HomeA la uneAUDIENCE DE CONFIRMATION DES CHARGES CONTRE GBAGBO La Côte d’Ivoire retient son souffle

AUDIENCE DE CONFIRMATION DES CHARGES CONTRE GBAGBO La Côte d’Ivoire retient son souffle


Pendant que le monde entier est dans la ferveur de la coupe du monde de football au pays du roi Pelé, la Côte d’Ivoire, qui attend l’entrée en lice de son équipe nationale contre le Japon, le 14 juin, retient également son souffle pour un autre événement du côté de la Cour pénale internationale (CPI) : l’audience de confirmation ou d’abandon des charges contre l’ex-président Laurent Gbagbo.

Laurent Gbagbo n’est pas n’importe qui dans le microcosme politique ivoirien

Après un premier ajournement en février 2013, c’est théoriquement demain vendredi 13 juin 2014, que la CPI doit remettre le couvert de son audience de confirmation des charges contre l’ancien président ivoirien, détenu à la Haye depuis novembre 2011, suite au contentieux électoral de 2010 qui l’a opposé au président actuel, Alassane Dramane Ouattara (ADO), et qui a occasionné près de 3000 morts.
Près de seize mois après la tenue de la première audience à l’issue de laquelle la chambre préliminaire avait demandé à la procureure de fournir des preuves supplémentaires, les juges, après examen des nouveaux documents apportés par la procureure Fatou Bensouda en janvier dernier, doivent en principe décider s’il faut ouvrir un procès contre Laurent Gbagbo ou s’il faut le libérer tout simplement, faute de preuves suffisamment solides dans les faits qui lui sont reprochés.
Comme on le voit, c’est plus l’enjeu d’une libération probable ou du maintien de Laurent Gbagbo en détention à la prison de Scheveningen qui fait que sur les bords de la lagune Ebrié, les cœurs battent la chamade aussi bien du côté de ses partisans que de ses adversaires, comme dans un match épique à l’issue incertaine.
Une chose est sûre, la décision de la Cour aura un impact important sur la vie politique en Côte d’Ivoire. Et cela, pour deux raisons essentielles, liées au fait que Laurent Gbagbo n’est pas n’importe qui dans le microcosme politique ivoirien.

Ce qui fait l’objet du suspense pour les Ivoiriens, c’est le sort de leur Woody à la CPI

La première est que si les charges sont abandonnées, rien ne justifierait la détention prolongée du Christ de Mama à la CPI. Celle-ci devrait alors le libérer. Dans ces conditions, le retour de l’ex-président pour lequel prient ardemment ses partisans, serait célébré dans son camp, non pas comme le retour de l’enfant prodigue, mais bien de celui du Messie annoncé par plusieurs de ses prophètes. Point n’est besoin de dire que ce serait un revers cuisant et pour la CPI elle-même, et pour le pouvoir actuel contre qui Gbagbo pourrait porter plainte. En plus, une libération de Gbagbo serait du pain bénit pour le Front populaire ivoirien (FPI) qui pourrait y trouver l’argument massue pour exiger la libération de tous les prisonniers politiques pro-Gbagbo détenus en Côte d’Ivoire, sans oublier Blé Goudé et Simone Gbagbo. Et la tambouille qu’ils pourraient semer pourrait indisposer plus d’un, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Avec une telle éventualité, l’on ne voit pas non plus comment la justice ivoirienne pourrait a posteriori se ressaisir, sereinement du dossier et renvoyer Gbagbo en prison. Aussi, qu’on le veuille ou non, il y a de fortes chances que l’élément politique soit pris en compte dans cette affaire car, tout le monde, à commencer par la Communauté internationale, a intérêt à ce que la Côte d’ivoire se stabilise, au regard de son poids dans la sous-région.
La deuxième raison est que si les charges sont confirmées, cela va aboutir à l’ouverture d’un procès. Dans un tel cas de figure, c’est le parti au pouvoir, ses partisans et tous ceux qui s’estiment victimes de Gbagbo qui s’en trouveraient confortés. Pendant ce temps, l’éventualité d’un procès qui pourrait traîner en longueur pendant plusieurs années, pourrait effriter la cohésion au sein de son parti le FPI, émousser voire essouffler certaines ardeurs parmi les plus inconditionnels de ses partisans. Ce parti, déjà en proie à la division entre modérés et inconditionnels par rapport à l’orientation de la lutte, se retrouverait alors à une étape cruciale, voire décisive de son existence où il pourrait jouer sa survie.
Toutefois, au-delà des supputations, ce qui fait l’objet du suspense pour les Ivoiriens, c’est le sort de leur Woody à la CPI. La Cour décidera-t-elle de le juger ou de le libérer ? Réponse peut-être dans quelques heures, si on n’assiste pas d’ici là, à un autre renvoi. En tout cas, la justice, dit-on, n’a pas d’état d’âme, et il faut espérer que le droit soit dit, en toute impartialité.

Outélé KEITA

 


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