HomeA la uneSORTIE DE KABILA A L’OCCASION DU 56E  ANNIVERSAIRE DE LA RDC : «  Le peuple congolais est mûr », mais Kabila l’est-il autant ?

SORTIE DE KABILA A L’OCCASION DU 56E  ANNIVERSAIRE DE LA RDC : «  Le peuple congolais est mûr », mais Kabila l’est-il autant ?


Le cinquante-sixième anniversaire de l’indépendance de la République Démocratique du Congo (RDC), a été célébré hier, 30 juin 2016 à Kindu, chef-lieu de la province du Maniema, en présence du président Joseph Kabila Kabange, et de son Premier ministre et natif de la ville hôte, Augustin Matata Ponyo Mapon. Cette cérémonie, qui devrait en principe être la dernière pour le président actuel du Congo, s’est déroulée dans un contexte de crise politique chargée de lourdes conséquences pour le pays, d’autant que le très introverti Joseph Kabila continue de botter en touche quand on lui demande de se prononcer sur ses intentions de s’offrir indûment quelques jours de bonus au Palais de marbre. Las d’attendre une réponse sans équivoque du chef de l’Etat à la question relative au respect de la loi fondamentale qui lui interdit un troisième mandat, et craignant un chaos de plus dans ce pays structurellement malade, la communauté internationale et les partenaires bilatéraux du Congo ont commencé à agiter le chiffon rouge, au motif que « mieux vaut prévenir que guérir ».

Les menaces tous azimuts semblent plutôt avoir conforté le « têtu de Kinshasa » dans l’absurdité

Ainsi, des avertissements et des sanctions ont été brandis en cascade dans la deuxième quinzaine du mois de juin contre Joseph Kabila et ses co-fossoyeurs de la démocratie en RDC, comme pour stopper leur élan vraisemblablement irréversible vers le glissement du calendrier électoral dans un premier temps, puis, vers la candidature et naturellement la victoire de celui qui cristallise aujourd’hui toutes les critiques et toutes les passions politiques dans son pays. Pour autant, ni l’appel à sa démission dès la fin de son mandat, lancé par l’Assemblée parlementaire ACP-Union Européenne, ni la fermeté affichée par le Parlement européen contre le retard dans le processus électoral, ni les sanctions ciblées prises par les Etats-Unis contre le chef de la police de Kinshasa Célestin Kanyama, encore moins la Résolution 2293 adoptée par le Conseil de Sécurité de l’ONU contre les partisans du maintien de Kabila au pouvoir, ne semblent émouvoir outre mesure le président congolais, bien au contraire. Ces menaces tous azimuts semblent plutôt avoir conforté le « têtu de Kinshasa » dans l’absurdité qui consiste à vouloir s’imposer indéfiniment aux Congolais, le retour à la vie ordinaire étant synonyme pour lui de descente aux enfers avec toutes ces casseroles, pour ne pas dire ces marmites qu’il traîne depuis qu’il est entré par effraction dans l’histoire de son pays, au lendemain de l’assassinat de son père en 2001. La communauté internationale a tellement accumulé des bourdes et manqué de poigne dans la course aux troisièmes mandats entamée par les satrapes de l’Afrique centrale et des Grands lacs, qu’elle ne peut plus intimider un dictateur à la peau dure comme Joseph Kabila. La « jurisprudence Nkurunziza » est en effet là pour plaider en faveur de sa résistance, et les différentes salves que Kabila tire depuis l’année dernière sur l’ONU, ne sont que des signaux qu’il envoie à qui veut les entendre, pour dire qu’il ne fléchira point. Pour avoir combattu dans le maquis auprès de son père lors de la première guerre du Congo, le Général Joseph Kabila a certainement appris à donner des coups en tapinois et sans état d’âme, et c’est cette expérience du maquisard qu’il semble opportunément utiliser aujourd’hui pour clouer au pilori son opposition politique et la très indécise communauté internationale. A l’interne, il est en train de manœuvrer avec la complicité de l’appareil judiciaire pour écarter de l’hypothétique élection présidentielle, ceux qui pourraient contrarier son rêve de rester éternellement au pouvoir, envers et contre tous. La récente condamnation à trois ans de prison de son challenger le plus sérieux, Moïse Katumbi Chapwe par le tribunal de Kamalondo à Lubumbashi, procède justement de cette stratégie de décantation, et on peut parier que cet opposant n’a pas encore fini avec le rouleau compresseur de la Justice, en tout cas tant qu’il s’entêtera à lorgner le fauteuil de Kabila. Vis-à-vis de l’extérieur et de la communauté internationale, ce sont des messages pleins de « gondwanités » que le président congolais débite, en surfant sur le nationalisme étriqué de ses compatriotes et en rappelant à ses partenaires occidentaux que « le peuple congolais est mûr » et n’acceptera donc aucune injonction, d’où qu’elle vienne. On rirait aux éclats si cette déclaration sur fond de chauvinisme n’était pas faite à la veille d’une crise préélectorale inévitable, avec les risques de démarrage d’une énième saison de machettes.

Le violent réquisitoire de Kabila contre la communauté internationale cache mal ses intentions de rouler tout le monde dans la farine

Tous les indices montrent en effet qu’il y a de quoi pleurer le sort de ce grand peuple pris en otage par un petit président, car, dans la perspective d’anéantir toute possibilité d’alternance, il est en train de mettre les petits plats dans les grands pour détourner les radars de la communauté internationale du Congo. A quelles fins ? Eh bien, aux fins de massacrer en silence les derniers irréductibles, et de dire, à la suite de Pangloss, qu’en RDC aussi, « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Cette perspective est d’autant plus plausible que rien d’autre ne peut justifier ce bras d’honneur fait à l’ONU, car, si l’étroitesse d’esprit et l’égocentrisme de Joseph Kabila sont de notoriété publique, on ignorait qu’il était amnésique au point d’oublier que l’Est de son pays abrite la plus grande mission de la paix déployée par l’Organisation internationale dans le monde, grâce à laquelle le Congo n’est pas parti en lambeaux. Alors, souveraineté pour souveraineté, Joseph Kabila devrait axer ses discours sur la pacification de l’ensemble de son pays pour créer les conditions du départ des forces onusiennes, et ipso facto, justifier sa boutade selon laquelle « le peuple congolais n’a pas besoin d’ingérences intempestives et illicites ». Son violent réquisitoire contre la communauté internationale, le 29 juin dernier à Kalemie, de même que ses appels réitérés au dialogue et à l’enrôlement dans son discours d’hier jeudi à l’occasion de la fête de l’indépendance de son pays, cachent mal les intentions du Général de division (au propre comme au figuré) de rouler tout le monde dans la farine, y compris le clergé catholique qui n’a jamais fait mystère de son opposition à tous ceux qui veulent prendre des libertés avec la loi fondamentale de la RDC.

« Le pays »


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