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SOMMET AFRIQUE-FRANCE DE MONTPELLIER


En 2017, quand Emmanuel Macron succédait à François Hollande à la tête de l’Hexagone, bien des Africains avaient été impressionnés par son jeune âge. Cela a  constitué, peut-on dire, un premier élément de rupture par rapport à l’âge des présidents qui l’ont précédé à l’Elysée. Désormais, on peut se permettre d’évoquer un autre élément de rupture lié à Emmanuel Macron. C’est le nouveau format que ce dernier vient d’apporter au sommet Afrique-France. En effet, pour la première fois depuis le début des sommets Afrique-France en 1973, cette rencontre excluait les chefs d’Etat du continent noir. Macron a voulu avoir comme interlocuteurs, en leur lieu et place, des hommes et des  femmes issus de la société civile africaine. En tout cas, si l’un des critères de sélection était de ne pas avoir la langue dans la poche, l’on peut affirmer, au regard des  propos   martelés, que le Camerounais Achille M’Bembe, qui avait la charge de piloter le sommet, a réussi son casting. En effet, les 11 (onze) femmes et hommes sélectionnés parmi les quelque 3 000 personnes invitées du continent, ont su trouver les mots et parfois les images qu’il fallait pour s’adresser au grand chef des Blancs.

 

Cette rencontre avait une fonction cathartique

 

A ce sujet, la métaphore de la Burkinabè Elda Koama peut être citée à titre d’exemple. En effet, la jeune dame a laissé entendre ceci : « Si la relation entre les pays d’Afrique et la France était une marmite, sachez qu’elle est très sale, cette marmite… ».  Tous les reproches traditionnels qui étaient formulés  sur le continent à l’endroit de la France, ont été évoqués à Montpellier. Et le ton employé était celui des tracts dont les campus universitaires africains sont très souvent inondés. En somme, Jupiter a eu droit à une séance de questions sans filtre. Et les réponses qu’il a apportées à certaines d’entre elles, permettent de dire que l’homme s’est très bien défendu. Les questions face auxquelles il a donné l’impression d’avoir perdu son latin et de sa superbe, ont été celles qui étaient liées au troisième mandat. Ce sommet new look, peut-on dire, avait un objectif. Celui de permettre aux jeunes Africains de dire haut et fort ce que les opinions publiques africaines pensent des relations entre la France et l’Afrique, notamment entre l’ancienne puissance coloniale et ses anciennes colonies. De ce point de vue, l’Elysée n’a pas été surprise par ce qu’elle a entendu. D’ailleurs, l’on peut se risquer à dire que cette rencontre avait une fonction cathartique, c’est-à-dire celle de permettre aux Africains, via leurs jeunes et leurs sociétés civiles, de se libérer des affects en lien avec les relations que leurs pays respectifs entretiennent avec la France et qui ont, pendant longtemps, été refoulés dans leur subconscient. Du point de vue de la psychanalyse, cela peut aider à guérir les pathologies qui affectent les relations entre la France et le continent noir. En réalité, la France est consciente aujourd’hui du fait que les opinions publiques africaines ont généralement, à tort ou à raison, une très mauvaise image d’elle.

 

Les Africains doivent se convaincre qu’aucune puissance de cette planète, ne travaille contre ses intérêts

 

Le cas malien n’est que la partie visible de l’iceberg. A Ouagadougou tout comme à Niamey ou encore à Brazzaville, ils sont nombreux, les citoyens qui en ont gros sur le cœur contre la France et qui sont disposés à le crier sur tous les toits. Et très souvent, cette colère est portée par les organisations de la société civile africaine.  Que la France ait eu l’audace de convier certaines de ces organisations sur son sol pour échanger sur les relations qu’elle entretient avec l’Afrique, peut donc susciter des questions ! L’une d’elles pourrait être de savoir si la France ne veut pas, par-là, instrumentaliser ces « voix » des « sans voix » de sorte à ce qu’elles l’aident à déconstruire les discours antifrançais qui, aujourd’hui, ont pignon sur rue en Afrique. Le fait de vouloir associer ces organisations à la gestion de ce fameux fonds que la France entend mettre en place pour promouvoir la démocratie en Afrique, ne participe-t-il pas de cette stratégie ? En tout cas, on attend de voir ce que nous réserve l’après show médiatique et défoulement collectif de Montpellier. Va-t-il marquer le départ d’une relation saine et mutuellement avantageuse entre les deux parties ? Ou sera-ce un simple et stratégique changement d’emballage ? En attendant que le terrain apporte des éléments de réponse à ces interrogations, les Africains doivent, d’ores et déjà, se convaincre qu’aucune puissance de cette planète, ne travaille contre ses intérêts. Et les foultitudes de sommets Afrique-France, Afrique-Japon, Afrique-Italie, Afrique-Chine et l’on en oublie, sont tous des sommets dont les créations sont motivées par cette réalité. Et la sagesse africaine selon laquelle « la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit », est là pour convaincre ceux qui en doutent encore.

 

« Le Pays »

 

 


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