HomeA la uneRETOUR DE L’ARMEE MALIENNE A KIDAL SOUS ESCORTE DE FORCES ETRANGERES

RETOUR DE L’ARMEE MALIENNE A KIDAL SOUS ESCORTE DE FORCES ETRANGERES


 Faut-il en rire ou en pleurer ?

Dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 mai, un détachement de 17 militaires maliens a foulé le sol de Kidal. Pour un évènement, c’en est un. Car, il faut rappeler que l’armée malienne n’avait plus d’éléments dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas depuis les évènements de mai 2014, suite à la visite mouvementée de l’ancien Premier ministre, Moussa Mara. L’on peut  décrypter l’évènement sous l’angle d’abord de la bouteille à moitié pleine. En effet, ce retour permet de dire, avant toute chose, que l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, n’a pas été froissé et jeté à la poubelle comme l’ont laissé déjà croire certains observateurs de la crise malienne.

Les petites avancées dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger, sont mouvantes comme les dunes de sable de Kidal

Il faut rappeler, pour mieux préciser les choses, que ce retour de la Grande muette à Kidal, s’inscrit dans le cadre de la mise en place du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), du nom de cette structure émanant de l’accord d’Alger et qui est chargée de gérer les patrouilles mixtes composées d’éléments des parties maliennes signataires de l’accord d’Alger de juin 2015. Et au nombre de ces parties maliennes, l’on peut citer, notamment la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad), puisque c’est elle qui, par la force des armes, s’était rendue maîtresse des lieux en boutant l’armée malienne hors de Kidal. Elle avait réservé le  même sort à la plateforme, à travers le Gatia (Groupe d’autodéfense des Touareg Imghad et alliés). Logiquement, l’on peut interpréter ce retour de l’armée malienne à Kidal, comme une bonne disposition d’esprit  des maîtres absolus de Kidal dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger. Et c’est suffisamment rare pour être signalé. L’on peut déjà saluer cette posture de la CMA, pour autant qu’elle soit sincère, car elle vaut son pesant d’or. Elle pourrait traduire notamment le fait que petit à petit et à petits pas, Kidal, l’emblématique ville rebelle du Nord, est en train de marquer son retour dans la République. Et s’il y a une personne qui peut se permettre de se frotter les mains en premier, c’est bien Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Et pour cause. L’homme en avait fait la promesse au peuple malien, pendant la campagne de la présidentielle passée. Maintenant que cette promesse est en voie d’être tenue, il peut s’en servir comme argument de campagne pour la  présidentielle à venir. Et c’est de bonne guerre, d’autant plus que le retour de l’armée malienne à Kidal intervient quelques jours après la visite sans incident majeur effectuée par son homme de confiance, l’actuel Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas au mois de mars dernier. Ensuite, sous l’angle de la bouteille à moitié vide. Le pouvoir de Bamako pourrait avoir tort de célébrer sans modération le retour de l’armée nationale à Kidal, pour les raisons suivantes.  L’une de ces raisons est liée à ceci : les rares petites avancées, si l’on peut les appeler ainsi, dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger, sont mouvantes comme les dunes de sable de Kidal. Dans la même journée, ce qui est perçu comme un acquis le matin peut, le soir venu, se muer en mirage. A l’origine de cet aspect des choses, l’on peut pointer le manque de sincérité de tous les acteurs de la crise malienne. Tous, autant qu’ils sont, ne se limitent qu’aux déclarations de bonnes intentions. Ce refus maladif  des uns et des autres d’aller à l’essentiel, n’autorise pas à l’optimisme pour le démarrage effectif des activités du MOC.

Ce retour de l’armée à Kidal a un caractère exclusivement symbolique

A cela, il faut ajouter le règlement de la question des armes lourdes qui, pour le moment, semble ne pas être à l’ordre du jour. La deuxième et dernière raison qui n’autorise pas à verser dans un optimiste béat, est que c’est par euphémisme que l’on parle de retour de l’armée malienne à Kidal. En effet, c’est un détachement de seulement 17 militaires maliens qui est arrivé à  Kidal, qui plus est, a fait son entrée dans la ville en pleine nuit et peut-on dire, sur la pointe des pieds. Ce souci de faire les choses sans tambour ni trompette, est révélateur du fait que dans bien des esprits des tenants de l’autonomie de l’Azawad, l’armée malienne est encore perçue comme une force d’occupation. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on peut dire que ce petit détachement de l’armée  malienne, a fait les choses ainsi pour des raisons de sécurité. Car, chat échaudé craint l’eau froide.  Il a donc préféré négocier son entrée nocturne à Kidal, escorté de surcroît par des forces étrangères. Et quand une armée nationale, en déplacement dans une partie du territoire national, se fait escorter par des forces étrangères pour ne pas prendre le risque de se faire massacrer, l’on peut se poser la question de savoir si l’on doit en rire ou en pleurer. L’on peut, volontiers, faire les deux à la fois. L’on peut d’abord en rire, au regard du caractère franchement cocasse de la manière dont les choses se sont passées. Ensuite, l’on peut se permettre d’écraser une larme pour le Mali. Car, ce retour de l’armée à Kidal a un caractère exclusivement symbolique. En réalité, il ne peut tromper que ceux qui sont incapables de pousser l’analyse au-delà de l’apparence des choses. Pour tout dire, l’ont doit se garder de percevoir le retour du détachement de 17 militaires maliens à Kidal, comme un retour définitif de la capitale de l’Adrar des Ifoghas dans la république malienne. Il faut donc travailler, dans les jours à venir, à aller au-delà du caractère symbolique de cet événement, si l’on veut véritablement sauver la paix au Mali. A cet effet, on peut interpeller les deux grands acteurs suivants. Il y a d’abord les Maliens.  Ceux-ci doivent se départir de tout calcul mesquin pour donner une chance à la paix. Il y a ensuite les acteurs de la communauté internationale. L’Accord d’Alger est leur bébé. Ils doivent mettre un point d’honneur à le protéger. Ils doivent d’autant plus le faire ici et maintenant, pour permettre au Mali de faire face aux défis suivants. Le premier est celui qui consiste à organiser, en juillet prochain, la  présidentielle et cela, sur  l’ensemble de son  territoire. Le second, et qui n’est pas des moindres, est d’éviter de dérouler le tapis rouge, comme ce fut le cas en 2012, aux forces terroristes qui rôdent dans la zone.

« Le Pays »


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