HomeA la uneSOMMET ETATS-UNIS/AFRIQUE :Que peut Obama contre les tripatouilleurs des Constitutions ?

SOMMET ETATS-UNIS/AFRIQUE :Que peut Obama contre les tripatouilleurs des Constitutions ?


A l’initiative du président américain Barack Obama, s’ouvre ce lundi 4 août 2014 à Washington, le sommet USA/Afrique. Une telle rencontre, qui est inédite il faut le souligner, va permettre à l’hôte du jour d’échanger avec ses homologues africains sur divers sujets. Dans l’esprit de la phrase désormais célèbre qu’il avait prononcée lors de sa visite au Ghana, selon laquelle l’Afrique a plus besoin d’institutions fortes que d’hommes forts, l’on peut s’attendre à ce que le premier président noir des USA, de surcroît d’origine africaine, tienne à « ses parents » un langage de vérité qui fera certainement rougir des yeux.

 

les Africains suivront avec intérêt ce grand rendez-vous Etats-Unis/Afrique

 

Mais, en attendant ce que dira exactement Barack Obama à ses illustres hôtes, l’on peut déjà déplorer que la Maison blanche n’ait pas associé à cette rencontre historique la société civile africaine. Cela lui aurait permis d’entendre la voix des sans-voix sur les nombreuses et diverses préoccupations des populations. Malgré ce manque, les Africains suivront certainement avec intérêt et de bout en bout ce grand rendez-vous Etats-Unis/Afrique. Barack Obama, on peut le deviner, sera notamment attendu sur les questions brûlantes du moment, en particulier celles qui sont liées à la gouvernance politique. Barack Obama a certainement bien fait de constituer sa classe, en excluant certains élèves infréquentables et indisciplinés à ses yeux, comme Robert Mugabe et Omar El Béchir, mais il aurait mieux fait, en ne conviant pas à ce sommet certains chefs d’Etat qui, franchement, en matière démocratique, ne sont pas plus brillants que le vieux Bob du Zimbabwé. En effet, et pour être plus concret, les démocrates africains pourraient être choqués de constater parmi l’assistance, la présence de certains prédateurs de la démocratie comme le Congolais Denis Sassou N’guesso ou encore l’Ougandais Yoweri Museveni… pour ne citer que ces deux exemples. Et la liste est loin d’être exhaustive. Interrogé sur son intention de s’accrocher au pouvoir en tripatouillant la Constitution de son pays, le premier cité, Sassou N’guesso, s’est lancé dans un argumentaire insipide et creux qui en dit long sur sa conception de la démocratie. Il a notamment laissé entendre que sa volonté de passer par un référendum pour modifier la loi fondamentale obéissait plus à son souci de consulter le peuple souverain du Congo sur les grandes questions liées à la vie de la Nation, qu’à toutes autres considérations. Dans la foulée, Sassou N’guesso a même osé une comparaison assassine avec l’Allemagne, qui n’a pas prévu dans sa Constitution la limitation des mandats, pour dire in fine que celle-ci n’est pas une exigence de la démocratie. Franchement, ce genre de président, qui régente le Congo comme son jardin potager depuis toujours et qui s’est illustré par une gouvernance chaotique dans tous les domaines mais qui n’est pas prêt à débarrasser de sitôt le plancher, aurait dû rester à la maison. Malheureusement, il y sera en chair et en os et avec lui tous les autres présidents qui partagent le même paradigme politique. Cela dit, la classe sera remplie, les élèves buissonniers seront rares.

 

Le sommet USA/Afrique risque de ne pas changer le destin des Africains

 

Barack Obama y tiendra un cours magistral sur la démocratie. Mais l’on pourrait se poser la question de savoir quel effet les tirades du chef de la Maison blanche sur la gouvernance politique, pourraient avoir sur les tripatouilleurs connus et cachés des Constitutions. L’on peut être tenté de dire qu’ils l’écouteront religieusement. Publiquement, ils ne feront aucune objection, car il s’agit avant tout de la grande Amérique. Mais de retour dans leurs palais et dans le secret des murs, ils pourfendront devant leurs thuriféraires qui ne manqueront pas d’exulter, l’outrecuidance de Barack Obama qui fouine trop dans leurs affaires intérieures. Et le train de l’immobilisme politique, de la gabegie, de la corruption et de la patrimonialisation du pouvoir reprendra sa marche inexorable et forcenée vers des destinations porteuses de tous les dangers pour la pauvre Afrique. C’est pourquoi l’on peut avoir envie de dire que le sommet USA/Afrique risque de ne pas changer le destin des Africains. En effet, en 1990, à l’occasion du discours de la Baule, François Mittérand avait remonté les bretelles à certains chefs d’Etat africains, en tenant un discours osé qui avait suscité de l’espoir pour les démocrates africains. Ils avaient vite fait de déchanter. Dans leur ingéniosité, les princes qui nous gouvernent se sont simplement mués en « démocrates » des tropiques. Le discours que Barack Obama tiendra sur la démocratie connaîtra le même sort que le discours de la Baule. Les démocrates africains ne devraient donc pas se faire beaucoup d’illusions. Une action concertée de la Maison blanche et de l’Elysée aurait peut-être eu l’avantage d’impacter positivement la marche des Africains vers la démocratie. En tous les cas, le combat pour la démocratie est d’abord l’affaire des Africains. C’est à eux d’abord de serrer les coudes et de braver la peur s’ils veulent véritablement arrimer le continent noir à la démocratie et au développement.

 

« Le Pays »


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