HomeA la uneCOMMISSIONS ELECTORALES INDEPENDANTES EN AFRIQUE : Vous avez dit indépendance ?

COMMISSIONS ELECTORALES INDEPENDANTES EN AFRIQUE : Vous avez dit indépendance ?


Les commissions électorales, parlons-en. Ces organes chargés de superviser la mise en œuvre des procédures électorales, ont des noms qui varient d’un pays à un autre. Si elles peuvent être mixtes, judiciaires, gouvernementales, autonomes ou indépendantes, en Afrique, c’est généralement le dernier qualificatif qui est le plus utilisé. Malgré tout, ces commissions électorales indépendantes sont souvent l’objet de vives polémiques quand leur mise en place ne fait pas l’objet de tiraillements entre acteurs politiques.  C’était récemment encore le cas en Côte d’Ivoire, où la Commission électorale indépendante (CEI) a fait l’objet de l’adoption d’un projet de loi à l’Assemblée nationale, le 9 novembre dernier, en vue d’y apporter un modificatif. En l’occurrence, l’ajout de deux postes. Si pour le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) au pouvoir, cela est en phase avec les conclusions du dialogue politique initié par le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara (ADO), il n’en demeure pas moins que des partis de l’opposition et non des moindres, comme le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Henri Konan Bédié, sont restés sur leur faim.

 

On a comme l’impression que plus que le vote des Ivoiriens, c’est la CEI qui est le véritable faiseur de roi

 

Ce qui a amené le PDCI à voter contre ledit projet de loi qui, pour lui, marque un recul par rapport au texte de 2001 en ce qu’il crée un déséquilibre en faveur du parti au pouvoir. Quant au parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo, l’autre poids lourd de la scène politique ivoirienne, il a opté pour l’abstention, pour n’avoir pas pu inscrire la prise en compte d’un cinquième poste de vice-président qui devait lui revenir. C’est dire combien la composition de cette instance électorale et la représentativité des différentes formations politiques en son sein, font l’objet de marchandages entre les acteurs politiques ivoiriens. La question est de savoir si cette nouvelle loi va permettre d’éviter désormais la contestation qui a souvent fait le lit des violences pré et postélectorales au pays de Houphouët Boigny. Rien n’est moins sûr. Car, si on peut saluer l’esprit du vote qui était empreint de civilité, on peut douter que l’adoption dudit projet de loi dans les conditions que l’on sait, ait permis d’aplanir toutes les divergences et de créer la confiance nécessaire entre les acteurs politiques ivoiriens. Lesquels seront bientôt encore aux prises à la faveur de la présidentielle de 2025 dont l’enjeu principal demeure la succession du président ADO à l’issue de son troisième quinquennat qui, lui-même, a fait l’objet d’une grande polémique. Autant  dire que cette guerre de positionnement au sein de la structure centrale d’organisation des élections, est loin d’être fortuite. Mieux, l’on est porté à croire que cette bataille cache mal des intentions inavouées.

 

L’Afrique gagnerait à réfléchir à la mise en place de commissions électorales composées de techniciens apolitiques

 

 Car, on a comme l’impression que plus que le vote des Ivoiriens, c’est la CEI qui est le véritable faiseur de roi, donc le véritable enjeu des élections sur les bords de la lagune Ebrié. Autrement dit, quel que soit le vote, tout se joue à la CEI. C’est pourquoi à défaut de pouvoir la contrôler, il semble important, aux yeux des partis politiques, d’avoir le contrôle de cette structure électorale centrale qui a aussi la responsabilité du décompte des voix et la proclamation des résultats provisoires. Mais comment peut-on parler d’indépendance d’une telle commission si celle-ci n’est pas capable de se tenir à équidistance des différentes forces en concurrence ? Et si les partis politiques donnent l’impression de vouloir y envoyer des représentants pour que ces derniers défendent plus leurs chapelles respectives que pour faire preuve de neutralité ? Et cela n’est pas propre à la Côte d’Ivoire. Il en va ainsi dans presque tous les pays africains où les commissions électorales ont autant de peine à assumer leur indépendance que leur autonomie, quand elles ne sont pas simplement prises en otage par des acteurs politiques désireux de tirer la couverture à elles par tous les moyens. Cela est d’autant plus triste que c’est le genre de petits calculs politiciens malsains qui font que la démocratie a de la peine à avancer sous nos tropiques. Et Dieu seul sait ce qui se trame dans le secret du dépouillement et des délibérations des scrutins électoraux sur le continent noir. C’est pourquoi l’Afrique gagnerait à réfléchir à la mise en place de commissions électorales composées de techniciens apolitiques. Autrement, tant qu’on évoluera avec les formules actuelles, ce sera malheureusement presque toujours la loi du plus fort si ce n’est celle du plus audacieux. Dans le cas d’espèce, quand on sait que cette institution a toujours été au cœur de la contestation électorale en Côte d’Ivoire, il y a de quoi nourrir des craintes pour les scrutins à venir. Car, le scénario ubuesque de 2010 est encore frais dans les mémoires alors que 2025 est déjà là. Avec déjà une polémique qui couve sous la cendre.

 

« Le Pays »

 


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