HomeA la uneSECTEUR INFORMEL : Ces petits métiers qui font recette

SECTEUR INFORMEL : Ces petits métiers qui font recette


 

Face à la situation socio-économique morose qui affecte certains secteurs d’activités, nous avons décidé de faire une descente dans le monde des petits métiers. Ces petits particuliers sans grands moyens, font quotidiennement des pieds et des mains pour résister à la tempête économique qui souffle sur le pays. Pourquoi ces activités prospèrent-elles ? Que gagnent ceux qui les exercent et quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent ? Etat des lieux.

«Il n’y a pas de sot métier », dit-on. Et cet adage semble bien compris par les vendeurs  ambulants de café,   cireurs, et autres laveurs de motos. Zampou Abdoul Rasmané exerce depuis plus d’un an, le métier de cireur.  Entre les klaxons des voitures et motos  ou encore le brouhaha quotidien des piétons, il se  faufile et hèle  les passants pour leur proposer ses services. «Tonton, je peux cirer» ou encore «Laver cirer ! Laver cirer ! », ce sont, entre autres, les expressions qu’il utilise. Nullement découragé par l’harmattan qui frappe de plein fouet Ouagadougou en ce mois de décembre, il propose ses services à tout passant. Avec un  sac en bandoulière ayant perdu sa couleur initiale, déchiré par endroits et cousu à la main, il use de ces moyens de fortune pour se faire entendre et s’attirer les regards de potentiels clients. Dans sa main, deux brosses à chaussures. Il dit exercer cette activité de son  propre chef : « Dès 6 heures, je quitte la maison pour me rendre au  siège  des éditions «Le Pays » oû j’ai érigé mon quartier général, pour   exercer mon activité . Une fois là-bas, je commence d’abord par m’occuper des chaussures  des  journalistes des éditions « Le Pays »  et du personnel de la maison, qui sont mes plus  fidèles clients.  Une fois cette tâche terminée, je fais le tour des différents services environnants   pour proposer mes services ». A l’aide de cirage de couleur noire ou marron et d’une bouteille contenant du savon dilué dans de l’eau, Zampou Abdoul Rasmané   nettoie les chaussures de ses clients.   «D’abord, je prends cette brosse et j’enlève la poussière qui s’est déposée sur la chaussure ». Ensuite, à l’aide d’une autre qu’il prend le soin de me  présenter, il étale le cirage sur la chaussure. « Je prends le cirage et je le mets sur la chaussure, en fonction de la couleur de celle-ci  Puis,  je prends un chiffon pour frotter la chaussure pour la faire briller». Parfois, explique-t-il, « je lave les chaussures quand c’est trop sale, avant de les cirer ».

Le gain certes, mais aussi l’assurance de la pitance quotidienne

Les chaussures sont cirées moyennant 50 F CFA la paire. Zampou Abdoul Rasmane qui gagne en moyenne 3 500 F CFA à 5 000 F CFA ou plus quand il y a de l’affluence,   affirme également que c’est grâce à ce travail qu’il arrive à s’occuper de sa femme et de ses deux enfants. « Mes parents  sont fiers de moi. Grâce à mes petites économies,  j’ai pu acheter deux bœufs que j’ai mis à la disposition de mon père au village», a-t-il poursuivi. La fausse note dans ce métier, à l’en croire, c’est que ce travail est très fatiguant. « Je  parcours quotidiennement à pied, des centaines de kilomètres.  Je dois faire face  régulièrement aux problèmes de fatigue générale, de courbatures, de troubles gastriques et autres   », a-t-il déclaré, avant de renchérir en ces termes : « Mais on ne peut pas baisser les bras avec la situation difficile du moment».    Millogo Salif pratique également cette activité, mais dans un registre différent de celui de  Zampou Abdoul Rasmané. Fleuriste depuis une vingtaine d’années, marié  et père de deux enfants, il affirme que ce métier nourrit son homme. Je  ne me plains pas puisque j’arrive à joindre les deux bouts. La preuve ?  Pour disposer d’une fleur bien montée, il faut débourser au moins 5000 F CFA. Et les prix peuvent aller jusqu’à des centaines de mille, selon les besoins des consommateurs. «Il faut dire que le montage où la composition des fleurs n’est pas facile. Il faut avoir une certaine expérience pour le faire », raconte-t-il. «Il y a des clients exigeants, qui aiment non seulement le travail bien fait, mais aussi présentent leurs modèles», ajoute-t-il. Si au départ la composition des fleurs se faisait de façon brute, c’est-à-dire qu’il prenait du sable, le mettait dans des sachets et y piquait plusieurs variétés de fleurs pour avoir quelque chose de présentable, aujourd’hui, elle se fait avec des assiettes et autres matériaux sur lesquels on pose de la mousse. Généralement, ce sont des fleurs naturelles.  «On peut les conserver 3 à 4 jours», explique encore Millogo Salif  qui ajoute : «la livraison se fait parfois à domicile, ou le client peut se déplacer». La clientèle de Millogo Salif est  diversifiée. « Je reçois des Européens, des Asiatiques et même des Africains », avoue-t-il. Quant à  Diallo Ibrahim dit Chocho, fiancé  et père de trois enfants, il exerce le métier de vendeur de café et  de thé, depuis un an. Sous contrat avec un particulier ,   il dit gérer au mieux son quotidien. Chocho  dit rembourser à son responsable, par exemple, le montant des 100 gobelets (1250 F CFA) vendus, le prix du grand sachet de café en poudre qui est de 2500 F CFA, le montant des deux sachets de sucre mis à sa disposition (800 F CFA) et le prix de l’utilisation journalière de la charrette qui est de 1000 F CFA. «Après ce remboursement, le reste de l’argent me revient », fait-il savoir, en indiquant qu’il gagne au moins par jour entre 3000 et 4000 F CFA. « Grâce à ce métier, j’arrive à payer mon loyer et à m’occuper de ma famille», déclare-t-il.  Ouédraogo  Seydou, commercial dans une entreprise de la place, se félicite de la présence de ces jeunes vendeurs un peu partout dans la ville de Ouagadougou. « Chaque jour, je bois au moins un gobelet de café vendu par ces jeunes. Ce qui me permet d’être dynamique dans le travail », dit-il. Et de poursuivre : «Pour moi, ces vendeurs ambulants sont les bienvenus, car les pauses-cafés ne se font pas dans toutes les entreprises ou si elles se font, ce ne sont pas tous les travailleurs qui en bénéficient». Quant à  Compaoré Charlotte, secrétaire dans une agence de communication, elle dénonce l’insuffisance d’hygiène des acteurs de ce métier. «Ceux qui vendent le café ou le thé avec des charrettes, ne sont pas généralement propres. Aussi, le matériel qu’ils utilisent n’est pas bien protégé. Toute chose qui n’encourage pas à acheter le produit. Il faut qu’ils fassent un effort à ce niveau, parce que des maladies comme la fièvre typhoïde sont très vite arrivées».  Moustapha Bagaré qui est bijoutier, partage le même atelier que son compatriote  Hamidou Mouksy  qui, lui, est cordonnier. Ces deux  Nigériens installés depuis 2002 au Burkina Faso,  ont toujours  le sourire aux lèvres car   leur atelier situé  au quartier Sin Yiri, ne désemplit jamais. Avec beaucoup de doigté, Moustapha Bagaré arrive à satisfaire sa clientèle  qui se recrute dans la gent féminine.  Et cela se comprend aisément, puisqu’il vend des colliers en bois d’ébène, des pendentifs qu’il dit avoir fabriqués avec des dents de phacochère  et des boucles d’oreilles en  bronze .  « C’est comme cela tout le temps. Les gens apprécient le travail bien fait. Et ce métier, je l’ai appris depuis mon jeune âge. Mes clientes qui sont pour la plupart des Européennes, viennent en prendre  en quantité pour aller les exposer en Europe ». Hamidou Mouksy, son jeune  frère  cordonnier, parlant de son chiffre d’affaires, nous a fait cette révélation  avec un large sourire.  « Je peux  facilement livrer des marchandises d’une valeur de 200.000 à 300.000 F CFA au moins deux fois dans le mois à mes clients qui sont disséminés un peu partout sur le continent. C’est la preuve que ce métier nourrit son homme »,  a-t-il  confié. Pour lui, les autorités devraient songer à élaborer des politiques  pour les encadrer, les former davantage et les faire participer à l’économie nationale. A ce jour, ces jeunes ne sont reconnus nulle part. Ils exercent dans l’informel.

Seydou TRAORE

 

 

 

 

 

 

 

 


No Comments

Leave A Comment