HomeA la uneDEPUTE HALIDOU SANFO, UNIR-PS : « Nous n’avons pas troqué le sankarisme contre des privilèges du pouvoir »

DEPUTE HALIDOU SANFO, UNIR-PS : « Nous n’avons pas troqué le sankarisme contre des privilèges du pouvoir »


 

L’invité de votre rubrique « Mardi Politique », ce jour, est le député de l’Union pour la renaissance/ Parti sankariste (UNIR-PS), président de la Commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale. Il répond ici aux différentes questions de notre correspondant dans la province du Passoré. L’entretien a eu lieu alors que l’honorable était dans sa province natale ce week-end. Il est d’une ponctualité digne d’une horloge suisse.

« Le Pays » : Vous êtes président de la Commission défense et sécurité à l’Assemblée nationale. A quoi peut ressembler concrètement votre quotidien ?

Halidou Sanfo : J’ai la chance de présider cette commission depuis maintenant 4 ans. Et en tant que président, notre responsabilité est de regarder tout ce qui est en lien avec la défense et la sécurité et les lois y relatives qui viennent à l’Assemblée nationale. Quand le gouvernement dépose son projet de loi relativement à notre domaine, il est de notre devoir de le regarder et de l’analyser sous plusieurs angles. Nous prenons toujours le soin de convier des acteurs du domaine à des concertations, dont les organisations de la société civile et les spécialistes des questions de défense et de sécurité. En plus du travail abattu dans le cadre de cette commission, je joue mon rôle de député qui est de voter les lois, consentir l’impôt et de contrôler l’action du gouvernement.

On vous sait très actif non seulement au niveau national, mais aussi international. Quelle est la contribution du Parlement burkinabè dans le cadre des échanges au niveau de l’espace parlementaire africain et international ?

Mes collègues à l’Assemblée nationale m’ont désigné pour être membre du Parlement africain. Je leur traduis au passage toute ma gratitude. Mes responsabilités en tant que président de la Commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale et en tant membre du Parlement africain, m’amènent à effectuer beaucoup de missions. Le Parlement panafricain, fort de tous les Etats de l’Afrique, 55 Etats récemment avec l’intégration du Maroc, est le lieu où chacun fait entendre sa voix sur les questions et enjeux du moment. Le Burkina Faso y est représenté par des députés de la majorité comme de l’opposition. Tous, nous sommes des ambassadeurs du pays et nous travaillons à ce que la voix de notre patrie soit entendue. Nous plaidons par exemple la solidarité avec tous les pays qui connaissent des crises, quelle que soit leur nature. Nous nous battons pour que véritablement, notre pays et l’ensemble des autres pays africains connaissent la paix, la prospérité et le développement durable.

Il nous est revenu que la guerre de leadership entre militants de l’UNIR-PS fait rage dans votre province. Qu’en dites-vous ?

(Rire) Pour moi, cela est tout à fait normal. Un parti qui vit, naturellement, doit avoir des cadres, des jeunes et des femmes ambitieux. Moi, je ne vois pas cela comme des guerres de leadership ; c’est une dynamique. La province du Passoré est le berceau du sankarisme et c’est normal de constater le dynamisme dont font preuve les acteurs politiques dans la zone, notamment au sein de notre parti. J’estime qu’il faut avoir suffisamment de cadres pour que chacun dans sa zone, village, commune et secteur, agisse dans le sens de faire grandir l’idéal sankariste. Ce n’est pas seulement une question de positionnement. Le plus gros travail, c’est de faire en sorte que l’idéal sankariste et le message qui en découle soient portés et connus partout dans les confins de la province.

Député de l’UNIR-PS, vous êtes à votre deuxième mandat après celui de 2012. Cette mandature vous semble-t-elle plus paisible?

J’ai été élu en 2012, et comme vous le savez, nous n’avons pas terminé le mandat. Mais il faut le noter, nous avons été les artisans de l’insurrection. C’est cela qui nous a permis de rebelotter en 2015. Si on considère que le premier mandat de 20 mois, est « un mandat » dans le sens plénier du terme, je suis effectivement à mon deuxième mandat. Pour le premier mandat, par exemple, l’objectif était de nous battre pour qu’il y ait véritablement la démocratie et pour éviter un pouvoir à vie dont les signes étaient visibles à l’époque. Aujourd’hui, c’est un autre challenge. Le challenge, c’est effectivement de consolider cette démocratie. Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a beaucoup plus d’espaces de liberté. L’un dans l’autre, il faut dire que les contextes de 2012 et de 2019 sont différents, surtout avec la question sécuritaire qui exige que l’on travaille à ce que le Burkina Faso renoue avec la paix.

Comment se porte l’UNIR-PS  aujourd’hui ?

L’UNIR-PS se porte bien. Si vous suivez l’actualité, vous saurez que l’UNIR-PS est en mouvement. Un parti qui vit, c’est un parti qui tient ses instances nationales, qui a des activités aux plans régional, communal et au niveau village. Des actions sont engagées dans le sens de renouveler toutes les structures provinciales du parti sur l’ensemble du territoire.

On sait que depuis les dernières élections, votre parti a connu une saignée avec le départ de certains de vos militants. Faut-il craindre pour l’UNIR-PS?

Dire « une saignée », c’est trop fort. Il y a juste eu quelques départs. En tant que responsable des structures au plan national, c’est toujours regrettable de perdre un ami, un camarade pour des questions sur lesquelles vous n’arrivez pas à vous accorder. Mais la vie des partis, c’est comme la vie tout court. La vie est une dynamique. Dans un groupe, cette dynamique fait qu’il y a toujours des mouvements d’aller et de retour. Nous estimons qu’au regard des nouvelles entrées, des nouvelles adhésions, l’UNIR-PS jouit d’une très bonne crédibilité dans beaucoup de régions du pays.

D’aucuns estiment que l’UNIR-PS a troqué le manteau du sankarisme contre le costume des privilèges du pouvoir. Qu’en dites-vous ?

Ces propos me font toujours sourire. Nous n’avons pas troqué le sankarisme contre des privilèges du pouvoir! Le beurre dont il est question, je n’en vois pas. Tout ce que nous avons, c’est naturellement tout ce qui nous revient de droit et c’est cela que nous utilisons encore pour remobiliser nos militants. Il n’y a pas de financements obscurs extraordinaires autres que ce qui est connu de tous. En tout cas, en tant que responsable national des structures, je n’ai pas connaissance d’autres financements venant d’ailleurs. Nous savons que nos militants souffrent sur le terrain, pour les questions de finances. Thomas Sankara a dit que l’abondance révèle aussi votre incapacité. Nous pensons que les finances sont bien, mais il faut toujours chercher la qualité des hommes et nous travaillons beaucoup à cela.

Pensez-vous que l’UNIR-PS est un parti d’avenir dans ce pays ?

Bien sûr ! Vous savez, le sankarisme, c’est ce qu’il nous faut sur ce continent. Le sankarisme, c’est compter sur ses propres forces. Si nous arrivons au pouvoir, nous allons appliquer le Programme alternatif sankariste qui veut que le Burkina Faso compte sur ses propres forces, sur ses hommes, ses femmes, ses fils et ses filles. C’est pourquoi nous disons que le sankarisme a de l’avenir. Nous ne varions pas. Nous sommes dans un contexte et nous tenons compte de ce contexte, mais jamais nous ne perdons notre âme. Notre âme qui est de travailler à ce qu’il y ait véritablement une rupture de gouvernance dans ce pays où femme et homme, chacun doit comprendre qu’il faut mériter son salaire et mériter tout ce qu’on gagne.

On vous entend très peu sur des questions importantes du moment ; par exemple la crise au MINEFID, les conflits intercommunautaires, la lutte contre l’insécurité. Y a-t-il une explication à cela ?

On ne s’est jamais tu. Si vous vous rappelez, nous avons, à l’occasion du nouvel an, dressé la situation globale du pays, que ce soit sur le plan sécuritaire ou autre. Nous avons donné notre lecture sur les conflits communautaires. Nous en avons appelé à un sursaut patriotique de tous. Alors, nous ne nous sommes jamais tus par rapport à ces sujets. Nous avons abordé également la question de la crise au MINEFID. Sur ces questions, nous travaillons aussi avec les partis de la majorité présidentielle auxquels appartient l’UNIR/PS. Donc, en tant que structure autonome, nous nous prononçons et en tant que groupe aussi, nous le faisons. Aujourd’hui, il faut souhaiter qu’il y ait un dialogue franc entre le gouvernement et les agents du MINEFID. Je dis cela parce que les agents du MINEFID sont nos frères ; les entrepreneurs qui souffrent aujourd’hui parce qu’ils n’arrivent plus à produire leurs documents, sont aussi nos frères. Nous avons appelé les deux parties à se parler. C’est vrai qu’il y a des points d’achoppement comme le fonds commun, mais à partir du dialogue, on peut tout régler. Le pays appartient à nous tous et il est important que les uns et les autres puissent mettre de l’eau dans leur vin pour qu’on trouve rapidement une solution à cette crise qui n’a que trop duré.

Votre parti présentera-t-il un candidat à la présidentielle de 2020 ou soutiendra-t-il la candidature de Roch Marc Christian Kabore ?

Je suis simplement un des responsables de l’UNIR/PS et c’est une question qui sera naturellement abordée dans les instances appropriées du parti. Et au moment venu, vous saurez la position du parti sur le sujet que vous abordez.

Le Burkina Faso est dans une situation difficile, notamment aux plans économique, sécuritaire et social. Certains estiment que cela est lié à l’incompétence de ceux qui dirigent le pays. Qu’en dites-vous ?

Incompétence ? Je ne le pense pas. Vous savez qu’après l’insurrection, le président Roch Kaboré a mis le pays sur beaucoup de chantiers. Les institutions fonctionnent normalement. L’insécurité que nous connaissons, est survenue après la chute de Blaise Compaoré qui recevait, devant la face du monde, des dirigeants de groupes terroristes au Burkina Faso. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas lier la situation sécuritaire à l’incompétence d’une personne. C’est une affaire mondiale et sous-régionale. Ce qui se passe actuellement au Burkina se passe au Niger, au Mali, et plus grave, en Libye. Je crois que nous sommes sur le bon chemin. Les opérations de sécurisation réalisées ou encore en cours dans l’Est, nous rassurent que le pays est en passe de réussir cette lutte contre le terrorisme. En tant que député, président de la Commission défense et sécurité, nous profitons de cette tribune pour remercier, une fois encore, les ministères de la Défense et de la Sécurité, et tous les acteurs qui ont contribué à sécuriser cette partie de notre pays. Après cette opération, les populations ont retrouvé de l’espoir. Dans un pays, il faut travailler à donner de l’espoir aux populations. Quand les populations perdent espoir, survient le désespoir et par la suite, c’est le chaos. Nous souhaitons aujourd’hui que l’action militaire s’étende à d’autres contrées du pays. Mais, il faut le dire, l’action militaire permet de retrouver la sécurité ; pas de retrouver la paix. C’est pourquoi nous invitons le gouvernement à développer, en plus du volet militaire, des services sociaux de base pour les populations.

Selon vous, quels sont pour le moment, les principaux points positifs de la gestion du pouvoir par Roch ? Quels sont les principaux points négatifs ?

Je pense avoir déjà donné les points positifs. Quand le pays est debout, que tu sois homme politique, commerçant, entrepreneur, homme d’affaires ou autres, chacun exerce tranquillement son activité. A ce moment, vous verrez que le gouvernement continuera d’offrir des services de base qui répondent aux attentes des populations. C’est pourquoi nous, à l’UNIR-PS, avec les autres partenaires, oeuvrons pour que le pays soit et reste debout. Pour les aspects négatifs, je parlerai de l’insécurité qui sape tous les efforts de développement. Aujourd’hui, tout ce que le président Roch est en train de réaliser est mis sous éteignoir du fait de l’insécurité. Les gens ont l’impression que rien n’est fait ou que rien ne bouge. Or, dans le domaine des infrastructures par exemple, beaucoup de routes, de pistes rurales, ont été réalisées. Il y a plus de forages dans les villages. Beaucoup d’efforts ont été faits, mais à cause de l’insécurité, on a le sentiment que rien n’a été réalisé. Les statistiques montreront que beaucoup de choses ont été réalisées en si peu de temps.

Dans une lettre adressée au président du Faso, Blaise Compaoré dit « sa disponibilité » à l’accompagner dans la résolution de la crise sécuritaire. Quelle lecture faites-vous de cette sortie de Blaise Compaoré?

Le président Roch Kaboré a déjà pris acte de la lettre. Personnellement, je pense que c’est une question qui doit être traitée à un niveau supérieur. Je fais foi à la diplomatie du Burkina pour trouver une réponse appropriée à Blaise Compaoré qui, il faut le souligner aussi, a demandé la nationalité ivoirienne. Il n’est plus Burkinabè. Dans tous les cas, je ne suis pas bien placé pour donner une appréciation sur le sujet. C’est aux plus hauts responsables de l’Etat de mesurer les choses, de regarder quelles peuvent être par exemple les implications d’une telle disponibilité. Je sais qu’en la matière, il y a beaucoup d’aspects à regarder et à mesurer avant d’accepter un tel soutien.

Quels sont vos projets pour le Passoré, votre province mère ?

Je ne peux pas amener le ciel ou le train pour la population de ma province que j’aime tant, mais je ferai en sorte que cette population ait le train ensemble. Ce sont les membres du gouvernement qui assurent ou qui réalisent par exemple les infrastructures routières, fournissent l’eau potable et construisent les écoles pour la population. Nous, nous sommes chargés de voter les lois, de leur donner les finances nécessaires pour la réalisation des œuvres. Nous n’avons pas les finances nécessaires pour faire cela. Mais personnellement, j’aime bien ma province. J’ai l’habitude de dire que la province nous a tout donné car, c’est au Passoré, ici, que nous avons fait les études. Donc, nous avons l’obligation de nous battre pour qu’en retour, les populations du Passoré qui nous ont élu, puissent avoir un mieux-être.

Comptez-vous rébeloter pour la députation en 2020 ?

Il ne m’appartient pas moi, Sanfo Halidou, de décider de me présenter ou pas. Même en 2012, ce n’est pas moi qui ai décidé. Il y a des instances du parti et si l’appréciation est faite, vous serez informé.

Avez-vous un autre commentaire à faire ?

Merci au journal « Le Pays » qui nous a toujours accompagné et qui reste crédible et fidèle dans sa ligne éditoriale. « Le Pays » porte l’information, partout, aux populations. Je lui souhaite bon vent. Je lui souhaite des lendemains meilleurs. Merci au Fondateur, à toute l’équipe du journal !

Propos recueillis par Marou DIANDA (Correspondant)

 

Qui est le député Halidou Sanfo ?

Né en 1973 à Ouaéllé dans le Passoré, Halidou Sanfo a suivi son parcours scolaire d’abord à l’école primaire publique de Lilbouré où il obtient son CEP. Il est allé au lycée provincial de Yako pour la 6e. Après son admission au concours de recrutement des enseignants du primaire en 1994, il a momentanément quitté Yako pour prendre service à Kalsaka dans le Yatenga. Il est conseiller pédagogique itinérant après son stage à l’école normale supérieure de l’Université de Koudougou en 2012.   1er titulaire aux législatives sur la liste de son parti, l’UNIR-PS, dans le Passoré, il est élu député le 2 décembre 2012. Après avoir été balayé, lui et ses camarades de l’Assemblée nationale, par l’insurrection populaire de 2014, il est réelu député en 2015. Président de la Commission défense et sécurité à l’Assemblée nationale aujourd’hui, il est également le responsable aux relations extérieures de l’UNIR-PS.


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