HomeA la uneTRANSITION POLITIQUE AU BURKINA : Eviter les nominations à la hussarde

TRANSITION POLITIQUE AU BURKINA : Eviter les nominations à la hussarde


Il y a comme un rituel établi désormais au Faso, au lendemain de la contestation suivie de la démission du juge-ministre Adama Sagnon, précédemment désigné pour gérer le département de la Culture. Des Burkinabè se plaisent à contester des nominations à tout bout de champ. On récuse même aujourd’hui des personnes en poste avant l’avènement de la Transition. La chose prend des proportions inquiétantes. A tel point  que l’on en arrive à se demander jusqu’où l’impunité a-t-elle pu causer des dégâts dans l’appareil d’Etat ? A l’évidence, avec les dernières contestations, le mode de désignation pose aujourd’hui problème au niveau de l’Etat. D’aucuns s’inquiètent devant ce qui apparaît comme une confusion dans la gestion de la Transition. Mais, comment peut-il en être autrement ?

Il faut savoir distinguer le bon grain de l’ivraie

Ces contestations se justifient, d’autant que c’est le peuple qui s’exprime au nom de la démocratie. Le pouvoir a été pris par le  peuple dans la rue. Ce dernier a donc un droit de regard sur la façon dont se gère la Transition. Simple question de cohérence. Ceux qui ont en charge d’animer ce type de pouvoir, doivent veiller sur la qualité des hommes. Légitime donc qu’au niveau de l’appareil d’Etat, ils cherchent à lui éviter d’être gangréné par le biais de ressources humaines   remarquablement  souillées. Si l’on conteste aujourd’hui des nominations, c’est bien parce que hier, le silence s’imposait. Aujourd’hui, il est difficile de se taire. En se jetant dans la rue pour chasser le dictateur Blaise Compaoré et son régime,   le peuple s’est arrogé tous les droits. Par conséquent, partout où il se sent lésé, il continuera à revendiquer ses droits, et de la même manière. La démocratie le veut ainsi, qui se caractérise par le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. C’est bien parce que le peuple est descendu dans la rue que le régime Compaoré a été défait. Et il est logique que le pouvoir actuel, issu de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre derniers, se plie devant la volonté populaire. Ce régime de la transition est l’émanation du peuple burkinabè dans sa grande diversité. Les prises de position à contre-courant, n’y pourront rien.

Il ne faut pas se voiler la face. Trop de bêtises ont été commises durant plus d’un quart de siècle de pouvoir Compaoré. Hors de doute que ce pays prendra du temps à s’en remettre. Il y a du travail à faire, et l’on ne peut prendre le risque de cheminer avec des individus compromis, ou qui risquent fort de tout remettre en question. Sans doute le redémarrage est-il difficile avec des gens qui étaient « aux affaires », et dont la moralité pose problème ! Mais, il faut savoir distinguer le bon grain de l’ivraie, si l’on veut avancer dans la bonne direction.   Le mal est profond, et ses origines bien connues.

Honnêtes, modestes et fort consciencieux au départ, nombre d’individus se sont progressivement laissé gagner par la cupidité. Ils en ont oublié jusqu’au contenu flatteur mais combien révélateur et plein d’enseignements de notre hymne national  « Le Ditanyé», pourtant régulièrement fredonné par leur propre progéniture ! Visiblement, cet air qui galvanise autant qu’il rappelle à l’ordre, n’aura pas pu les ébranler jusque dans leur tréfonds. A la fois victime de leurs propres turpitudes et bourreaux accomplis du peuple en détresse, ils vont devoir payer la rançon de leur méprise. Pour avoir préféré la courte échelle, voilà les profiteurs aujourd’hui aux abois !

De la qualité de la gestion de la Transition dépendra l’avenir du Burkina

Des enquêtes de moralité et en profondeur s’avèrent donc nécessaires avant toute nomination. Elles devront se mener dans les règles de l’art. Les enquêteurs pourront s’abreuver à bonne source : parmi les personnes ressources, il y a celles du service dans lesquels travaillent les candidats. Y figurent certes des cadres, mais surtout de nombreux agents de soutien administratif. Ceux-là constituent toujours de véritables mines d’informations à exploiter. L’on pourrait aussi emprunter au modèle américain, la méthode consistant à recourir au Congrès et au FBI, pour s’assurer de la bonne moralité d’un candidat. Dans notre contexte, le gouvernement pourrait  nommer un cadre, sous réserve qu’il soit approuvé par le Conseil national de Transition (CNT). Celui-ci faisant office de Parlement,   donnera son approbation. Auparavant, une enquête de moralité aura eu lieu, qui impliquera nos forces de défense et de sécurité, aidées le cas échéant par Interpool local. Le processus  de nomination pourrait comporter deux niveaux. Le risque zéro n’existant pas, l’intéressé ne pourra prendre service qu’une fois la bonne moralité confirmée par les enquêtes.

Parce que de la qualité de la gestion de la Transition dépendra l’avenir du Burkina et des Burkinabè, il ne faut pas craindre de ratisser large. Cela aura l’avantage d’éviter les nominations hâtives, lesquelles frisent parfois la complaisance. Il faut éviter de confondre vitesse et précipitation. Le contexte de la Transition qui se veut inclusive, peut  nous entraîner dans des erreurs.   Il faut donc éviter de prêter le flanc. A coup sûr, les erreurs seront difficiles à éviter ; mais, il s’agit de les limiter au maximum. Et lorsque l’erreur est avérée, il faudra la réparer immédiatement.

Jamais, on n’aura vu autant se concrétiser le principe du gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Aux gestionnaires de la Transition de faire attention, d’éviter de changer pour changer. Où qu’elles se trouvent, les nouvelles autorités ne doivent pas sacrifier l’avenir du Burkina et des Burkinabè, au gré des nominations hâtives. En aucun cas, on ne doit constater le retour de la complaisance, comme naguère sous la quatrième République. Les délinquants à col blanc sont encore  nombreux. Mais, des gens qui n’ont pas trempé leur barbe dans la soupe du clan Compaoré, il y en a aussi bien au Burkina que dans la diaspora.   Mais, avant de  procéder à des nominations, on se doit de fouiller le parcours des postulants éventuels. Il suffit de prendre le temps de les chercher, mais aussi de mobiliser les ressources idoines, afin de s’assurer de leurs compétences, autant que de leur bonne moralité. C’est à ce prix qu’on parviendra à éviter les nominations à la hussarde.

 

« Le Pays »


Comments
  • En rapport à ce passage : « Si l’on conteste aujourd’hui des nominations, c’est bien parce que hier, le silence s’imposait », je voudrais dire que quand bien même le silence régnait hier, le gouvernement restait à m’écoute des appels. Pour preuve, je sais que des gens ont été nommés de par le passé, contesté de façon civilisée, ils ont été remplacés avant leur prise de service. A l’hôpital de Fada ; il y’a eu par deux fois, des nominations de Directeurs de l’administration et finances, l’un en 2010 et l’autre en 2013 si j’ai une bonne mémoire, mais qu’ont pas pu prendre service. Ceux là n’ont nullement été contestés dans la rue mais simplement par des révélations faites par des personnes dignes de foi sur le passé desdits agents. Cette information peut être vérifier au ministère de la santé. C’est donc dire que le gouvernement passé écoutait et était animer de la bonne gouvernance.
    La situation actuelle est que l’incivisme qui était une pratique de la rue, est devenue administrative et malheureusement pratiqué par des gens qui devraient avoir une certaine culture civique. Et c’est çà le danger de la situation actuelle. L’incivisme n’est plus l’apanage des analphabètes mais aussi celui des intellectuels sensé éduquer la masse : des journalistes surtout.
    Nulle ne conteste aux insurgés le droit de revendiquer. Non, seulement la revendication dans l’anarchie ne peut que nous conduire droit au mur. Ce qui est aussi regrettable c’est que les contestations ne sont pas toujours fondées. Prenons le cas des bouchers de Bobo. A y regarder de près, on sent un règlement de compte en bonne et dû forme : parce que le directeur n’autorise pas la conservation des carcasses des bœufs tués dans des conditions douteuse en brousse dans la chambre froide de l’abattoir, ceux dont les intérêts sont mise en cause, fomentent des coups avec des gens sur excités pour exiger le départ du DG. Sauf qu’un DG acquis pour la cause de ces gens ne servira pas simplement le peuple.

    26 décembre 2014
  • Enfin, un ;

    26 décembre 2014
  • Depuis 2010, le système d’appels à concurrence a été adopté comme la procédure de désignation des DG des sociétés d’Etat et d’Etablissements Publics de L’Etat(EPE).Ainsi, des avis d’appels à candidatures sont lancés par voie de presse pour permettre aux cadres intéressés par les postes de DG et qui ont le profil requis de postuler. Les candidats présélectionnés font l’objet d’une enquête de moralité afin de retenir le candidat jugé meilleur qui sera ensuite nommé en conseil des ministres .Tout DG nommé par cette procédure a un contrat d’objectifs évalué annuellement par un conseil d’administration et le mandat du DG est de 3 ans renouvelable une seule fois. Cette procédure est effectivement en vigueur dans des secteurs sensibles comme les hôpitaux, le laboratoire de santé publique etc…Les contrats de certains DG jugés positifs ont été renouvelés et d’autres résiliés pour insuffisances de résultats
    Cette procédure d’appels à candidatures valorise les compétences et met à l’abri des nominations politiciennes de complaisance.
    Hélas, certains postes jugés stratégiques de l’Etat comme la SONABEL, l’ONEA, la SONABHY, la CNSS échappent à cette procédure d’appels à candidatures. Il serait bon de généraliser la procédure également à ces sociétés d’Etat pour éviter d’avoir des DG qui demeurent à des postes pendant 10 ans ou plus. Puisqu’un Chef d’Etat ne pourra plus faire plus de 10 ans d’affilé au pouvoir au Burkina, il convient de ne pas mettre des DG au-delà de ces délais, car l’alternance évite que des mauvaises pratiques perdurent. Vivement que le gouvernement de transition se penche sur cette question.

    26 décembre 2014
  • MBЀЀЀ
    Dans le village de Rakistinga une famille a été heureuse d’accueillir un de ses nombreux enfants qu’elle baptisa WAKIYA. Comme coutumièrement recommandé ce prénom convenait au souhait de richesse du père pour son enfant, Wakiya est le pluriel de wakiré qui signifie argent . Wakiya grandi mais plus le temps passe, plus Wakiya ne va rien venir en telle enseigne que ses camarades se moquaient de lui et le surnommèrent PIGUINA, l’équivalent de 50 centimes de franc CFA . WAKIYA intrigué par ce surnom PIGUINI décida d’aller en aventure à la recherche de l’argent à tout prix afin de répondre au souhait de son père. Au bout de quelques années, PINGUINI revint riche et retourna au village. On pourrait penser que les vœux du père ont été exaucés. De cette richesse lui a valu un autre surnom : WASSE pluriel de waga l’équivalent de 5000 FR CFA. Il devint envié par ses camarades qui décidèrent de faire l’aventure comme lui. Dans leur randonnée, ils croisèrent un croisèrent quelqu’un qui se décida à leur porté secours pour qu’ils deviennent riches et rapidement. Dans ses causeries de persuasion ressorti le nom de PIGUINI arrivé chez lui très pauvre et endetté (PPE =Pigini Pauvre et Endeté) reparti WASSE.
    Connaissant l’intéressé qui a été le précurseur de leur aventure, ils demandèrent le mode opératoire pour devenir riche. L’homme au miracle leur expliqua qu’au commencement il y a un problème de mœurs car il faut s’accoupler à une brebis et si la brebis bêle, ca signifie que le procédé marchera et la suite coulera comme l’eau. Les camarades de WASSE demandèrent un temps de réflexion et revinrent au village.
    Quelques jours plus tard, survint un « dasanda », et WASSE de s’exhiber comme toujours sans inquiétude ; il fit un tour du marché entouré de griots ; au deuxième tour ; il entendit dans ses entourages un cri de « MBЀЀЀ » ; il sursauta et se tourna ; il vit que le cri venant de ses camarades ; au troisième tour, le « MBЀЀЀ » se fit entendre, WASSE se tourna et vit c’étaient encore ses mêmes camarades ; il compris ce « MBЀЀЀ » n’était pas anodin et se convaincu que la source de sa richesse a été découverte et qu’il ne lui reste qu’une seule issue d’honneur : l’exil. Ainsi WASSE repartit sur la pointe des pieds.

    26 décembre 2014
  • bien dit. j’ajoute pour ma part, qu’il faut en cas de nomination contestée, vérifier les raisons avancées par ceux qui contestent et procéder si besoin est à la nomination d’une autre personne. Il faut se rappeler que le peuple fini par triompher et que tout dirigeant qui ne prend pas en compte cette donne fini par l’apprendre tardivement à ces dépends. Il y a délégation du pouvoir du peuple à un dirigeant et non le contraire. Merci

    26 décembre 2014
  • Votre article donne l’occasion de relever certains points:
    1- nous sommes tous coupables à des dégrés divers (Luc Adolphe TIAO avait d’ailleurs demandé à une session de ASCE à tous ceux qui ne sont pas corrompus de lever le doigt: personne n’avait osé)
    2- le burkinabé dit rarement du bien de l’autre quand bien même ils boivent la bière ensemble
    3- ceux qui sont marginalisés,combattus, calomniés dans les services sont le plus souvent ceux qui ont voulu travailler dans les règles établies.

    Alors, je me pose beaucoup de question. La montagne est immense à déplacer sans une bonne dose de foi!
    Courage à nous tous.

    26 décembre 2014
  • Merci Le Pays qui a compris tout le fond du problème des contestations des nouveaux promus. L’une des causes de frustrations et du désengagement dans les services publics, tient des nominations complaisantes que les agents devaient supporter sans broncher, sinon…

    L’exemple emblématique de ces types de “nominations à la hussarde” et qui a heurté la conscience des gens, est sans conteste, la promotion de Salif Kaboré qui aura été sorti de la gestion scabreuse de la SONABEL pour être nommé ministre! Comment, bonnes gens, quelqu’un qui ne peut le moins, peut-il le plus?

    Ce n’est pas le seul exemple où quelqu’un quitte une boîte qu’il a mis à genou, laissant les employés dans la détresse, pour s’en aller le coeur léger et l’âme en paix, continuer la gabégie dans d’autres boîtes à sous! Evidemment le citoyen vient de trouver le moyen de siffler la fin de la récréation, c’est à la transition de prendre toute la mesure des attentes, de l’impérieuse nécessité de revenir au principe de “l’homme qu’il faut à la place qu’il faut”! En cela, il faut féliciter le ministère de la communication qui a le choix de la transparence et de l’équité pour le poste du DG/RTB.

    Qu’est-ce que les autres ministres attendent?

    26 décembre 2014
  • Je lis votre journal fort intéressant depuis le Mali. Dans l’affaire NORBERT ZONGO, vous parlez seulement de ce dernier sans nous faire connaitre ses trois compagnons d’infortune .Parlez nous d’eux, du sentiment de leurs femmes, enfants , pères ,mères sœurs, amis ….. Quant à Thomas Sankara, il n’appartient plus au seul Burkina Faso mais à l’afrique tout entière.” On ne peut rien pour un esclave qui acccepte sa condition d’esclave…seul la lutte libère….un militaire sans formation politique n’est qu’un criminel en puissance…. je parle au nom de la femme africaine baissée au soleil, je parle au nom de l’enfant qui souffre dont le père ou la mère n’a pas de quoi lui soigner parceque pauvre…. je parle au nom des noirs confinés dans des ghettos…. je parle au nom du journaliste qui est obligé de mentir pour ne pas subir les dures lois du chomage……

    26 décembre 2014
  • je félicite sincèrement cette analyse du journal le pays. Si le peuple s’est soulevé pour mettre fin au pouvoir de Blaise Compaoré ce n’est pas sa personne qui ne plaisait pas mais le système qu’il avait mis en place. Alors, il ne faut pas que les autorités de la Transition perpétuent le même système! Il y a tellement de cadres valeureux qui ne sont pas trempés dans de sales affaires qui auraient pu occuper les postes de responsabilités objets des contestations. Mais quand on veut nommer ses amis, coreligionnaires, parents, on tombe dans ce travers. Il faut comprendre que rien ne peut plus être comme avant. Les gens le répètent mais n’en prennent pas l’exacte mesure de la signification. Le peuple a bravé les balles assassines du pouvoir de Blaise Compaoré pour lui arracher le pouvoir; il a payé un lourd tribut; il ne va plus se taire face aux nominations de complaisance. Les honnêtes personnes ont assez souffert dans ce pays !!! Certaines nominations comme celle de Sagnon et bien d’autres posent problème et personnellement me font douter de la volonté réelle de rupture avec le passé car il ne suffit pas de le proclamer, il faut agir pour convaincre. Je ne sais pas quel état de services peut-on présenter pour justifier certaines nominations. Certains ministres étaient de farouches défenseurs du système Compaoré! Des pièces théâtrales ont été commandées par certains à cet effet. Il suffit de se rappeler certaines émissions. Mais un proverbe mossi ne dit-il pas que la flèche qui a abattu le gibier hier est toujours dans le carquois? La chance du Burkina Faso c’est la bravoure de sa jeunesse.

    26 décembre 2014
  • Burbur-Sob, pas si embrouille que cela, merci pour ta clairvoyance. Plus rien ne sera comme avant. C’est le peuple qui a pris le pouvoir en exposant sa petite poitrine. Pas pour que tout soit comme avant. Ouais!

    27 décembre 2014
  • Nos forces de defence et de security eux sont tres corrompus et tres politisee le cas de la gendarmerie Nationale ou on torture pour obtenir des aveux.

    27 décembre 2014
  • (suite)
    En effet, j’ai déjà vécu une situation dans laquelle un ministre a préféré remplacer un DG d’un projet parce qu’il y voyait ses intérêts personnels et non ceux du peuple réel. Bref.

    29 décembre 2014

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