HomeNon classéCLAUDE WETTA A PROPOS DE LA MISE EN ACCUSATION DE DIGNITAIRES DU REGIME COMPAORE:« Les CDP et ses alliés insultent notre intelligence »

CLAUDE WETTA A PROPOS DE LA MISE EN ACCUSATION DE DIGNITAIRES DU REGIME COMPAORE:« Les CDP et ses alliés insultent notre intelligence »


La mise en accusation de dignitaires du régime Compaoré par le Conseil national de la transition a suscité analyses et commentaires, non seulement au sein de l’opinion, mais aussi au sein des structures de la société civile et des partis politiques. Pendant que les « insurgés » des 30 et 31 octobre 2014 applaudissent, l’ancienne majorité fait grise mine et accuse. C’est dans ce contexte que nous avons approché Claude WETTA, Secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC), qui se prononce ici, sur la procédure enclenchée pour juger les ex- dignitaires cités dans les mises en accusation.

Le Pays : Que pensez-vous de la mise en accusation de dignitaires du régime déchu ?

Claude WETTA : En ce qui me concerne, je crois que les dignitaires de l’ancien régime n’avaient même pas besoin d’être mis en accusation avant d’aller voir la justice. Moi, par exemple, en tant que Secrétaire exécutif du RENLAC, au bout de l’année, je finis mon mandat, je dois rendre compte avant de partir. Je fais un bilan moral et financier avant de partir. Eux, ils sont partis sans faire leur bilan. Normalement, ils devraient quand même se dire ceci : « pour que les populations se disent que nous avons bien géré le pays, nous allons aller effectivement faire notre bilan et nous allons répondre devant la justice, car c’est à elle de nous blanchir ». Il y a des rumeurs de détournements. Même avant la Transition, il y avait des soupçons sur des Ministres, des Directeurs généraux. Etant donné qu’ils ne sont plus aux affaires, c’est le moment de se blanchir. Je crois qu’il y a certains ministres, s’ils vont devant la Justice, qui seront blanchis. Il y en a qui sont de l’ancien régime, et qui n’ont rien à se reprocher. Par contre, il y en a qui ont des choses à se reprocher et qui doivent répondre.

Vous avez des noms ?

(Rires). Non, je ne peux pas donner de noms. Nous, nous avons fait ce qu’on appelle le mémorandum. Vous les journalistes, vous avez aussi écrit pour dire qu’il y a un certain nombre d’hommes d’affaires qui se sont adonnés à des actes reprochables quant à leur gestion des affaires publiques. La Cour des comptes a donné des noms. L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) a cité des noms dans ses rapports. Ce n’est même pas le contrôleur actuel. Le contrôleur Bruno Bessin avait donné des noms. De ce point de vue, je crois que c’est à eux de répondre des actes qui leur sont reprochés.

Je reviens sur ma première question ; que pensez-vous des mises en accusation votées par le CNT?

Je pense que c’est une bonne chose. Toute personne qui gère les deniers publics, lorsqu’elle finit, doit rendre compte. Il y a des crimes économiques et des crimes de sang qui ont été commis. Donc, de ce point vue, on ne peut pas dire de ne pas en poursuivre les auteurs. La position du RENLAC, c’est que les gens doivent rendre compte de leur gestion. A la Justice de les blanchir. Ils peuvent être condamnés, comme ils peuvent ne pas l’être. A ce niveau, il faut que les choses soient claires aux yeux de tout le monde.

Le gouvernement dit que cette procédure entre dans le cadre de la lutte contre la corruption. Le CDP et ses alliés crient à la chasse aux sorcières. Qu’en dites-vous ?

Le CDP est en train d’insulter notre intelligence. Je pense que ce sont des choses qu’on ne doit pas admettre. Eux-mêmes (le CDP et ses alliés, ndlr) savent que durant les vingt-sept ans, ils traînent des casseroles ; Il faut effectivement que les gens s’expliquent. Maintenant, une mise en accusation n’implique pas que les personnes concernées iront nécessairement en prison. C’est tout simplement qu’ils doivent s’expliquer pour un certain nombre de dossiers que l’ASCE a dénoncés ou que la Cour des comptes a dénoncés, entre autres. Regardez les différents noms qui apparaissent aujourd’hui. Il y en a qui se trouvent dans les rapports de l’ASCE. Même dans les différents rapports du REN/LAC, certains ont leurs noms qui y figurent.

Voulez-vous dire que le CNT n’a rien inventé ?

Il ne peut pas inventer. En une année, ces gens (membres du CNT, ndlr) ne peuvent pas découvrir des choses sur la gestion de ces dignitaires. Ils sont là il y a juste quelques mois. Les rapports qui sont là ont été produits sous le régime passé. Donc, le CNT n’a rien inventé. Le CDP et ses alliés insultent notre intelligence. Je dis cela parce que tous ces dossiers existent depuis bien longtemps. Ils auraient pu eux-mêmes les juger à l’époque. Aujourd’hui, ils sont traqués, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. S’ils n’ont pas jugé les gens à cette époque et qu’aujourd’hui ils sont poursuivis, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

De façon générale, quel est l’enjeu que ces jugements  aient lieu pour le Burkina Faso ?

La lutte contre l’impunité. Nous avons toujours dénoncé la lutte contre l’impunité dans notre pays. Donc, il faut qu’on reparte sur des bases saines. Imaginez-vous qu’avec les élections qui arrivent, il y ait des gens sales qui vont se présenter pour être Président, députés ou autres ; ce n’est pas normal. Notre position, c’est qu’on aurait dû, dès les 30 et 31 octobre 2014, prendre les dispositions pour garder certaines personnes sous surveillance. Mais voilà, ils sont restés dehors, libres de leurs mouvements, avec l’argent qu’ils se sont fait….

Pensez-vous comme certains que les autorités de la Transition ont trop tardé avant de réagir ?

Bien sûr. Dès le départ, on devait les mettre en résidence surveillée et faire en sorte qu’ils n’aient pas de contacts avec les gens et leurs complices éventuels pour pouvoir effectivement effacer des traces.

Voulez-vous dire que les dignitaires de l’ancien régime ont pu manipuler certains éléments de preuve ?

Rire. Je pense que non seulement ils ont dû se parler, mais encore, ils ont dû faire beaucoup de choses.

Le Burkina Faso a vécu une crise à partir du 28 juin 2015. Avez-vous des appréhensions quant au respect de la date des élections le 11 octobre prochain, au regard de l’intrusion répétée de l’armée dans les affaires politiques, notamment dans la conduite de la Transition ?

Je pense que les élections vont se tenir à bonne date. On n’a pas le droit de douter de la bonne foi des acteurs.

Vous pensez donc que les conditions sont réunies ?

A moins de faire un procès d’intention, tout le monde dit que les choses se déroulent bien ; donc, on attend.

Propos recueillis par Michel NANA

 


Comments
  • “Je dis cela parce que tous ces dossiers existent depuis bien longtemps. Ils auraient pu eux-mêmes les juger à l’époque”. Mais le President Blaise COMPAORE n’était pas de cet avis et preuve:
    REVELATIONS DE WIKILESKS SUR LE BURKINA FASO PAR RAPPORT A LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION SOUS TERTUS ZONGO
    Dans ce câble daté du 9 juin 2008 (08OUAGADOUGOU490), le sous-secrétaire d’État américain aux Affaires africaines Todd Moss rencontre le Premier ministre du Burkina Faso Tertius Zongo. Au menu de la discussion : bonne gouvernance et lutte anti-corruption. Traduction des principaux passages du document.
    Résumé :
    1. Zongo a aussi souligné que le Burkina Faso a récemment créé une nouvelle entité anticorruption, l’Autorité supérieure du contrôle d’État (ASCE), dont la direction sera installée le 9 juin. L’ASCE aura « une réelle indépendance », a déclaré Zongo, ce qui implique la possibilité de produire ses propres rapports sur son travail et de transmettre les cas de corruption directement au système judiciaire. Zongo a d’abord consulté l’ambassadeur avant de créer cette autorité et demande maintenant l’appui du gouvernement américain pour cette nouvelle institution ».
    2. Commentaire : Zongo est sincère dans son intention de s’attaquer à la corruption, mais il croit que ses efforts auront très peu d’impact. De manière générale, le président Blaise Compaoré n’autorisera jamais que des cas de corruption de haut niveau ne soit poursuivi par le système judiciaire, que Compaoré contrôle. Même si l’ASCE est un progrès institutionnel sur le papier, son influence sera limitée tant qu’il n’y aura pas de réforme faisant de la justice un secteur entièrement indépendant ». (…)

    26 juillet 2015

Leave A Comment