performante. La Cour, selon lui, devrait vérifier les comptes des partis politiques comme cela se fait ailleurs dans la sous-région et travailler à éveiller le sens de la responsabilité des agents dans les différentes institutions. « Mais, quelle que soit la qualité du dispositif qui sera mis en place, elle ne vaudra que ce que valent ceux qui la gèrent. Le choix des acteurs et des animateurs est donc très important », a conseillé le bâtonnier. Pour le ministre en charge de la Justice, René Bagoro, il y a vraiment de nouvelles exigences auxquelles la Cour doit se conformer. Train Raymond Poda, président par intérim de la Cour des comptes, a quant à lui souligné la nécessité d’une appropriation du concept pour sa mise en œuvre efficace. Le rôle de la Cour des comptes, a-t-il ajouté, doit être repensé afin de conformer son dispositif organisationnel actuel aux nouvelles exigences. « Au regard de l’environnement actuel, ponctué par des critiques de tout genre, et au regard des acquis récemment engrangés, dont l’indépendance des droits judiciaires et l’amélioration assez conséquente des conditions de vie des magistrats, et si par bonheur un effort venait à être fait pour les infrastructures, le magistrat n’aura pas d’excuse. Il doit rendre une justice de qualité », a-t-il souligné. Depuis les Etats généraux de la justice, selon la présidente du Conseil supérieur de la magistrature, Thérèse Traoré/Sanou, l’indépendance de la magistrature est de plus en plus réaffirmée. «  Il appartient aux acteurs de s’engager à rendre la Justice plus performante et accessible. Le thème est d’actualité et pertinent ». Elle n’a pas manqué de souhaiter une bonne rentrée judiciaire à ses pairs.

Adama SIGUE

 

Roch Marc Christian Kaboré, à propos de son retour éventuel au Conseil supérieur de la magistrature

« Nous ne sommes plus dans un Etat d’exception »

A l’issue de la cérémonie officielle de la rentrée judiciaire 2016-2017, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, s’est prononcé sur des sujets d’actualité, notamment l’indépendance de la Justice et les dossiers en attente de jugement.

A propos de la rentrée judiciaire

Je voudrais saluer la pertinence du thème qui a été choisi, puisqu’il s’agit de la démocratie financière. Cela aborde la question de la redevabilité et la nécessité pour les citoyens de s’intéresser à la gestion publique. Ce sont des questions qui rentrent dans le programme que j’ai promis de mettre en place au Burkina Faso. Que l’ensemble des acteurs sachent que désormais, les choses vont changer. Chacun sera redevable de ses pratiques au niveau de son service. Je voudrais aussi dire que les réformes qui sont mises en exergue, sont des réformes qui sont déjà intégrées. Il s’agit de mettre la Cour des comptes du Burkina aux normes de la sous-région et aux normes internationales.  Nous nous sommes engagés, dès le départ, à mettre en œuvre le pacte du renouveau de la justice. Nous avons déjà fait une étude en la matière et avons pris en compte l’ensemble des textes et l’ensemble des mesures financières concernant l’amélioration des conditions de vie des magistrats. Je voudrais également rassurer que concernant la Cour des comptes, des réformes sont également en cours. Le ministre en charge de la Justice se fera fort de les mettre en œuvre et également de proposer des réformes qui pourront assurer non seulement l’autonomie de cette institution, mais la doter des compétences nécessaires pour mener à bien le contrôle. Je crois qu’à ce niveau, il n’y a pas de confusion. Cela dit, je souhaite une bonne rentrée judiciaire à tous les magistrats et dis également que le peuple burkinabè les a à l’œil, quand il s’agit de dire le droit.

S’agissant du retour du président au CSM

Je ne suis pas au CSM. Je suis garant de l’indépendance de la Justice. Je n’ai jamais eu de propos équivoques en la matière. J’ai simplement dit que depuis la réforme, le président du Faso n’est plus membre du CSM. De ce fait, on ne peut pas dire que je m’immisce dans les questions diverses qui le concernent. Nous sommes engagés à poursuivre la mise en œuvre complète du pacte du renouveau de la justice. De ce point de vue, je voudrais dire que, parlant de la Commission constitutionnelle, toutes les composantes de la société ont été invitées.  Je ne peux pas donner des orientations. J’estime que ceux que nous avons choisis sont bien instruits pour prendre les décisions qu’il faut et nous attendons dans deux mois pour apprécier leur travail.

S’agissant des dossiers qui sont toujours en attente et les accusations sur l’immixtion de la politique dans la gestion de certains dossiers

Je voudrais simplement dire que depuis le pacte de renouveau de la justice, il y a eu une disjonction complète entre l’Exécutif et le Judiciaire. Cela signifie, de façon claire, que toutes les questions de justice sont dans les mains des juges. Il faut que nous comprenions que nous ne sommes plus dans un Etat d’exception. Nous sommes dans un Etat de droit et de ce fait, nous devrons respecter l’ensemble des procédures. En tant que président du Faso, je ne m’immisce pas dans ces questions. Car, aujourd’hui, le peuple burkinabè est en attente d’une justice. Nous ne pouvons qu’exhorter les juges à faire avec le maximum de célérité leur travail, pour que chacun soit puni à la hauteur de son forfait. Tout le reste n’est que politique politicienne, de mon point de vue. J’ai toujours demandé au corps de la Justice de faire en sorte que ces procès (Ndlr : procès sur le putsch manqué) puissent intervenir le plus rapidement possible. C’est important car, plus tôt cette affaire sera jugée, plus les Burkinabè regarderons vers l’avenir. Plus on traîne avec ces dossiers, plus nous regarderons dans le rétroviseur et cela ne nous fait pas avancer.

Propos retranscrit par A.S

 


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