HomeA la uneRETRAIT ANNONCE DU PAYS DE FATOU BENSOUDA DE LA CPI : L’effet domino en marche

RETRAIT ANNONCE DU PAYS DE FATOU BENSOUDA DE LA CPI : L’effet domino en marche


 

Après le Burundi et l’Afrique du Sud, c’est la Gambie qui, de la bouche de son ministre de l’Information, Sheriff Bojang, manifeste son intention de prendre ses distances avec la Cour pénale internationale (CPI).  L’annonce aurait de quoi surprendre si on n’était pas au «  Jammehland », où les volte-face et autres incohérences du dictateur, constituent un mode de gouvernance. En effet, rien qu’en mai dernier, Yaya Jammeh avait volé au secours de sa compatriote, Fatou Bensouda, procureure de la CPI, constamment sous les feux des critiques, en ces termes : «  Son job est difficile et, contrairement à ce que j’entends, la CPI ne vise pas spécialement l’Afrique ». Il s’en était même pris aux frondeurs, estimant qu’ils sont pris au piège de leurs propres turpitudes. Pourquoi donc ce revirement spectaculaire ? Officiellement, les autorités gambiennes ressassent la rengaine bien connue de la politique du «  deux poids, deux mesures », accusant la CPI de « persécution envers les Africains, en particulier leurs dirigeants », alors qu’ « au moins 30 pays occidentaux ont commis des crimes de guerre », sans être inquiétés depuis la création de cette juridiction. A titre illustratif, le ministre avance la vaine tentative de la Gambie de faire poursuivre les pays de l’Union européenne (UE), pour la mort de nombreux migrants dans la Méditerranée. Comme on s’en doute, cette tirade du ministre gambien, en totale contradiction avec la ligne affichée il y a peu, de son mentor, cache bien d’autres raisons. Yahya Jammeh est un féroce prédateur des libertés démocratiques, et de ce fait, constitue un potentiel gros gibier pour le rets de la CPI.  On se souvient, les  violations massives et continues des droits de l’Homme, l’apologie de la peine de mort, les prédations de la liberté de presse et  la haine viscérale de l’homosexualité dont l’homme s’est rendu coupable, ont animé un temps le feuilleton de ses rapports avec l’UE. La chargée d’affaires de l’UE en Gambie, Agnès Guillaud, en avait fait les frais, en étant frappée d’ostracisme sur le territoire national, assorti d’un ultimatum de 72 heures.

Les dictatures africaines  vont se  bousculer au portillon du départ

Le dictateur espère donc soustraire sa tête de l’épée de Damoclès, en ramassant ses pénates de la salle des pas- perdus de la CPI. Sans nul doute aussi, il a été entraîné par l’effet domino de la hardiesse du Burundi et de l’Afrique du Sud, qui ont été les pionniers de la fronde contre la Justice internationale, après l’échec d’une tentative groupée de départ des pays africains au sein de l’Union africaine (UA). Le mouvement fait mode et les Africains, comme le rappelle la mode du retour à l’authenticité qui avait entraîné la rebaptisation de nombre de chefs d’Etat africains à la suite de Mobutu Sesse Seko  Kukuwaba-Zanga, sont de gros adeptes des phénomènes in. La contagion est d’autant plus facile que les frondeurs se revêtent du manteau des héros  qui perpétuent la tradition de la lutte anti-impérialiste des pères-fondateurs des nations africaines. Il n’est pas non plus à exclure que les dictateurs hostiles à la CPI, aient pu exercer des pressions sur le satrape de Banjul pour qu’il mette du sable dans le couscous de sa compatriote Fatou Bensouda, qui trouble leur sommeil. Quelles que soient les motivations du régime gambien, il ne rend pas service à Bensouda. Nonobstant la question de son avenir à la CPI, elle doit être bien gênée aux entournures de continuer à traquer les criminels sous d’autres cieux, alors que son propre pays se soustrait de toute éventualité de poursuites. Elle ne peut en être que fragilisée moralement, surtout devant l’impossibilité de trouver la répartie quand elle se verrait jetée à la face, la boutade de devoir balayer devant sa porte, avant de se préoccuper des saletés des autres. Mais plus que le sort personnel de Fatou Bensouda, c’est le peuple gambien qu’il faut pleurer. Il achève d’être orphelin, jeté en pâture à un dictateur atypique dont les simples sautes d’humeur peuvent s’avérer terriblement mortifères. Et le monde entier en est prévenu.

Après la Gambie, la question que l’on pourrait se poser est la suivante : à qui le prochain tour ? « Les oiseaux du même plumage ramant ensemble », c’est le rush attendu de toutes les dictatures africaines qui vont se  bousculer au portillon du départ. Les paris sont ouverts : Zimbabwe, Ouganda, Kenya ou RD Congo ? Malgré ce « grand trek » annoncé, la CPI n’a pas à rougir. Ce mouvement est la preuve qu’elle dérange et fait même peur. Et il faut s’en féliciter. Quant aux peuples africains qui, dans l’ensemble, sont très croyants, il ne leur reste plus qu’à s’en remettre à la justice immanente.

SAHO


Comments
  • Il ne faut pas dramatiser le retrait de certains africains de la Cour Pénale Internationale (CPI). Rien ne les a obligés à ratifier leraité de Rome. Par continent, c’est l’Afrique, qui représente le plus de pays qui ont ratifié la mise en place d’une justice pénale internationale. Leur ratification soulève des questions intéressantes : qu’attendaient-ils de l’attitude de la CPI quand ils ratifiaient? Ont-il posé des réserves à leur ratification? Ont-ils participé réellement à l’idée d’une justice pénale internationale ou comme les institutions internationales comme l’ONU, le FMI, la Banque Mondiale, l’Organisation du Commercial Mondial…. ont-ils été des simples spectateurs?
    Reprenant la célèbre phrase du Général De Gaule, la CPI est un machin; encore un machin occidental dirigé contre d’autres dirigeants. Les grands pays comme les Etats-Unis, la Russie et quelques pays comme l’Inde, Israël… n’ont pas ratifié le traité de Rome. Ce sont des pays qui sont à l’origine des génocides, qui ont lieu actuellement dans le monde. Je ne fais pas référence à la Syrie, dont les médias occidentaux nous obligent à considérer le seul problème diplomatique grave dans le monde.
    Les pays africains ne doivent pas se plaindre de l’action de la CPI. Celle-ci n’a pas lancé des poursuites contre un citoyen étasunien, qu’il soit un ancien ou l’actuel président, contre un dirigeant de l’Etat juif, indien… Les pays africains doivent faire le ménage d’abord dans leurs pays. Par exemple ne pas signer des accord léonins avec des puissances étrangères, ayant des bases militaires sur leurs sol comme au Mali, à Djibouti, au Sénégal, Gabon, Tchad, Niger… Quand les soldats de ces pays commettent des infractions ou des meurtres ou des violations, ils ne sont nullement inquiétés ni dans les pays où les infractions ont eu lieu ni dans leurs pays d’origine. Ces pays africains devaient revoir ces accords léonins.
    Il est vrai que la CPI a poursuivi depuis l’an 2002 en majorité des dirigeants africains (présidents et rebelles). Ce n’est pas uniquement dans notre continent où il y a des génocides, ce qui s’est passé en Afganistan, au Pakistan, en Irak, dans les territoires palestiniens tous les jours….ne relève pas de la compétence de cette cour pour la simple raison que leurs génocidaires appartiennent à des pays qui n’ont pas ratifié le traité de Rome, qui contrôlent le Conseil de Sécurité de l’ONU. Pour calmer un peu les critiques de dirigeants africains, la procureure Fatou Bensadou a effectué une visite dans les Territoires palestiniens occupés par Israël sans parler d’une enquête pour ne pas fâcher le pays protégé par les Etats-Unis. Quand une visite dans le Caucas russe? Au Tibet?
    Il faut inscrire le retrait de la Gambie tant dans une politique nationale qu’une position politique continentale, qui n’est pas bien définie. Au niveau national, le peuple gambien est soumis à la férue d’un régime autoritaire, celui du président Yaya Jammeh. Ce pays suit à son avantage une ligne définie par d’autres pays comme le Kenya dont l’actuel président et son vice-président ont été poursuivi par la CPI avant d’arrêter ses poursuites pour faute de preuve. Le président kényan avait proposé une résolution à l’Union Africaine pour le retrait de celle-ci et donc des Etats membres. Mais des pays comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal se sont opposés. Et donc cela a ouvert la porte à la décision des Etats.
    Ce n’est pas un dommage en soi le départ des pays africains de la CPI. Par contre ce qui est dommage, c’est l’absence d’une justice interne ou continentale pour juger les criminels qui dirigent nos pays. Le jugement de l’ex président Tchadien Hissen Habré par des Chambres Africaines Extraordinaires ne doit pas rester marginal et insignifiant. C’est moins d’un an qu’Hissen Habré a été condamné (ses avocats ont appel à la condamnation), mais son procès est déjà dans les oubliettes de l’histoire du continent. Les Chambres Africaines Extraordinaires sont des tribunaux éphémères pour une justice d’un continent, qui se veut moderne. Au lieu de reprendre des institutions qui ne fonctionnent pas dans les ex puissances coloniales, le continent doit repenser ses structures d’organisation économique, de justice, politique et social.
    Je ne crois pas que ce sont les peuples qui vont souffrir du départ des Etats africains de la CPI, parce quand on juge un ancien président, l’actuel président jubile, mais par sa politique (dictée par les puissances étrangères) commet aussi des actes criminels (génocide, crime contre l’humanité, tensions politiques, affrontements armés).

    28 octobre 2016

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