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ENIEME ACCORD ENTRE SALVA KIIR ET RIEK MACHAR


 Les deux grands enfants grandiront-ils enfin ?

Les deux frères ennemis sud-soudanais, c’est-à-dire le président Salva Kiir et le chef de l’opposition armée, Riek Machar, ont signé un accord de paix, le mercredi 27 juin dernier, à Khartoum. L’accord prévoit un cessez-le-feu permanent, qui devrait entrer en vigueur dans les prochaines 72 heures.

Il s’accompagnera d’un désengagement militaire, de l’ouverture d’un couloir humanitaire et de la libération des prisonniers de guerre et de détenus politiques. En outre, le texte mentionne le déploiement de troupes régionales pour superviser le cessez-le-feu. Enfin, l’accord envisage la mise en place d’un gouvernement de transition dans les trois mois, qui devra gérer le pays jusqu’aux élections prévues dans trois ans. L’on peut d’abord saluer toutes les bonnes volontés qui ont œuvré pour que les deux frères ennemis puissent s’asseoir autour d’une même table pour se parler.

Pour une fois que Béchir met sa diplomatie au service de la bonne cause, il faut l’en féliciter

L’on peut d’autant plus leur tresser des lauriers que tout portait à croire que les ponts étaient définitivement rompus entre les deux hommes depuis que leurs troupes respectives s’étaient affrontées, on s’en souvient, à Juba et que Riek Machar avait choisi de prendre le chemin de l’exil pour sauver sa peau. Depuis lors, la légendaire haine viscérale que se vouent réciproquement Salva Kiir et Riek Machar s’est muée en une animosité à nulle autre pareille. Le simple fait qu’ils se retrouvent face à face relève d’un exploit, voire d’un miracle qu’il faut mettre à l’actif de l’Igad en particulier et de la communauté internationale en général. L’on peut se permettre aussi de louer le rôle déterminant joué par le sulfureux Omar el-Béchir pour renouer le fil du dialogue entre les deux hommes. Et l’histoire retiendra, au cas où les choses iraient dans le bon sens, que c’est Khartoum, capitale du Soudan, qui a servi de cadre à la signature de l’accord du 27 juin 2018. Pour l’une des rares fois que Béchir met sa diplomatie au service de la bonne cause, il faut avoir l’honnêteté de l’en féliciter, car il arrive que même le diable soit, par moments, bien inspiré.

Cela dit, l’on peut être sceptique quant aux chances de succès de l’accord de Khartoum. En effet, cet accord intervient après bien d’autres. Et de manière invariable, ils ont tous volé en éclats alors même que l’encre qui avait servi à les signer, n’avait pas encore séché. Il y a donc de quoi nourrir de la circonspection en ce qui concerne cet énième accord.

Autrement dit, l’on peut se poser la question de savoir ce que valent les signatures de ces deux grands enfants qui refusent obstinément de grandir. Cette image reflète véritablement la nature des deux hommes. En effet, pour assouvir leurs ambitions égoïstes, ils ont délibérément fait le choix de brûler le Soudan du Sud dès que celui-ci, avec la bénédiction des Etats-Unis, s’est affranchi du Soudan pour accéder à l’indépendance.

A peine a-t-on hissé, pour la première fois, le drapeau du nouvel Etat que Salva Kiir et Riek Machar ont révélé à la face du monde, leur vraie nature. Celle-ci est tout sauf une nature d’hommes d’Etat qui ont de grandes et nobles ambitions pour leur pays. De ce fait, ils ont mis le Soudan du Sud dans une situation chaotique au point que les populations, meurtries, ont vite et légitimement assimilé l’indépendance à un véritable enfer.

Le peuple du Soudan du Sud a déjà payé un lourd tribut aux excès de ces deux hommes

John Garang, qui a sacrifié sa vie pour que cette indépendance soit une réalité aujourd’hui et qui n’a malheureusement pas eu le temps d’encadrer les premiers pas du nouvel Etat, le destin voulant, doit être certainement en train de se retourner dans sa tombe du fait de l’irresponsabilité de Salva  Kiir et de Riek Machar. Et tout a été fait pour qu’ils aient un peu de pitié pour le pays et son peuple, en vain. Et pendant qu’ils rivalisent en termes de mauvaise foi et d’ego surdimensionnés, ils ont consciemment choisi d’instrumentaliser leurs ethnies respectives pour les accompagner dans leurs pulsions de destruction systématique du pays. Leurs divergences, loin d’être politiques et idéologiques, sont bassement fondées sur l’ethnie. De ce point de vue, l’on peut se demander s’il l’on peut trouver une solution politique à un problème de cette nature. En tout cas, l’accord que les deux hommes viennent de signer, est celui de la dernière chance. C’est pourquoi tout doit être fait pour obliger Salva  Kiir et Riek Machar à respecter, cette fois-ci, scrupuleusement leur signature. De ce point de vue, l’on peut déjà saluer à sa juste valeur, le fait que l’accord ait mentionné le déploiement de troupes régionales pour superviser le cessez-le-feu. Dans le même registre, l’on peut rendre hommage aux Nations unies pour avoir fait planer l’éventualité de sanctions sur les deux parties, au cas où elles travailleraient à torpiller le présent accord. L’on n’oublie pas les Etats-Unis qui, eux aussi, sont dans la même logique. Et tous ont raison de bander les muscles pour que ces deux grands enfants se décident enfin à grandir. Mais dans l’hypothèse où ils se délecteraient de demeurer dans le nanisme politique, la sagesse voudrait qu’on leur ôte toute possibilité de nuisance. Et le plus tôt serait le mieux. Car, le peuple du Soudan du Sud a déjà suffisamment payé un lourd tribut aux excès de ces deux hommes. Aujourd’hui, il a droit à un répit pour poser les jalons du développement ; toute chose qui donnerait un sens à l’indépendance. Si cela doit obligatoirement passer par la neutralisation de ces deux individus, le jeu en vaut la chandelle.

« Le Pays »


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