ETAT D’URGENCE A DIFFA AU NIGER : Niamey a pris la mesure du péril

Depuis  quelque temps, il ne se passe plus un jour sans que la presse ne fasse état d’exactions commises par la secte islamiste Boko Haram. Pas un jour où de pauvres citoyens ne subissent la fureur maléfique de ces illuminés. Boko Haram qui égorge à tour de bras, Boko Haram qui massacre aveuglément de paisibles citoyens, Boko Haram qui brûle sans distinction des églises et des mosquées, Boko Haram qui, depuis un certain temps, a réussi à repousser les limites de la bassesse et de l’inhumanité en droguant d’innocentes adolescentes, avant de les envoyer se faire exploser au milieu des foules. Il n’y a pas de doute que Boko Haram  mérite le trophée de l’ignominie et du dégoût.

Cependant, on peut dire aujourd’hui, sans risque de se tromper, que si la mollesse et  la couardise des soldats nigérians ont permis à la secte de faire une percée fulgurante dans ce pays au point que la simple évocation de son nom provoque frayeurs et débandade, tous les pays qui partagent une frontière commune avec le pays de Goodluck Jonathan n’entendent pas se laisser marcher sur les pieds, par un ramassis de fanatiques mal inspirés qui tuent plus par schizophrénie chronique que par souci de préserver un islam vertueux  et  authentique. Ainsi donc, après le Cameroun et le Tchad, le Niger a rejoint la coalition régionale pour apporter sa pierre à la lutte  contre la secte. Sur la même lancée, l’Etat nigérien a décrété  l’état d’urgence à Diffa, une localité située à la frontière avec le Nigeria et qui est dans l’œil du cyclone de la secte islamiste. Il convient de saluer la réaction des autorités de Niamey qui donnent déjà le ton de leur détermination à ne pas céder la moindre parcelle de leur territoire à Abubakar Shekau et ses  brigands. Bien vrai qu’il faut attendre encore quelque temps pour apprécier les résultats de cette mesure sur le terrain, mais d’ores et déjà, on peut dire qu’elle n’aura aucune  commune mesure avec  la lâcheté et l’insouciance des autorités nigérianes, qui ont servi de terreau au développement de Boko Haram. Toutefois, il faut craindre que cet état d’urgence qui vient d’être décrété, n’ouvre la porte à d’autres exactions tout aussi condamnables que celles des adeptes de Boko Haram. Décréter l’état d’urgence dans une zone signifie que l’armée reçoit les pleins pouvoirs pour agir de la  manière la plus efficace qui soit, afin d’enrayer toute situation jugée  anormale ou suspecte. Dans le cas de Diffa qui a déjà essuyé plusieurs attentats-suicides organisés par Boko Haram, il est clair que cette mesure  ne pouvait  pas mieux tomber.

On se demande comment combattre Boko Haram sans faire des victimes innocentes

Malheureusement, au regard de  la  psychose qui  règne déjà dans cette partie du Niger, on ne peut manquer d’éprouver quelques inquiétudes quant à la mise en œuvre de cette mesure sur le terrain. L’enjeu pourrait prendre le pas sur la raison et donner lieu à des actes de violence gratuits. L’état d’urgence autorise les forces de défense à opérer, à tout moment, de jour comme de nuit, des perquisitions dans les domiciles et même à des arrestations musclées en cas de résistance. Les jeunes de Diffa se sont par ailleurs organisés pour aider les forces de l’ordre, en dénonçant toutes les personnes jugées suspectes. Cette contribution peut s’avérer importante, dans la mesure où Diffa est une ville où le Haoussa est la langue la plus parlée. Or, les hommes de Boko Haram sont, dans leur grande majorité, des Haoussaphones. A commencer par le nom Boko Haram qui est en Haoussa. Mais cet avantage peut aussi avoir son revers de médaille, car des  personnes innocentes pourraient  faire les frais de dénonciations calomnieuses ou de brutalités en tous  genres.  L’état d’urgence ne fait pas bon ménage avec la démocratie. C’est pourquoi certains pays ont travaillé à trouver un compromis entre besoin de sécurité et respect des principes sacro-saints de la démocratie. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le dispositif Vigi pirate en France ou le Patriote act aux Etats-Unis de Barack Obama, dont l’efficacité dans la lutte contre le terrorisme n’est plus à démontrer, d’où l’adhésion sans réserve des populations qui en exigent souvent l’application. Malheureusement, dans le contexte africain, des abus peuvent à tout moment survenir, compte tenu d’une certaine propension à faire les choses dans la démesure. Cela dit, on se demande comment finalement arriver à combattre Boko Haram dans cette zone où elle compte sûrement des complices, sans faire des victimes innocentes. Cela est très difficile. La tâche ne sera facile, ni pour les forces de défense, ni pour les populations qui, gagnées par l’angoisse, commencent déjà à quitter la ville.  Il faut seulement espérer que les forces de sécurité sauront raison garder, que des cas d’abus, s’il s’en trouve, seront minimes et que les populations seront compréhensives. Dans tous les cas, il vaut toujours mieux avoir affaire aux hommes de Mahamadou Issoufou qu’à ceux de Abubakar Shekau.

Dieudonné MAKIENI