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SOMMET AFRIQUE-TURQUIE


Une quarantaine de hautes personnalités africaines dont treize chefs d’Etat et deux Premiers ministres ont pris part, les 17 et 18 novembre derniers, au 3è sommet de partenariat Afrique-Turquie, sous la houlette du président turc, Recep Tayyip Erdogan. Dans le Palais des congrès d’Istanbul bondé d’invités, les participants à ce raout ont planché sur le renforcement de la coopération entre la Turquie et l’Afrique, notamment sur les fronts économique, sécuritaire et culturel. L’occasion était belle pour Erdogan d’exprimer la volonté de son pays de consolider sa position sur le continent face à la concurrence européenne, chinoise et russe, en s’appuyant sur les valeurs partagées par les deux partenaires à savoir l’attachement commun au multilatéralisme, le refus de l’ingérence et la lutte contre l’exploitation d’où qu’elle vienne. Un discours, somme toute séduisant, qui privilégie une relation d’égal à égal dans un partenariat gagnant-gagnant, et qui fait manifestement mouche, d’autant que les pays africains préfèrent désormais se défaire ouvertement de la présence écrasante des anciennes puissances colonisatrices, pour s’enticher de nouveaux partenaires comme la Turquie a priori plus respectueux de la souveraineté des Etats et des spécificités locales.

 

 

Par rapport à la question sécuritaire, un appel a été lancé à l’hôte du sommet

 

 

C’est justement sur ces cordes sensibles qu’Erdogan joue à fond contre ses concurrents occidentaux, et cela lui a plutôt porté bonheur quand on sait que l’Afrique est devenue le terrain de prédilection des investisseurs et hommes d’affaires turcs au moment où son pays est plus que jamais isolé sur la scène internationale. C’est vrai que face à la Chine, à la Russie ou à l’Union européenne, la Turquie est loin de faire figure de puissance ayant les plus grands intérêts en Afrique, mais il n’en reste pas moins vrai qu’elle a fait une percée spectaculaire sur le continent, notamment dans les domaines de l’industrie, de la construction et de la sécurité. A titre d’exemple, le commerce entre ce pays et la majorité des Etats africains est de plus en plus florissant, et cela est essentiellement dû au fait qu’il propose des produits de qualité européenne à des prix asiatiques, donc moins chers, aux importateurs du continent. En outre, le pays de Mustapha Kemal Atatûrc a misé ces dernières années sur les œuvres caritatives et la multiplication d’organisations humanitaires pour venir en aide aux populations africaines durement affectées par l’insécurité, les maladies et l’analphabétisme. Par rapport justement à la question sécuritaire, un appel a été lancé à l’hôte du sommet afin qu’il apporte son soutien aux pays qui sont en proie au terrorisme, et qui sombrent de plus en plus malgré la présence de dizaines de milliers de soldats sur le terrain. Un appel qui ne tombera certainement pas dans l’oreille d’un sourd, puisqu’en la matière, la Turquie a de l’expertise et du matériel performant à revendre.

 

 

L’opération-séduction du président turc sera sans doute bien accueillie par les Africains

 

 

Elle a, en effet, ouvert sa plus grande base militaire à l’étranger en Somalie depuis 2017, signé en 2020 un accord avec le Niger qui prévoit l’envoi de soldats turcs pour combattre Boko Haram, et dispose de drones de combat et de reconnaissance sans pilote qui ont marqué les esprits depuis qu’ils ont privé le Maréchal Kalifa Haftar de la Libye, d’une victoire qui lui semblait acquise lors de son offensive contre les forces pro-gouvernementales en juin 2020. En clair, la Turquie s’est donné les moyens d’avoir un rayonnement au-delà de son environnement proche, et ses dirigeants espèrent que la troisième rencontre avec le continent africain, qui vient de s’achever, leur ouvrira davantage de portes et d’opportunités commerciales lucratives, au moment où son économie est plombée par la pandémie de Covid-19. Avant de prendre congé de ses hôtes, le 18 décembre, Tayyip Erdogan les a invités au 2e forum de la diplomatie que son pays organise en mars prochain, et leur a promis 15 millions de doses de vaccins anti-Covid, en plus des milliers d’équipements de protection individuelle et de respirateurs déjà envoyés aux quatre coins du continent. Cette opération -séduction du président turc sera sans doute bien accueillie par les Africains qui, il faut le dire, commencent à comprendre le parti qu’ils peuvent tirer de cette cour assidue que leur font les puissances concurrentes. En attendant, les populations africaines doivent, en tout cas, garder l’œil ouvert, surtout quand on sait que toutes ces promesses mirobolantes de développement ne sont généralement que des tours de passe-passe pour venir ponctionner les ressources naturelles enfouies dans nos terres et nos fonds marins,  avec la complicité de certains de nos dirigeants.

 

« Le Pays »


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