DR JEAN-CHARLEMAGNE KONDOMBO, INCIDENT MANAGER POUR LE COVID-19
A l’annonce, le lundi 9 mars dernier, par le ministre de la Santé, de deux cas avérés de coronavirus au Burkina Faso, la panique semble s’installer au sein des populations. Et c’est pour mieux comprendre l’évolution de cette situation que nous avons rencontré le Dr Jean-Charlemagne Kondombo, médecin de santé publique et Incident manager pour le Covid-19. Incident manager est la personne chargée d’accompagner la préparation et la réponse à l’épidémie due au nouveau coronavirus. Avec ce spécialiste, nous avons abordé des questions autour du Covid-19 et des deux cas déclarés positifs tout comme les aspects de prévention.
Le Pays : Qu’est-ce que le coronavirus, comment se transmet-il et que faire pour l’éviter ?
Dr Jean-Charlemagne Kondombo : Le coronavirus est une nouvelle maladie moins bien connue aussi bien des spécialistes que des chercheurs de la santé et a commencé à apparaître en Chine courant décembre 2019. Elle se manifeste par un certain nombre de signes et parmi ceux-ci, nous avons un rhume banal, un état de fatigue avec une fièvre dont la température peut être supérieure ou égale à 38 degrés. Le rhume banal peut aller à une forme grippale (lorsqu’on est enrhumé, on éternue, on tousse, accompagné d’un mal à la gorge, il y a en plus la fatigue et la fièvre). Cette maladie peut aller à la pneumonie voire la pneumonie sévère. Il faut que les gens sachent comment elle se manifeste pour pouvoir venir dans les formations sanitaires afin de se faire prendre en charge. Pour se protéger contre cette maladie, il faut éviter d’être en contact avec toutes les personnes qui éternuent ou qui toussent, utiliser des mouchoirs lorsqu’on est enrhumé et les jeter dans des poubelles sécurisées. Eviter certains gestes que nous avons l’habitude de vivre avec, à savoir les salutations d’usage, les accolades, les bises, pendant cette période. Il faut également éviter les grands attroupements.
Quelles sont les dispositions prises pour endiguer la propagation du Covid-19 ?
Depuis que l’épidémie a commencé, il y a beaucoup de dispositions qui sont prises au niveau de notre pays. D’abord, le renforcement de la surveillance au niveau des différents points d’entrées du pays, que ce soit les points aéroportuaires, terrestres ou ferroviaires pour essayer de détecter des cas éventuels qui pourraient advenir. Au niveau de la frontière aéroportuaire de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, on exige des passagers, le remplissage d’une fiche de renseignements où ils doivent mentionner leurs noms et prénoms, le pays d’origine et celui d’où il viennent, les pays de transit, son numéro de téléphone et la recherche de signes éventuellement qui sont faits à ce niveau. Le deuxième élément en termes de dispositions, c’est que nous disposons d’un laboratoire de référence qui était chargé de surveiller la grippe au Burkina Faso et celui-ci a complété ses compétences en matière de formation. Ainsi, il permet de diagnostiquer sur place le Covid-19. Cel signifie que tous les cas suspects de coronavirus peuvent être diagnostiqués au Burkina Faso.
Qu’en est-il des deux cas confirmés ?
Les deux cas confirmés sont actuellement pris en charge au niveau d’un site qui a été apprêté à cet effet. Les premières autorités du ministère de la Santé se sont donné à bras-le-corps pour rendre ce site opérationnel et faire en sorte que tout cas qui venait à être acheminé, puisse bénéficier des soins de qualité. Les deux cas qui ont été identifiés y sont pris en charge avec un personnel pluridisciplinaire dont, entre autres, des infectiologues, des pneumologues, des réanimateurs et bien d’autres qui s’occupent bien d’eux.
Des dispositions sont-elles prises pour rechercher les cas contacts ?
A ce niveau, il faut relever que depuis la nuit où les deux cas ont été suspectés, il y a eu une recherche automatique de tous les cas qui pourraient être cas associés ou qui ont soit mangé avec eux ou été très proches de ces cas. Nous avons, à l’étape d’aujourd’hui, un certain nombre de contacts qui sont connus et nous continuons de rechercher tous les autres cas contacts. Avec l’investigation qui se poursuit, cela va nous permettre de prendre les contours de tous les cas qui se sont approchés des deux cas malades.
Pouvons-nous avoir une idée du nombre des cas contacts ?
A ce jour (ndlr : l’entretien a été réalisé le mardi 10 mars 2020), nous pouvons vous garantir que nous sommes en train de les comptabiliser, mais je puis vous dire que nous avons déjà une cinquantaine qui sont en train d’être notés au titre des cas contacts. Nous sommes en train d’apprécier et de rechercher davantage pour les suivre et éviter la propagation de la maladie dans notre pays.
Avec ces cas détectés, ne pensez-vous pas qu’il y a une défaillance au niveau du système de surveillance épidémiologique à l’aéroport international de Ouagadougou ?
Je voudrais vous rassurer que cela montre encore que notre système de santé est performant. Un système de santé qui n’est pas performant, n’aurait pas pu détecter des cas.
« Il ne survit pas longtemps à l’air libre et à l’air sec. Le virus a une durée de vie de deux à trois heures approximativement à l’air libre, à l’air sec et à la chaleur »
Le silence aurait été plus inquiétant et nous avons déjà suspecté deux autres cas qui ont été prélevés et infirmés, c’est-à-dire négatifs. Toute œuvre humaine n’est pas parfaite et nous travaillons toujours à la parfaire et à faire en sorte que le citoyen lambda puisse vivre paisiblement et sans inquiétude.
Est-ce vrai, selon des informations, que la durée de vie du virus est de huit minutes à l’air ambiant ?
C’est un virus qui est nouveau certes, mais il ne survit pas longtemps à l’air libre et à l’air sec. Le virus a une durée de vie de deux à trois heures approximativement à l’air libre, à l’air sec et à la chaleur. Par contre, en présence d’humidité, le virus peut vivre au-delà de six heures. Cela veut dire qu’il faut assécher les milieux, les ventiler, les laisser ouverts, éviter les confinements. Mais, il y a des mesures essentielles. Lorsque vous revenez d’un pays touché par l’épidémie, nous recommandons l’auto confinement, à savoir, rester chez soi à la maison ou avoir des attitudes qui ne vous exposent pas et qui n’exposent pas les autres en faisant en sorte de vous laver régulièrement les mains ou porter un masque lorsque vous allez vers quelqu’un d’autre. Que vos mouvements soient limités et que vous n’alliez pas dans des espaces clos et confinés pour propager l’air qui peut ne pas être le bon air sain. Il faut aussi le relevé de températures qui doit être transmis à un rythme de deux fois par jour à une commission qui est chargée de suivre tous ces cas qui reviennent des pays touchés et qui n’ont pas présenté de signes en attendant qu’ils observent les quatorze jours de confinement recommandés, pour qu’on s’assure que tous ces cas sont sains et saufs.
Est-ce fondé, la rumeur selon laquelle le virus a peur du soleil ?
Lorsque je dis que le virus survit à l’air libre et sec, cela veut dire que le soleil a son influence sur ce virus. Il a évidemment peur du soleil, mais il faut que le milieu soit sec et asséché.
Pensez-vous que les autorités burkinabè font assez au niveau de la communication ?
Depuis le début de cette épidémie, le ministère de la Santé déploie tous les moyens pour communiquer et se rapprocher des populations pour qu’elles puissent avoir les informations essentielles. Au niveau des différentes chaînes de télévisions, il y a des messages clés et spots qui sont diffusés. Le ministère dispose également d’affiches, de dépliants, en somme, d’un ensemble d’instruments qui permettent de communiquer, de partager l’information et de sensibiliser tous ceux qui ne savent pas ce qu’est le Covid-19. Ces moyens sont disponibles et le ministère fait de son mieux pour se rapprocher davantage des populations et donner toutes les informations utiles. Nous échangeons régulièrement avec les organes de presse pour donner l’information et surtout rassurer. A l’étape actuelle, c’est de demander à la population de rester vraiment rassurée, sans paniquer. Des mesures sont prises pour éviter la propagation de la maladie dans notre pays et faire en sorte que tous les cas qui seront détectés, soient notifiés et puissent bénéficier d’un prélèvement rapide. Et le résultat du diagnostic est rendu en moins de douze heures puisque l’analyse se fait à Bobo-Dioulasso. Il faut six heures pour s’y rendre et quatre heures après, nous pouvons espérer entrer en possession du résultat qui nous permet de dire si X ou Y souffre de cette maladie, si vous avez été prélevé.
En terme de communication, on a parfois le sentiment que le monde médical se réserve face à cette situation. Qu’est-ce qui explique cela ?
Ce n’est pas de la réserve, mais plutôt de la prudence. Il ne faut pas paniquer la population et non plus donner des messages qui ne sont pas justes. Il faut partager l’information juste et que les gens sachent où aller chercher l’information. Qu’ils comprennent qu’il y a un canal de diffusion d’informations et des messages-clé. La direction de la communication travaille à cet effet. Il y a beaucoup de messages qui sont déjà partagés, d’informations qui sont données à l’ensemble des populations. Nous restons disponibles pour renforcer cette communication, faire en sorte que les gens aient toutes les mesures de protection et éviter que cette maladie se propage dans notre pays.
Qu’est-ce que vous aimeriez dire que nous n’avons pas pu aborder ?
Je voudrais vous remercier et profiter demander aux gens de ne pas paniquer. Des maladies comme le paludisme, des infections respiratoires tuent plus que le Covid-19 qui a un taux de létalité de 3%. Si nous observons les mesures de prévention, de contrôle de l’infection, il n’y a pas d’inquiétude. Nous le disons et le répétons, dans plus de 80% des cas, la maladie est bénigne. Il y a environ 10% qui vont nécessiter des soins et environ 3 à 5% qui sont des cas qui vont être graves et qui vont nécessiter des soins intensifs. C’est pour rassurer que ces 3 à 5% sont les cas les plus exposés et ont des facteurs de co-morbidité. Ce sont des personnes qui ont des anciennes maladies et qui sont âgées de plus de soixante ans et c’est sur ces maladies que le Covid-19 est venu se greffer. Pour ces personnes âgées qui sont rentrées des pays touchés, nous leur demandons de rester en étroite collaboration avec les agents de santé, de respecter les mesures d’auto-confinement, les mesures de transmission du relevé de températures à un rythme de deux fois par jour, de collaborer efficacement avec tous nos agents de santé, surtout ceux qui sont acquis à la surveillance et au suivi de leur santé, pour nous donner l’information à tout moment. Et surtout le lavage des mains au savon ou au gel hydro-alcoolique tout en évitant les accolades, les bises, les gestes de salutations abusives. Faisons en sorte que la maladie ne puisse pas se propager dans notre pays.
Propos recueillis par Antoine BATTIONO