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VERS UNE CONFISCATION DU POUVOIR EN MAURITANIE


 Quand Abdel Aziz veut enterrer une seconde fois son cousin Vall

« Ceux qui croient que le président Mohamed Ould Abdel Aziz va céder le pouvoir en 2019 sont dans l’illusion. Penser que le président de la République va partir dans 10 à 11 mois relève d’un rêve. Les jours et événements à venir confirmeront mes paroles. Car, le peuple mauritanien, dans sa majorité, c’est-à-dire à 90%, est attaché à la personne du président de la République ». Ces propos du porte-parole du gouvernement mauritanien, par ailleurs ministre de la Culture et de l’artisanat, ne pouvaient pas plus mal tomber pour relancer la polémique sur la question du troisième mandat du chef de l’Etat, qui semblait un débat suranné, suite aux assurances de ce dernier de ne pas prolonger son bail à la tête de l’Etat, au-delà du délai constitutionnel autorisé.

Une infamie se prépare dans le secret du palais présidentiel

D’autant plus qu’en début juillet dernier, le chef de l’Etat mauritanien affirmait, sans sourciller, sur les antennes d’une chaîne internationale : « Je respecterai la Constitution. Cette histoire de troisième mandat relève d’une propagande de l’opposition, mais elle sera balayée par la réalité ». A la lumière de ces déclarations contradictoires, la question que l’on pourrait se poser, est la suivante : à quel jeu jouent le président mauritanien et son porte-parole ? Car, la tenue de tels propos, à seulement quelques semaines d’intervalle, ne peut que semer le doute et la confusion dans les esprits, surtout de tous ceux qui croyaient jusque-là en la bonne foi du maître de Nouakchott. Car, la question est tellement grave qu’il est difficile de s’imaginer qu’il s’agit là de propos d’un simple zélateur qui n’est pas loin de prendre ses rêves pour la réalité.  C’est pourquoi le président mauritanien gagnerait à clarifier la situation au plus vite, en recadrant son ministre, s’il le faut. Il y va de sa propre crédibilité. Autrement, il y aurait de fortes raisons de croire que les propos de son porte-parole traduisent bel et bien le fond de sa pensée et que c’est en fidèle émissaire en mission commandée, que ce dernier a parlé à la place de son maître. Car, Mohamed Lemine Ould Cheikh, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est pas n’importe qui. C’est un proche collaborateur du chef de l’Etat, qui n’est pas à ses premiers propos polémiques. Et il est difficile de penser qu’il puisse aller aussi loin sans avoir l’aval de son mentor. C’est pourquoi il y a lieu de croire que malgré les assurances du chef de l’Etat, une infamie se prépare dans le secret du palais présidentiel. Et les propos du porte-parole du gouvernement pourraient être l’un de ces ballons de sonde dont sont favoris les dictateurs, lorsqu’ils s’apprêtent à jouer un tour pendable à leur peuple. A moins que dans le cas d’espèce, la décision ne soit déjà prise et qu’il ne reste qu’à faire avaler la pilule amère au peuple.

En attendant que les jours à venir nous situent davantage sur la question, l’on peut, d’ores et déjà, craindre que le président mauritanien n’ait chopé la maladie du troisième mandat, quoique cela ait déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive sur le continent, avec les conséquences que l’on sait. D’autant plus que son porte-parole n’a pas hésité à mettre en avant « le peuple mauritanien [qui], dans sa majorité, c’est-à-dire 90%, est attaché à la personne du président de la République ».

On attend de voir si Abdel Aziz se montrera à la hauteur de son grade d’officier supérieur

Des chiffres aussi subjectifs que les propos tendancieux, en ce qu’ils ne sont pas loin d’une tentative d’assassinat de la démocratie en s’abritant sous le parapluie du peuple dont le chef de l’Etat serait finalement le prisonnier, comme on l’a déjà vu et entendu sous d’autres tropiques. De quoi faire se retourner dans sa tombe, le père de la démocratie mauritanienne, Ely Ould Mohamed Vall qui n’est personne d’autre que le cousin de l’actuel chef de l’Etat. En effet, parvenu, en 2005, au pouvoir à la suite d’un putsch sans violence après avoir promis d’instaurer les bases d’une vraie démocratie dans son pays et de se retirer rapidement du pouvoir, Ely Ould Mohamed Vall surprendra agréablement ses compatriotes en tenant parole, contre toute attente. D’abord, en dotant son pays d’une Constitution démocratique, tout en libérant la presse et l’expression politique. Ensuite, en interdisant à lui-même et aux membres de son gouvernement de Transition, de se présenter aux élections qui allaient suivre. Deux ans après, il transmettra le pouvoir à la suite des premières élections incontestables que son pays ait jamais organisées. Un acte hautement patriotique, qui a fait la fierté de tout le peuple mauritanien. Aujourd’hui, à en croire les propos de son porte-parole, c’est en fossoyeur de la démocratie que Mohamed Ould Abdel Aziz semble vouloir entrer dans l’histoire.

En tout cas, l’actuel chef de l’Etat mauritanien voudrait enterrer son cousin une seconde fois, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Et c’est en putschiste mal reconverti en démocrate, qu’il s’apprête visiblement à faire mentir tous ceux-là qui croyaient qu’il ne raterait pas l’occasion de quitter le pouvoir par la grande porte, d’autant plus qu’il a toujours juré, la main sur le cœur, de s’en tenir à ses deux mandats constitutionnels. Finalement, tout porte à croire qu’il n’aura pas ce respect post-mortem pour son cousin qui avait, pourtant, fait entrer son pays dans une nouvelle ère. Et l’on n’est pas loin de penser que toutes ces réformes constitutionnelles qui étaient présentées comme autant d’innovations, n’étaient, en réalité, que de la poudre aux yeux dont le seul but était de déblayer le terrain pour préparer la confiscation du pouvoir. Mais si le président Abdel Aziz s’imagine pouvoir sauter allègrement le pas en s’arcboutant à sa garde prétorienne, il aurait tort de croire que cela est une assurance tous risques. Car des révolutions de palais, on en aussi vu sur le continent. Et rien ne dit que la loi du plus fort qui passe pour être le mode de dévolution du pouvoir en Mauritanie, ne s’appliquera pas aussi à lui.

En tout état de cause, l’on attend de voir si le Général Mohamed Ould Abdel Aziz se montrera à la hauteur de son grade d’officier supérieur qui devrait avoir le sens de l’honneur et de la parole donnée, ou s’il se révèlera plutôt un des ces petits hommes d’Etat simplement mus par l’addiction   au pouvoir et guidés par les seuls privilèges de la fonction de chef d’Etat et les intérêts qu’ils peuvent en tirer pour eux-mêmes et leurs proches.

 « Le Pays »


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