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SORTIE DU MINISTRE SENEGALAIS DE L’INTERIEUR : Un excès de zèle qui dessert Macky Sall


En 2019, Macky Sall sollicitera pour la deuxième et dernière fois le suffrage des Sénégalais à l’effet de renouveler son mandat à la tête du pays de la Teranga. Cette échéance fait déjà monter la tension entre le pouvoir et l’opposition. C’est dans ce contexte que le ministre de l’Intérieur, en charge de l’organisation des élections, est sorti du bois en se fendant d’une déclaration qui sonne comme une provocation sans frais vis-à-vis de l’opposition. En effet, invité d’une chaîne privée du Sénégal, Aly Ngouille Ndiaye, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a laissé entendre ceci : « J’ai la ferme intention de travailler pour que le président Macky Sall gagne au premier tour l’élection présidentielle du 24 février 2019». L’homme aurait moins irrité peut-être l’opposition s’il s’était arrêté là. Mais il a choisi, peut-on dire, de porter la provocation à son paroxysme en ajoutant ceci : « Je ferai inscrire tous ceux qui veulent voter pour Macky Sall. Je m’emploierai pour qu’ils récupèrent leur carte d’électeur et je les aiderai à aller voter pour Macky Sall ».

Le ministre de l’Intérieur a donné le fouet pour se faire flageller

Un ministre de l’Intérieur qui, qui plus est pilote l’organisation de la présidentielle, ne devrait pas dire ça. Et il l’a immédiatement appris à ses dépens. Car, le Parti démocratique sénégalais, principale formation de l’opposition, exige sa démission hic et nunc. Le parti de l’ancien président Abdoulaye Wade, a exprimé cette position au sortir d’une réunion du comité directeur. Pour le parti de ‘’Gorgui’’, la neutralité et l’impartialité du ministre de l’Intérieur sont en cause après les déclarations qu’il a faites. Et Oumar Sarr, coordonnateur du parti libéral, n’est pas passé par quatre chemins pour dire tout le mal qu’il en pense. « Nous ne saurions accepter que ce partisan déclaré d’un candidat organise des élections dans notre pays », a martelé Oumar Sarr. Le Parti démocratique sénégalais est dans son bon droit de lancer ce coup de gueule. Et l’on peut dire que c’est le ministre de l’Intérieur qui lui a donné le fouet sur un plateau d’or pour se faire flageller. En effet, quelle mouche a bien piqué le ministre de l’Intérieur pour qu’il se fende d’une déclaration qui met en avant son caractère partisan, peut-on se demander ? Il devrait d’autant plus s’abstenir de tenir de tels propos que l’opposition était déjà vent debout pour exiger que le ministère de l’Intérieur, du fait qu’il est la structure chargée d’organiser les élections, soit confié à une personnalité apolitique. Et cette revendication, après les bourdes, peut-on dire, du ministre de l’Intérieur, est, on ne peut plus compréhensible. Et comme nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, le serviteur zélé de Macky Sall, c’est-à-dire le ministre de l’Intérieur, auteur de ces déclarations provocatrices, doit en tirer toutes les conclusions qui s’imposent. Et la première d’elles est de rendre le tablier. Mais comme la culture de la démission n’est pas la chose la mieux partagée sous nos tropiques, l’on peut suggérer de l’y contraindre. Le président Macky Sall doit d’autant plus l’y pousser que cet excès de zèle ne lui rend pas service. Bien au contraire, il est de nature à donner à l’opposition, des arguments pour contester les résultats de la présidentielle de l’année prochaine au cas où elle en sortirait perdante.

La mise en place d’une structure indépendante chargée d’organiser les élections n’est pas un luxe

Dans cette hypothèse, l’opposition aura beau jeu de dire à la face du monde que c’est le ministre de l’Intérieur qui a traduit sa parole dans les faits, en manipulant les résultats pour son mentor, Macky Sall. Et cette critique pourrait être recevable, même dans le scénario où Macky Sall remporterait la présidentielle de 2019 à la régulière. Macky Sall a donc intérêt à balayer ici et maintenant la maison pour ne pas donner raison au scorpion. Et balayer la maison dans le cas d’espèce, signifie pour lui démettre purement et simplement Aly N’Diaye de son poste de ministre de l’Intérieur. Cela dit, on peut  suggérer au pays de la Teranga d’envisager sérieusement la mise en place d’une structure véritablement indépendante chargée d’organiser les élections. En Afrique, de plus en plus, c’est cette formule qui est expérimentée. Et dans bien des pays, cela participe du renforcement de la démocratie. Le Sénégal pourrait s’y essayer. Le pays de Senghor doit d’autant plus explorer cette piste que de plus en plus, des voix s’élèvent à chaque élection pour contester les résultats au motif qu’ils ne reflètent pas la réalité des urnes. Macky Sall bonifierait la démocratie dans son pays en faisant en sorte que le ministre de l’Intérieur, qui est par essence une personnalité politiquement marquée, soit déchargé de l’organisation des élections. L’on pourrait objecter en arguant qu’en France, puisque c’est le modèle sous nos tropiques francophones, c’est le ministère de l’Intérieur qui organise les élections et que cela se passe plutôt bien. Ce n’est pas faux. Mais comparaison n’est pas raison. En effet, «nos ancêtres, les Gaulois », ont derrière eux une longue expérience démocratique. Ce qui leur a permis de corriger, au fil de l’histoire, les imperfections liées aux processus électoraux. Cette réalité n’est pas celle du Sénégal, même si on ne peut pas lui faire l’injure d’être une république bananière. De tout ce qui précède, l’on peut affirmer que la mise en place d’une structure indépendante chargée d’organiser les élections au Sénégal, en lieu et place du ministère de l’Intérieur, n’est pas un luxe. Elle est au contraire une nécessité, en ce sens que cela pourrait contribuer à installer la confiance entre les acteurs politiques ; toute chose qui est un prérequis  pour mieux faire en matière de démocratie.

« Le pays »


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