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SOMMET DE LA CEDEAO SUR LE MALI


Les deux premières tentatives de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) de résoudre la crise malienne, se sont soldées par autant d’échecs. Les propos de la figure morale de la protestation, c’est-à-dire l’Imam Dicko, en sont l’indicateur le plus éloquent. En effet, au terme de la médiation des cinq présidents, le guide religieux, le visage crispé, avait laissé entendre ceci : « Si vraiment, c’est à cause de cela qu’ils se sont réunis, je pense que rien n’a été fait ». L’appréciation a au moins le mérite de la clarté. Pour le M5 en effet, le plan de sortie de crise de la CEDEAO est tout simplement inacceptable. La délégation des « 5 » a donc, à ses yeux, fait un déplacement inutile puisque « rien n’a été fait ». Et le départ précipité du Mali, de certains médiateurs (ce fut le cas de l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara) est révélateur de l’échec de leur mission et de leur courroux, peut-on dire, face au rejet en bloc, par les contestataires, de leur plan de sortie de crise. Et l’élément de ce plan, qui le plus fait monter la moutarde au nez du M5, est sans conteste le maintien au pouvoir de Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK). Pour la CEDEAO, ce point constitue une ligne rouge à ne pas franchir.

 

La CEDEAO n’est pas préparée pour résoudre cette forme de remise en cause des institutions et des personnes qui les incarnent

 

Comme on le voit, la position du M5 est aux antipodes de celle de la CEDEAO. Et c’est sur ce constat que la CEDEAO va se pencher aujourd’hui, pour la 3e fois, sur le dossier malien. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’institution, depuis qu’elle existe, n’a pas souvent géré un dossier d’une telle complexité. C’est pourquoi et sans forcément vouloir jouer les Cassandre, l’on peut se poser la question suivante : ce que les chefs d’Etat de la CEDEAO n’ont pas pu résoudre par  leur présence physique sur les bords du fleuve Djoliba, pourront-ils le faire par visioconférence ? L’on peut en douter. En réalité, la CEDEAO n’est pas préparée pour résoudre cette forme de remise en cause des institutions et des personnes qui les incarnent. On l’a vu,  en effet, en œuvre au Burkina Faso au temps fort de la crise qui a secoué le pays lorsque le Général Diendéré avait sifflé la fin de la Transition en opérant un coup de force. La délégation de la CEDEAO s’était pratiquement vu opposer une fin de non recevoir par les insurgés. Et c’est pratiquement la queue entre les jambes, que l’institution sous-régionale avait quitté le pays de Thomas Sankara. Comparaison n’est certes pas raison. Mais l’on peut dire que les Maliens ont suivi avec intérêt cet épisode agité de la vie politique du voisin. Et l’une des leçons qu’ils en ont probablement tirée, est que rien ne peut arrêter un peuple debout pour réclamer ses droits. En tout cas, la CEDEAO est aujourd’hui dans une situation où elle se voit appelée à  tordre le cou, peut-on dire, à la Constitution pour autant qu’elle veuille tirer le Mali de l’impasse politique dans laquelle il est embourbé. Au Burkina, c’est pratiquement au pied levé que les insurgés avaient réajusté la Constitution de leur pays. Et la communauté internationale, notamment la CEDEAO, n’avait pas trouvé à redire. En tout cas, la CEDEAO a tout intérêt à se hâter pour trouver une solution dans laquelle les contestataires pourraient trouver leurs comptes.

 

Il n’est pas exclu que le Mali reproduise le scénario libyen

 

L’on peut, par exemple, suggérer à Mahamadou Issoufou et à ses pairs, de concéder au M5 le choix du Premier ministre dans la perspective de la mise en place d’un gouvernement consensuel. Et ce ne serait pas trop demander à Ibrahim Boubacar Kéïta. Ce dernier pourrait sortir grandi de cette épreuve au cas où il ferait violence sur lui-même en accordant à l’Imam Dicko, des concessions significatives. C’est vrai qu’IBK a aujourd’hui la légalité pour lui. Mais l’on peut se demander ce que vaut la légalité sans la légitimité. En tout cas, au regard des foules qu’il draine, l’on peut dire que le M5 a l’adhésion de bien des Maliens. De ce point de vue, et pour reprendre une expression en vogue au Burkina au lendemain de l’assassinat de Norbert Zongo, l’Imam Dicko est aujourd’hui « le président du pays réel ». La solution de la crise malienne ne peut donc être trouvée sans lui. C’est dire si la CEDEAO serait très mal inspirée de croire qu’elle pourrait mettre au pas la troupe du chef religieux en brandissant la chicotte. Cette méthode forte serait d’ailleurs pain bénit pour la figure morale du M5, Mahmoud Dicko ; lui qui dit « préférer mourir en martyr que de mourir traître ». En tous les cas, le temps joue contre le Mali et contre IBK. Car, d’ici à la fin de la trêve, si une solution n’est pas trouvée, le temps risque de s’accélérer davantage contre le Mali. Et il n’est pas exclu que le pays reproduise le scénario libyen, c’est-à-dire un pays gouverné par deux pouvoirs antagoniques. Un pouvoir incarné par IBK et un second porté par l’Imam Dicko. Tout doit être mis en œuvre pour éviter ce scénario dont les conséquences pourraient être catastrophiques non seulement pour le Mali, mais aussi pour l’ensemble du Sahel africain. En attendant, l’on peut se poser la question suivante : le miracle va-t-il se produire ?  Pour « le Mali et pour l’Afrique », comme le dit l’hymne national de ce pays, il faut y croire.

 

« Le Pays »


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