HomeA la uneCANDIDATURE DE MAHAMAT DEBY A LA PRESIDENTIELLE AU TCHAD : Au nom du père, du fils et du clan

CANDIDATURE DE MAHAMAT DEBY A LA PRESIDENTIELLE AU TCHAD : Au nom du père, du fils et du clan


Le président de la transition tchadienne a enfin annoncé officiellement sa candidature à la prochaine élection présidentielle prévue pour le 6 mai, devant plusieurs centaines de personnes massées pour la circonstance dans le grand amphithéâtre du ministère des Affaires étrangères qui a servi de cadre à cette cérémonie à la fois solennelle et festive. C’est la fin d’un vrai faux suspense, puisqu’on savait que le Général cinq étoiles allait être candidat à sa propre succession à la tête de ce deuxième pays le moins développé au monde, depuis que le parti créé par son défunt père l’a investi dans une ambiance de carnaval, le 13 janvier dernier. C’est désormais une coalition de 221 partis politiques qui soutient l’homme fort de Ndjamena dans ce qui laisse présager une victoire facile à l’issue de l’élection cruciale à venir, alors qu’en face, c’est quasiment le vide total depuis que l’opposition politique a été appelée à la soupe ou violemment réprimée. Le patron du parti au pouvoir, Mahamat Zène Bada n’est d’ailleurs pas passé par quatre chemins pour annoncer la couleur, en affirmant sans un milligramme d’humilité que seul le candidat qui voudra se faire moudre osera affronter le Général d’armée Mahamat Deby dans les urnes.

 

 

 

La température politique risque de connaitre des pics de chaleur avant même l’élection du 6 mai prochain

 

Les fidèles du président de la Transition travaillent d’arrache-pied depuis quelques mois pour obtenir le « tuk-guilli » ou le coup KO, en organisant une véritable opération de braconnage dans la forêt de l’opposition politique, couronnée par la « reddition » et le ralliement du principal challenger Succès Masra, mais entachée par l’assassinat en milieu de semaine dernière de l’autre figure de proue des anti-Deby, Yaya Dillo, dont le quartier général du parti a été détruit à la pelleteuse. Parallèlement, le Général Deby a mené une opération-séduction à l’endroit de la tribu des Zaghawas dont il est membre, en séjournant pendant plusieurs jours dans sa région d’origine, et en épousant récemment la fille du grand-frère de son défunt père, comme pour taire les critiques selon lesquelles il a tourné le dos à sa communauté pour s’enticher de la tribu des Goranes dont est issue sa mère. Si on ajoute à tout cela le fait que ce stratège militaire a rangé au placard de nombreux officiers dont la loyauté n’est pas assurée, on pourrait dire que c’est sur du velours que le Général « Kaka » va rouler dans cette quête de légitimité de son leadership à la tête du pays. Mais ce serait aller vite en besogne, car, avec l’assassinat mercredi dernier de Yaya Dillo, opposant et membre de la même tribu que le président, suivi dans la foulée de l’arrestation musclée de Saleh Deby Itno (frère de l’ancien président et oncle de Mahamat Deby), la température politique risque de connaitre des pics de chaleur avant même l’élection du 6 mai prochain. Ces deux événements qui ont fait l’effet d’un tremblement de terre à Ndjamena et dans tout le Nord-Est du Tchad constituent certes un message très fort envoyé à l’opposition et à la grande famille des Zaghawas pour que tous rentrent dans les rangs avant le sacre de Mahamat Deby le 6 mai.

 

La communauté internationale s’est murée dans le silence et attend la déflagration pour donner hypocritement de la voix

 

Mais il n’est pas sûr que dans ce pays chroniquement instable et ravagé par plusieurs décennies de rebellions armées, on ira jusqu’au bout de ce processus électoral sans entendre encore des crépitements de kalachnikov ou des bruits de chars d’assaut. Dejà, de nombreuses voix s’élèvent, en effet, pour appeler à venger Yaya Dillo et même à écarter Mahamat Deby du pouvoir avant que cette série de drames ne cristallise les rancœurs et ne fragilise le clan familial et l’ethnie Zaghawa des Deby,  au centre des affaires politiques et économiques depuis plusieurs décennies. La réponse des partisans du président risque malheureusement d’être des plus brutales. Car ils ne lésineront sur aucun moyen pour perpétuer la mémoire de Deby-père, pérenniser le pouvoir de Deby-fils et préserver les intérêts du clan. Alors que les risques d’un scénario-catastrophe existent bel et bien, la communauté internationale s’est murée dans le silence et attend la déflagration pour donner hypocritement de la voix ou jouer le rôle cynique du médecin après la mort. Dans les pays de l’Alliance des Etats du sahel (Mali, Burkina, Niger), on attend de pied ferme que l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Union africaine viennent hurler à l’exclusion des militaires qui dirigent les régimes de transition, pour envoyer des boules de feu sur ces organisations qui appliquent des normes de démocratie à géométrie variable, qui sont promptes à condamner les uns (les pouvoirs kaki de Bamako, Ouaga et Niamey) et enclines à tendre la main à l’autre (le béret rouge de Ndjamena). La perte d’influence de la France dans son ancien pré- carré du fait justement de ce « deux poids, deux mesures » n’a pas étrangement servi de boussole ou de leçon aux autres pays occidentaux, qui sont encore et toujours dans la condescendance et le mépris quand il s’agit des règles démocratiques applicables en Afrique.

 

« Le Pays »

 


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