YACOUBA ISAAC ZIDA A PROPOS DE L’APRES TRANSITION : « Je suis un soldat à la disposition des autorités »
A quelques heures de sa démission et de celle de son gouvernement, le Premier ministre (PM) Yacouba Isaac Zida a rencontré les Hommes de médias le 27 décembre 2015 au Premier ministère pour, avec eux, « ausculter le chemin parcouru » par la Transition. Pendant près de 2h d’échanges à bâtons rompus, le PM s’est prêté aux questions des journalistes. Le bilan de la Transition, la tentative d’évasion des prisonniers de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), l’affaire des écoutes téléphoniques entre le général Djibrill Bassolé et le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, telles sont autant de questions qui ont été évoquées lors de ce face à face.
« Si vous êtes inquiétés par quoi que soit du point de vue sécurité, la direction à suivre est celle de mon bureau. » C’est ainsi que le Premier ministre Yacouba Isaac Zida a donné le ton des échanges entre lui et la presse pour faire le bilan de la Transition, provoquant une hilarité générale. Il était 18h 12 mn, au Premier ministère. Après une brève introduction où il a loué la presse burkinabè pour son professionnalisme, la phase des questions a débuté. La première question a porté sur sa promotion comme général de division, le 26 novembre dernier. Considérant qu’il porte ce grade depuis la signature du décret y relatif, Yacouba Isaac Zida a demandé d’attendre qu’il quitte ses fonctions de Premier ministre avant d’espérer le voir porter la tenue militaire. « Je ne veux pas donner l’impression aux Burkinabè qu’ils ont un militaire comme chef de gouvernement. Cela ne donnera pas une très bonne image à notre démocratie en construction », dira-t-il. A la question de savoir si cette promotion ne provoque pas des grincements de dents au sein de l’armée, Yacouba Isaac Zida a estimé que cela ne posait pas de problème.
« Refuser d’accompagner le président Michel Kafando allait être irresponsable de ma part »
Et d’expliquer qu’après avoir passé le témoin à Michel Kafando pour exercer les fonctions de chef de l’Etat, la proposition de porter le grade de général lui a été faite. « A l’époque, j’aurais pu accepter, mais le président Kafando voulait que je l’accompagne. (…) Refuser de l’accompagner allait être irresponsable de ma part », a-t-il confié. Selon lui, après avoir assumé les fonctions de président du Faso, de Premier ministre, de ministre de la Défense, il ne serait aucunement gêné de retourner dans l’armée avec le grade de lieutenant-colonel, mais cela allait gêner l’armée. Parlant de son avenir après la Transition, Yacouba Isaac Zida a confirmé qu’il a été consulté pour le poste d’ambassadeur du Burkina Faso à Washington aux Etats-Unis, mais qu’il préférait mettre ce sujet de côté pour l’instant. « Je suis un soldat à la disposition des autorités. Là où on m’enverra, soyez sûrs que j’accomplirai bien ma mission », assure-t-il.
Sur la question de la tentative d’évasion de la Maison d’arrêt et de correction des armées, le PM dit avoir reçu des informations selon lesquelles des jeunes soldats envisageraient de libérer le général Gilbert Diendéré et de restaurer le Régiment de sécurité présidentiel (RSP) ; ce qui a conduit à des interpellations. « Ces derniers devront répondre devant la Justice », a-t-il assuré. Par ailleurs, Yacouba Isaac Zida a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une affaire d’ex-RSP, même si des brebis galeuses demeurent. « La plupart d’entre eux, ajoutera-t-il, ont été réaffectée dans les garnisons et certains se sont même vus confier des postes de responsabilité ».
Concernant les écoutes téléphoniques entre le général Djibrill Bassolé et Guillaume Soro, Yacouba Isaac Zida a réaffirmé leur authenticité. Confiant que ces écoutes ont été obtenues à partir de moyens techniques et scientifiques qui n’ont pas été fabriqués au Burkina Faso. « Pourquoi ne crie-t-on pas à la calomnie lorsque la chancelière allemande Angela Merkel affirmait qu’elle était écoutée par le président américain Barack Obama », a-t-il demandé. Qualifiant Guillaume Soro d’« ami » pour qui il a de l’estime, Yacouba Isaac Zida a reconnu que leurs relations ont pris un coup avec les récents évènements liés au putsch du général Diendéré et qu’il attendait de voir s’il y aura un changement dans l’avenir. Par contre, le PM a démenti l’information selon laquelle le président élu Roch Marc Christian Kaboré aurait remonté ses bretelles après qu’il a déclaré authentiques les écoutes téléphoniques. Cependant, il a dit qu’ils en ont parlé, et qu’il lui avait répété les propos qu’il avait tenus par rapport aux écoutes, parce que convaincu de leur véracité. « Je ne pense pas que son avis soit contraire au mien », a-t-il ajouté.
« La santé financière du Burkina est meilleure que celle que nous avons trouvée »
Le bilan de la Transition, Yacouba Isaac Zida l’a jugé globalement satisfaisant, au regard des acquis engrangés. Sur le plan institutionnel, des réformes profondes ont été engagées et 108 lois ont été adoptées en une année, du jamais vu en 5 années de législature selon le PM. A titre illustratif, il a entre autre cité la relecture de la loi 013 portant statut de la Fonction publique, le texte relatif au statut de l’armée et les 4 textes adoptés, visant à permettre à la presse de travailler dans de meilleures conditions. Pour Yacouba Isaac Zida, sur le plan économique, la Transition a fait beaucoup d’efforts. Elle a comblé le déficit de 214 milliards de F CFA qu’elle a trouvé, finalisé des conventions à hauteur de 300 milliards de F CFA. « En termes de négociations, nous sommes à une enveloppe de 474 milliards de F CFA que les futurs dirigeants vont devoir encaisser. La santé financière est meilleure que celle que nous avons trouvée », a-t-il rassuré.
A ceux qui demandent un audit de la gestion de la Transition, le Premier ministre a estimé qu’il était inadmissible que le contrôleur supérieur d’Etat ne le fasse pas. Pour lui, il faut un audit sur la Transition pour montrer l’exemple, d’autant qu’au début du processus, un audit de tous les départements ministériels avait été fait.
En guise de conclusion, le Premier ministre a prodigué des conseils aux Hommes de médias. Rappelant la noblesse du métier de journaliste, il a fait noter la nécessité d’assainir le monde de la presse. Selon ses dires, il n’est pas normal que des gens qui pratiquent un métier aussi noble vendent leur âme pour des broutilles. « Il y a donc un défi à relever, en l’espèce assainir le secteur, et personne ne le fera à la place des journalistes», a-t-il lancé.
Thierry Sami SOU
yamwemba
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24 mars 2016