HomeA la uneAUDIENCE DE LA COUR DE CASSATION SUR LES MANDATS D’ARRET : Les syndicats des greffiers consternés

AUDIENCE DE LA COUR DE CASSATION SUR LES MANDATS D’ARRET : Les syndicats des greffiers consternés


Ceci est une déclaration du Syndicat national des agents de la Justice (SYNAJ) et le Syndicat des greffiers du Burkina (SGB) sur l’audience de la Cour de cassation ayant abouti à l’annulation des mandats d’arrêt contre Blaise Compaoré et Guillaume Soro dans le cadre du putsch manqué du 16 septembre dernier. Lesdits syndicats se disent consternés par le « spectacle inédit que la juridiction de cassation a servi au peuple », en rendant deux décisions contradictoires. Lisez !

 

Courant mai 2016, la cour de cassation, juridiction suprême de l’ordre judiciaire, rendait une décision relative à la régularité des mandats d’arrêt émis dans le cadre de l’affaire du putsch de 2015 et objet de poursuites devant le tribunal militaire. Il ne

nous revenait pas de commenter ou de critiquer les décisions de justice par voie de presse, mais les circonstances dans lesquelles

ces décisions ont été rendues nous imposent une réaction. En effet, ce qui est frappant dans ces décisions, c’est le spectacle

inédit que la juridiction de cassation a servi au peuple burkinabè. En l’espace d’une journée, deux décisions auraient

été rendues. La première, rendue dans la matinée en audience publique, rejetait la requête aux fins d’annulation introduite par le Ministère public. La seconde qui annulait les mandats d’arrêt

et dont on ignore les conditions de son existence a été portée à la connaissance de l’opinion publique par voie de presse et le tout, sur fond de manipulation des écritures du plumitif de la Cour de Cassation. Aussi décriée soit-elle, notre justice ne nous a pas habitués à pareil spectacle, notamment le tripatouillage des plumitifs.

Sans minimiser l’émoi que ce scoop a dû créer au sein de l’opinion, puisque jetant un discrédit sur la décision rendue par

cette haute juridiction dans une affaire de sensibilité notoire, les syndicats de greffiers voudraient ici, exprimer la consternation de l’ensemble du corps des greffiers.

En effet, sans prétention aucune d’apprécier le contenu d’une décision judiciaire, les syndicats habilités tiennent à exposer leur avis sur une situation qui met en cause les fondements éthiques  et déontologiques, voire le professionnalisme dans l’exercice du métier de greffier.

Des initiatives prises pour s’enquérir des faits et les comprendre, il ressort que le plumitif d’audience en question aurait fait l’objet d’une manipulation, dès lors qu’une feuille de papier volante y a été appliquée à l’aide de la colle, en sa partie mentionnant la substance de la décision rendue ou dispositif. Le dispositif se retrouve donc transcrit sur ladite portion de papier collé.

Ce procédé pose problème, non seulement parce qu’il viole les principes clés de la tenue régulière du plumitif d’audience, mais également parce qu’il suscite des interrogations sur le sens et le contenu de la mission d’assistance du greffier au juge à l’audience.

De prime abord, il convient de rappeler que tout registre au sein d’une juridiction doit être coté et paraphé. Cette formalité vise à assurer l’authenticité du registre, en évitant toute possibilité ou velléité d’arracher des feuillets. En outre, le plumitif est tenu avec le maximum de soins, de sorte à éviter les ratures et autres surcharges susceptibles d’engendrer des suspicions. Ainsi, toute rature ou mot rayé doit faire l’objet d’une mention expresse en marge par le greffier, approuvant leur nullité, avec obligation de la certifier par sa signature.

Dès lors, l’opération consistant à coller une feuille de papier sur un plumitif et y mentionner une décision constitue un manquement grave de la part de tout greffier. Le prétexte de vouloir corriger une erreur ne saurait prospérer pour deux raisons. D’abord un greffier, dans la prise de notes à l’audience, ne pourrait se tromper sur toute une décision. Les erreurs courantes sont d’ordre orthographique, donc purement matérielles. Dans tous les cas de figure, le procédé de correction est consacré et consiste en l’annulation expresse de l’erreur, approuvée/ certifiée par le greffier ayant pris les notes.

En tout état de cause, le procédé utilisé dans le cas d’espèce, ayant consisté à coller une feuille volante sur le plumitif est en contradiction avec les règles professionnelles qui doivent être observées en la matière.

Par ailleurs, la présence du greffier à l’audience se justifie par le fait qu’il officie en tant que «témoin officiel» du peuple au nom de qui la justice est rendue, et « certificateur » de l’orthodoxie de la procédure. C’est la raison pour laquelle il est tenu de délivrer aux parties et tout intéressé, les actes de procédure qu’ils sont en droit de requérir.

Au vu de la mission d’authentification, le greffier ne peut en aucun cas, soit de son propre chef, soit sur ordre, altérer d’une quelconque manière les notes prises à une audience.

Sans préjuger de quelconques intentions de quelque nature des personnes concernées par la présente cause, et par pur respect des principes déontologiques, les syndicats des greffiers, par la présente,

– demandent à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire afin de situer les responsabilités ;

– demandent à l’inspection technique des services de mener des investigations dans les meilleurs délais afin de traduire tout fautif en conseil de discipline ;

– réaffirment leur désapprobation de toute tentative d’asservissement et de confiscation de l’indépendance du pouvoir judiciaire ;

– rappellent aux acteurs véreux que les valeurs d’éthique et de probité ne sauraient être bradées sur l’autel des intérêts

individuels et qu’ils se donneront les moyens de mettre en échec tous actes de compromission ;

– Appellent l’ensemble des greffiers au strict respect de la déontologie et du sens de l’honneur.


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