HomeRévélationsDESIRE TRAORE DE L’UNIR/PS:« Là où Blaise Compaoré a réussi, c’est le massacre du système éducatif »

DESIRE TRAORE DE L’UNIR/PS:« Là où Blaise Compaoré a réussi, c’est le massacre du système éducatif »


Désiré Traoré, secrétaire national chargé des relations extérieures de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), dit à qui veut l’entendre que le Sénat sous sa forme actuelle ne sera pas mise en place. De même, il a soutenu qu’il n’y aura pas de référendum pour la révision de l’article 37 de la Constitution. Dans l’entretien exclusif qu’il a accordé au journal le « Le Pays », Désiré Traoré n’a pas eu la langue de bois sur les différents sujets abordés.

 

« Le Pays » : Le 30 avril 2014, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou s’est déclaré incompétent pour statuer sur la requête d’exhumation des restes du président Thomas Sankara. Comment avez-vous accueilli cette décision en tant qu’héritier de feu le président Thomas Sankara ?

Désiré Traoré : Quand nous avons reçu cette décision, nous avons été abasourdis parce que tout laissait croire que le juge allait prendre une décision dans le sens de l’exhumation. Le délibéré a été rebattu pour que l’on puisse produire des pièces au Tribunal. C’est ce que les avocats des ayants droit de feu Thomas Sankara ont fait. Toutes les pièces ont été produites et, curieusement, le tribunal a rendu une décision assez insolite en disant qu’il était incompétent.  Nous pensons que cela est un déni de justice. En tout cas, la famille entend faire appel de cette décision.

Outre l’incompétence du tribunal, les avocats de l’Etat ont également plaidé pour la nullité de l’assignation pour défaut d’indication du domicile des demandeurs. En termes clairs, les avocats exigent la comparution de la veuve et des orphelins de Thomas Sankara. Qu’en pensez-vous ?

C’est tout cela qui fait que les gens se plaignent qu’il n’y a pas de justice au Burkina. Moi, en tant que juriste, j’ose croire en la Justice. Mais, je reconnais qu’il y a certaines personnes qui ne font pas honneur à la Justice. Sinon, relever ce que vous venez de dire fait partie de la fidélité. Depuis longtemps, nous avons toujours réclamé l’exhumation, mais ces avocats n’ont jamais soulevé ces moyens de défense. Nous sommes donc un peu étonnés mais le combat continue.

La révision de l’article 37 de la Constitution par un référendum et la mise en place du Sénat dominent l’actualité politique ces derniers temps dans notre pays. Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et ses alliés font des pieds et des mains pour parvenir à leurs fins. Quels commentaires faites-vous ?

On a constaté dans les propos des militants du CDP, qu’ils n’ont plus d’arguments. Nous avons l’habitude de dire que le CDP qui se disait grand parti et qui a presque tous les intellectuels, c’est ce qu’ils prétendent, les opérateurs économiques et l’ensemble des chefs traditionnels de ce pays, a du plomb dans l’aile. Si après 27 ans, ils n’ont personne d’autre pour remplacer Blaise Compaoré aux élections de 2015, tant pis pour eux. C’est vraiment dommage. Me Bénéwendé Sankara, Chef de file de l’opposition d’antan, avait dit qu’en réalité tout cet agissement avait pour objectif la révision de l’article 37 de la Constitution. Mais le ministre Bongnessan Yé avait toujours défendu le contraire en convoquant les assises du CCRP. Aujourd’hui, tous les indices laissent croire que Me Sankara a eu raison de ne pas participer à ce forum. Les masques sont tombés et ils n’hésitent même plus à dire à leurs militants, à travers la voix de Assimi Koanda, que le référendum vise à ce que Blaise Compaoré se représente en 2015. Vous voyez donc que toutes ces manœuvres étaient orchestrées pour que Blaise Compaoré puisse encore se représenter. Mais nous, nous restons fermes. Il n’y aura pas de Sénat de cette forme-là. Nous ne sommes pas contre un Sénat, mais les arguments qu’ils avaient développés pour supprimer la 2e chambre faisaient parties de leur stratégie de réviser l’article 37. Nous, nous disons qu’il n’y aura pas de référendum ; nous sommes fermes là-dessus et nous allons nous battre et cela est clair. Nous avons commencé à organiser nos troupes, le jour où il y aura la déclaration sur la convocation du corps électoral sur le référendum, c’est ce jour qu’ils sauront qu’il y a vraiment une opposition au Burkina Faso.

En début janvier 2014, la démission de certains ex- ténors du CDP a été qualifiée de tsunami par bon nombre de personnes. Quelle est l’analyse que vous en tant que membre du bureau exécutif national de l’UNIR/PS avez faite suite à ces démissions ?

La démission de Roch Marc Christian Kaboré, de Simon Compaoré, de Salif Diallo et la création du MPP, il faut quand même reconnaître, se sont ressenties dans tous les partis politiques et au sein de la population. Pour cela, il faut vraiment reconnaître que c’étaient les ténors du CDP qui quittaient le parti. Du coup, il y a eu des appréciations parfoit assez justes et parfois assez erronées. Nous avons fait comprendre à nos militants que la démission de ces derniers avait pour tout de casser le CDP et non les partis d’opposition. Mais, il y a certains qui ne nous ont pas compris et étaient pressés. Ils pensaient que Roch, Simon et Salif avaient déjà pris le pouvoir, et c’est cela qui est un peu dommage. Cela est indécent. Nous avons fait une analyse et avons soutenu qu’un mouvement qui a été créé pour affaiblir le pouvoir en place, franchement, nous l’accueillons à bras ouverts ; mais si ce mouvement vient pour affaiblir les partis d’opposition, ce n’est pas un plus. Au contraire, ce mouvement devrait travailler pour casser davantage le CDP. Je pense que c’est ce que certains ténors du MPP ont compris et sont en train de travailler pour rectifier le tir.

Des démissions et pas des moindres ont également été enregistrés au sein de votre parti. Qu’est-ce qui a occasionné le départ de vos ex-camarades ?

Concernant les démissions au sein de notre parti, il faut dire que certaines nous ont fait mal parce que c’étaient des camarades, des membres fondateurs du parti ; par contre, d’autres démissions nous ont rendus heureux parce que l’on voulait que ces derniers quittent nos rangs, parce qu’ils ont utilisé à un moment donné le parti pour leur ascension sociale personnelle et voulaient que cela continue. Quand nous partions aux élections, on s’est rendu compte que ces camarades, ne pouvant plus être présentés parce que battus aux primaires des législatives, avaient baissé les bras et commençaient à vouloir travailler pour affaiblir davantage notre parti.

 

Ils y sont parvenus, d’autant plus qu’ils ont réussi à fragiliser le parti. Pour preuve, votre parti a dû céder le Chef de file de l’opposition politique. N’est-ce pas ?

Quand on fait une analyse, une appréciation des chiffres, on se rend compte qu’on n’a pas reculé. Au contraire, on a doublé parce que le nombre de nos conseillers municipaux tourne autour de 300 et on garde à peu près le même nombre de députés. Nous avions 5, maintenant nous en avons 4. C’est dans le Kadiogo que nous avons perdu un député sur les deux que nous avions. Et ça aussi, c’est avec l’arrivée de l’UPC. Certains de nos camarades qui n’avaient pas pu être positionnés, ont travaillé contre nous. Qu’à cela ne tienne, notre parti est sorti grandi à l’issue du congrès. Je vous avoue que le secrétariat exécutif actuel est très efficace.

Après deux tentatives infructueuses aux présidentielles de 2005 et 2010, est-ce que l’UNIR/PS présentera un candidat à l’électios de 2015 ?

Selon le programme du parti, nous avons appelé la population à une alternance alternative, à une rupture. Vu ce que le présent régime a causé comme dégâts, nous voulons vraiment qu’il y ait une rupture. C’est pour cela que nous voulons travailler à faire connaître notre programme. Sinon le parti a son candidat.

Pouvez-vous nous dévoiler le nom de ce dernier ?

Je ne saurais vous le dire, mais sachez que tout parti politique vise la conquête du pouvoir d’Etat. Reste à nous d’organiser un congrès extraordinaire pour désigner notre candidat. Il n’y a donc pas de doute là-dessus, mais pour le moment, nous sommes en train de travailler afin de restructurer le parti.

Seriez-vous d’accord pour militer pour une candidature unique de l’opposition ?

Un candidat unique de l’opposition serait de l’utopie pour moi. Vu la configuration de l’opposition, vous voyez déjà quelques candidatures qui sont annoncées : celle de Roch Marc Christian Kaboré que Salif ne cesse d’annoncer ; il y a la candidature probable de Zéphirin Diabré et de Tahirou Barry du PAREN. Mais ce qui bien, et par stratégie, c’est que nous puissions présenter deux candidats de sensibilités différentes. Zéphirin se réclame du libéralisme et un autre candidat de la social-démocratie. Ainsi, nous pourrons nous organiser pour soutenir celui qui va aller au second tour.

Le chef de l’Etat a entrepris depuis quelque temps des tournées dans certaines provinces et régions du pays. Quelle est votre appréciation ?

Je pense que c’est tard car depuis près de 30 ans qu’il est au pouvoir, c’est maintenant qu’il sait qu’il doit faire cela. Ce sont des populations qui étaient totalement délaissées et lui-même était ahuri d’apprendre certaines choses. Si en tant que chef d’Etat et père de famille, il ne sait pas que ses enfants découchent, et ne connaît pas leurs problèmes, ces tournées arrivent tardivement. Il faut qu’il ait le courage d’admettre qu’il a échoué et je pense que Roch Marc Christian a travaillé en lui accordant une loi d’amnistie. Qu’il se contente de cette loi pour permettre à leur parti de dégager un candidat pour les élections de 2015. Sinon, je pense que c’est un gaspillage d’argent.

A vous écouter, l’opposition a beaucoup plus peur de Blaise Compaoré que du CDP. S’agit-il vraiment de cela ?

Ce n’est pas de la peur, mais une question de principe. Il a fait deux mandats. Le premier mandat était un septennat renouvelable une fois. Ce sont les mêmes personnes qui ont relu la Constitution ; on n’avait pas besoin d’un référendum alors que nous sommes sortis en 1991 pour adopter par voie référendaire la Constitution qui limitait déjà ce mandat. Mais ils ont révisé la Constitution par deux fois pour sauter le verrou de la limitation de mandats présidentiels. Avec la crise née de l’affaire Norbert Zongo, le Collège de sages a préconisé la limitation du nombre de mandats, gage de paix dans le pays. On n’a donc pas besoin de référendum. Sinon, on n’a pas peur de Blaise Compaoré, c’est une question de principe.

Vous pensez que l’actuel chef de l’Etat peut perdre l’élection ?

Bien sûr. Vous savez que si l’opposition s’unit très bien et arrive à mettre en place un système efficace de contrôle de l’élection, il n’y pas de raison que Blaise Compaoré la remporte. Les fraudes sont très massives et je regrette très souvent quand j’entends les ténors du CDP dire qu’ils sont très forts. Si on est fort, on ne fraude pas.

L’opposition parle chaque fois de fraudes sans apporter les preuves au point que certains n’y croient plus. Quel est votre avis ?

Sincèrement, les preuves sont toujours apportées. Il y a des élections où nous avons vu des urnes qui ont été enterrées. Le tribunal a même eu l’occasion de le constater. Mais, après coup, c’est la même phrase qui est répétée : « Ça n’entache pas la régularité du scrutin ». Sinon, je vous répète encore que Blaise n’est craint par aucun candidat, il sera dégagé par l’opposition. Il a fini son mandat, il doit partir. Ses partisans pensent que l’opposition a peur de Blaise, non. On est toujours allé aux élections ensemble.

L’UNIR/PS, à travers votre personne, a mené 3 tentatives infructueuses aux élections législatives dans la province des Banwa. Vous y croyez pour la prochaine fois ?

Je suis sur plusieurs fronts et je mène mon combat. Etre député n’est pas une fin en soi. Je disais très souvent aux militants que cela fait partie des moyens que je pouvais avoir pour boucler le travail dans les Banwa, dans la Boucle du Mouhoun. Ce travail, vous l’avez beaucoup suivi. Depuis que nous avons fait la conférence régionale à Tougan, on ne cesse de dénoncer le fait que cette région a été délaissée. A force de dénoncer cette situation, les choses sont en train de changer. Si les choses sont en train de changer à Dédougou, à Nouna, Solenzo reste toujours à l’écart. Nous allons continuer avec les camarades sur le terrain et avec les maigres moyens dont nous disposons pour crier encore qu’il y a trop d’injustice dans la répartition des richesses du pays. Solenzo ne peut pas être classé 1er en matière de production cotonnière et ne pas avoir de route. En août, septembre et octobre, Solenzo n’est plus accessible. Ce chef- lieu de province est coupé de Nouna, de Dédougou et de Bobo. Cela est pénible et à voir les tonnes de vivres et de coton que ces braves paysans produisent, ils ne méritent pas ce sort. Egalement, vous y verrez des classes sous paillotes. Cela est un phénomène national. J’ai l’habitude de dire aux étudiants et aux élèves que là où Blaise a réussi, c’est le massacre du système éducatif. Nous parlons d’un pays émergent et nous comptabilisons toujours de nombreuses classes sous paillotes. Et c’est l’attitude de certains étudiants que je n’arrive pas à comprendre car ils se déclarent du CDP. J’ai eu un débat avec ces étudiants et je leur ai dit que je ne comprends pas leur attitude. Celui qui a fait mal à notre système universitaire, c’est Blaise Compaoré en fermant plusieurs fois le campus, en invalidant l’année. C’est terrible, les étudiants ne savent même plus dans quelle année académique ils sont. Je dis toujours que soit c’est l’argent qui intéresse ces derniers et rien d’autre, soit ils sont atteints du syndrome de Stockholm où des fois tu te mets à aimer ton bourreau. En 2015, nous allons mener un combat pour le bitumage de la route Kodougou-Solenzo-Koundougou

Auriez-vous les moyens pour cela ?

Ce n’est pas une question de moyens, nous allons mener des activités de sensibilisation et nous allons approcher les autorités administratives par des marches, des pétitions, ou des lettres. Je ne vais pas dévoiler toute notre stratégie mais à un moment donné, nous allons passer à la vitesse supérieure en barrant certaines voies pour que le coton ne soit pas évacué.

Auriez-vous quelque chose à ajouter ?

Je tiens à remercier votre journal et à féliciter tous ceux qui y travaillent pour la qualité et la pertinence des sujets traités. Je lance aussi un appel aux militants de l’opposition concernant ce que le Chef de file de l’opposition et les autres chefs de partis d’opposition ont annoncé comme programme. Qu’ils se tiennent prêts parce qu’après le grand meeting du 31 mai, il y aura les lancements des activités à travers les provinces. Il faut vraiment que les militants de l’opposition se réunissent pour que l’objectif visé soit atteint, c’est-à-dire empêcher la mise en place du Sénat, la tenue du référendum, la modification de l’article 37 et œuvrer pour l’alternance en 2015. En novembre 2015, Blaise ne doit plus être au pouvoir.

Propos recueillis par Serge COULIBALY

 


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