SENEGAL : Faut-il accorder la liberté provisoire à Karim Wade?

Le principal coaccusé de Karim Wade, Bibo Bourgi, qui avait été évacué en France pour raison de santé, vient de regagner le Sénégal. Qui l’aurait cru? En tout cas, personne n’aurait parié un kopeck que cet homme reviendrait un jour au pays de la Teranga. On pensait que ce Français allait rester définitivement dans son pays, comme son compatriote Loïch le Floc Prigent l’avait fait pour échapper à la Justice togolaise. Cela dit, cette parousie qui surprend plus d’un  observateur  dans l’affaire Karim Wade, est sans nul doute un risque calculé.  Non seulement, sa réapparition veut laisser croire que Bourgi est innocent, mais elle laisse aussi transparaître la volonté de  ce dernier de coopérer avec la Justice sénégalaise. Et ses avocats pourraient bien s’en servir pour demander la clémence de la Cour afin qu’elle relaxe leur client. Certes, la relaxe ou la condamnation d’un accusé est une question de preuves et de qualité de celles-ci.  Toujours est-il que Bourgi a désormais des éléments qui plaident en sa faveur, car ce retour constitue, d’une certaine façon, une preuve de bonne foi et un élément non négligeable dans le procès. En décidant de se remettre à la disposition de la Justice sénégalaise, Bourgi rend service à lui-même, mais aussi aux juges, car Karim Wade avait refusé de parler en son absence. Toute chose qui   compliquait davantage leur tâche.   Si Bourgi a donc décidé de venir répondre des faits à lui reprochés, c’est qu’il vise bien un objectif. Peut-être que l’homme s’est résolu à ne pas abandonner l’ex-ministre du ciel et de la terre qui, faut-il le rappeler, a la nationalité française. Ce retour pourrait donc s’inscrire dans la volonté de Bibo de contribuer à la libération de Karim Wade.

L’affaire Karim Wade est devenue un véritable boulet au pied de Macky Sall

Cela est d’autant plus plausible que ce dernier a   demandé une liberté provisoire qui a pour l’instant été rejetée. La question que l’on se pose est de savoir si la Justice répondra favorablement à la requête du fils de l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade.  Car, il s’agit là d’un procès si complexe qu’accorder une liberté, fût-elle provisoire, pourrait permettre à l’accusé de suborner certains témoins et partant, de rendre plus difficile la manifestation de la vérité.  Toutefois, si la Justice veut aller dans le sens de l’apaisement, elle ne doit pas balayer d’un revers de la main cette requête de Wade fils. Une telle mansuétude pourrait constituer un ouf de soulagement pour la Justice elle-même, qui semble s’essouffler avec ce dossier Karim Wade, et pour le président Macky Sall. On ne le sait que trop, cette affaire   commence à empoisonner le mandat du président sénégalais et son souhait serait de la voir réglée au plus vite. Le retour de Bourgi qui relance ce feuilleton juridico-politique,  conduira-t-il  à un modus vivendi entre la Justice et les accusés ? Ce modus vivendi pourrait consister à accorder une liberté provisoire aux accusés, tout en sachant qu’une fois rentrés en France, ils ne reviendront plus. Un tel arrangement pourrait calmer les ardeurs de Abdoulaye Wade qui ne cesse de s’agiter. Seulement, on se demande si le peuple sénégalais, qui attend que le droit soit dit dans cette affaire, accepterait un tel compromis. Les Sénégalais, dans leur majorité, sont attachés à la vérité et il serait difficile pour eux de se contenter d’un  arrangement synonyme d’impunité. Faut-il libérer Karim Wade avec tout ce que cela comporte comme risques ? En tout cas, c’est peu de dire que cette affaire Karim Wade est devenue un véritable boulet au pied de Macky Sall.

Dabadi ZOUMBARA