HomeA la uneRETOUR ANNONCE DE LAURENT GBAGBO DANS L’ARENE POLITIQUE  

RETOUR ANNONCE DE LAURENT GBAGBO DANS L’ARENE POLITIQUE  


En visite dans son village de Mama quelque dix jours après son retour triomphal au bercail, l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, n’a pas manqué d’anecdotes à raconter à ses « parents » concernant son transfèrement à la Cour pénale internationale (CPI) et  son séjour carcéral à La Haye. Au nombre de ces petits potins qui ont ponctué cette visite familiale où il s’exprimait devant un important auditoire de partisans venus lui apporter réconfort et soutien, celui-là, au-delà de son caractère amusant, pouvait difficilement passer inaperçu : « C’est la politique qui m’a amené là-bas, c’est la politique qui m’a ramené ici. Comment voulez-vous que je ne fasse pas la politique ? » C’est donc clair comme de l’eau de roche : Laurent Gbagbo annonce son retour dans l’arène politique en Côte d’Ivoire. C’est la preuve que l’ex-opposant d’Houphouët Boigny et fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) a la politique dans le sang, si elle n’est pas carrément inscrite dans son ADN. Un choix de carrière qu’il n’entend visiblement pas abandonner au détour d’une épreuve judiciaire et pénitentiaire, fût-elle d’une décennie.

 

Laurent Gbagbo ne boude pas le plaisir de sa victoire acquise devant la Justice des Blancs

 

Au contraire, à travers ce retour au pays, la tête bien haute, le Christ de Mama semble gagné par une seconde envie de rebondir, comme s’il était intérieurement mu par une volonté tacite de revanche sur l’histoire qui l’a si « injustement » envoyé en prison « alors qu’il n’y avait rien » dans son dossier, et  où il a, malgré tout, réussi à « se faire des amis »  et « n’a pas vu passer le temps ». En tout cas, c’est un Laurent Gbagbo auréolé de son acquittement par la CPI, qui ne boude pas, au milieu des siens, le plaisir de sa victoire acquise « là-bas », devant la Justice des Blancs ; toute chose qui sonne, pour lui, comme un blanchiment  total dans le contentieux post-électoral qui lui a valu cette traversée du désert. C’est donc légitimement qu’il compte signer son retour dans l’arène politique qui reste ce qu’il sait faire le mieux au monde,  sans pour autant vouloir jouer les faire-valoir. C’est son droit le plus absolu étant donné qu’il n’est pas déchu de ses droits civiques. Et c’est une nouvelle qui devrait réjouir ses partisans dont la mobilisation et le soutien ne lui ont jamais fait défaut durant toute son absence prolongée. Reste à savoir quel rôle il compte, à présent, jouer et surtout quelle sera la nature de son combat politique. Est-ce dans la perspective d’être à nouveau candidat pour aller à la reconquête du pouvoir d’Etat ? Est-ce pour être dans une posture différente en prenant du recul et en se mettant dans la peau d’un sage qui aura toujours son mot à dire ? Bien malin qui, en dehors de Gbagbo lui-même, pourrait répondre à ces questions qui semblent tout autant dépendre de l’orientation et du contenu que le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) voudra donner à la réconciliation nationale au nom de laquelle il a facilité le retour de son ennemi juré. Et c’est à ce niveau que l’on peut nourrir des craintes pour la Côte d’Ivoire. Surtout si Gbagbo doit jouer les trublions d’une réconciliation qui peine encore à trouver véritablement ses marques.

 

Ce retour annoncé  de l’enfant de Gagnoa dans l’arène politique, semble signer le début d’une nouvelle saison

 

Et surtout encore si ses ambitions doivent se heurter à ceux du président ADO qui est en train, via la  Constitution, de préparer le terrain pour que les seniors qu’ils sont, lui-même et ses deux prédécesseurs Bédié et Gbagbo, n’aient plus un rôle majeur à jouer sur la scène politique ivoirienne. Un passage de témoin à la jeune génération qui ne semble pas encore acquis pour tous les trois, à en juger par la présidentielle de l’année dernière où ils étaient, à 75 ans pour Gbagbo, 78 pour Ouattara et 86 pour Bédié, tous sur la ligne de départ. La suite, on la connaît : disqualification de Gbagbo par le Conseil constitutionnel, boycott du scrutin par Bédié, victoire de Ouattara dans les conditions que l’on sait.  Et rien  ne dit que Bédié et Gbagbo seront prêts à se laisser embarquer par le président Ouattara dans sa volonté de prendre sa retraite politique et de les y pousser à l’issue de son troisième mandat querellé. Et revoilà la Côte d’Ivoire  exposée au spectre de cette rivalité entre trois personnalités politiques que tout sépare,  sur fond d’alliances et de démariages au gré des circonstances et qui ont déjà expérimenté toutes les combinaisons du trio Gbagbo-Bédié-Ouattara sans jamais véritablement parvenir à la paix. Si cela peut être vu comme un signe de vitalité démocratique, la crainte est de voir les choses repartir en vrilles dans une Côte d’Ivoire encore loin d’être réconciliée avec elle-même. Et où le prix du sang payé à la rivalité sans fin entre ces trois inconciliables « éléphants » dont les ambitions politiques ont pris le pays en otage depuis près de trois décennies, reste particulièrement lourd. Malheureusement, ce retour annoncé  de l’enfant de Gagnoa dans l’arène politique, semble signer le début d’une nouvelle saison. A moins que…

 

« Le Pays »

 


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