FESPACO 2019 : La 26e édition lancée sous haute sécurité
La cérémonie officielle d’ouverture de la 26e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) coïncidant avec le cinquantenaire de la biennale, a eu lieu le 23 février 2019 dans la cuvette du stade municipal Issoufou Joseph Conombo de Ouagadougou. Pour la circonstance, les petits plats ont été mis dans les grands pour offrir une cérémonie très riche en couleurs. Le clap de départ a été donné par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, en présence d’illustres invités dont le président de la commission de l’Union africaine (UA), Moussa Mahatma Faki.
La succession du franco-sénégalais, Alain Comis, lauréat de l’Etalon d’or de Yennenga au FESPACO 2017, est désormais ouverte. En effet, le clap de départ a été donné le 23 février dernier par le président du Faso himself, Roch Marc Christian Kaboré. Jusqu’au 2 mars prochain donc, tous les projecteurs seront braqués sur Ouagadougou, capitale du pays des Hommes intègres, à la faveur de cette 26e édition du FESPACO, placée sous le thème : « Mémoire et avenir des cinémas africains ». En tout cas, c’est une ouverture digne d’un festival cinquantenaire, qui a été servie aux festivaliers venus des quatre coins du monde. Prestations d’artistes, chant de l’hymne national, parades à cheval, projection de la toute première cérémonie d’ouverture et de clôture en 1969, hommages aux pionniers, aux cinéastes disparus, allocutions, feux d’artifice, sont, entre autres, les moments forts qui ont tenu le public en haleine durant toute la cérémonie qui a enregistré la présence d’éminentes personnalités dont les ministres de la Culture du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Cameroun, de l’Algérie et d’Afrique du Sud. C’est à 17h 5mn que le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, fit son entrée dans l’enceinte du stade à bord d’un véhicule de commandement, en compagnie de la pionnière Alimata Salambéré, première présidente du comité national d’organisation du FESPACO en 1969. Ils font le tour du stade en prenant un bain de foule avant de rejoindre leurs places. C’est un dispositif sécuritaire impressionnant qui a été mis en place, contexte sécuritaire oblige. De l’intérieur à l’extérieur en passant par les immeubles se trouvant autour du stade, les forces de défense et de sécurité étaient fortement présentes, armes en bandoulières ou au poing.
Des boys armés jusqu’aux dents
C’est vrai que le risque zéro n’existe pas en matière de sécurité, mais plus d’un festivalier se sentait sécurisé au regard du nombre d’agents et des moyens déployés. Outre les boys armés jusqu’aux dents, quelques hauts gradés des différents corps étaient à l’intérieur du stade pour veiller au grain. Le chef de l’Etat a remercié tous ceux qui ont fait le déplacement de Ouagadougou, malgré le contexte sécuritaire difficile. Pour lui, cela est un témoignage de la solidarité envers le peuple burkinabè. Qu’à cela ne tienne, le Burkina Faso est et sera toujours présent à l’heure des grands rendez-vous, foi de Roch Marc Christian Kaboré qui a assuré que toutes les dispositions ont été prises pour que la fête soit belle. A son avis, le cinéma peut jouer un rôle inestimable dans la promotion du vivre-ensemble.
« Cinquantenaire, le FESPACO l’est résolument, panafricain, le FESPACO l’est assurément, multidimensionnel, le FESPACO l’est naturellement », a indiqué le ministre de la Culture, des arts et du tourisme du Burkina, Abdoul Karim Sango. Pour ce dernier, le festival n’aurait jamais atteint ce niveau de rayonnement international sans un engagement politique fort. C’est pourquoi il a rendu un vibrant hommage aux différents chefs d’Etat qui se sont succédé et témoigné la reconnaissance de la Nation au président Aboubacar Sangoulé Lamizana, patron de la 1re édition tenue du 1er au 15 février 1969, qui a fait confiance aux porteurs du FESPACO. Aussi a-t-il fait un clin d’œil aux partenaires techniques et financiers qui accompagnent le festival depuis sa création.
« Le Burkina restera debout»
Selon le ministre Sango, « le contexte sécuritaire dans certains de nos pays interpelle sur l’apport réel de la culture dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent ». De son point de vue, il est plus que nécessaire que la puissance de l’image soit véhiculée à travers les écrans pour magnifier les idéaux et les valeurs des peuples. ‘’Avec les FDS et chacun de nous, le Burkina restera debout’’, a soutenu le ministre Sango qui s’est réjoui de la présence de ses collègues des pays sus-cités. Selon le patron de la culture burkinabè, la capitalisation des acquis fait partie des priorités de son département. Il n’a pas occulté les défis à relever, notamment la réhabilitation des salles de cinéma qui se meurent et la formation des acteurs culturels.
Le maire de Ouagadougou dont la commune abrite l’évènement, Armand Roland Pierre Béouindé, a, pour sa part, souhaité la bienvenue à tous les festivaliers avant de rendre un hommage particulier à feu Aboubakar Sangoulé Lamizana, président de la Haute-Volta, « qui a courageusement autorisé la nationalisation et la distribution de l’exploitation cinématographique ». Il a également rendu un vibrant hommage aux délégués généraux qui se sont succédé à la tête du FESPACO ainsi qu’aux cinéastes africains présents ou disparus, pour leurs apports inestimables qui ont fait du festival ce qu’il est aujourd’hui. Il a dit être convaincu que durant les cinq décennies de son existence, « le bon cinéma africain a pris racine dans tous les pays participants au festival, en montrant les images qui correspondent aux réalités de notre continent ». « Merci d’avoir montré l’Afrique, vue et filmée par les Africains », a-t-il lancé à l’endroit des acteurs du 7e art. « Je suis particulièrement émue d’être là aujourd’hui. Premièrement parce que c’est une chance extraordinaire d’avoir aidé à mettre le FESPACO au monde et de le voir souffler sa 50e bougie », a d’entrée de jeu déclaré la toute première présidente du comité d’organisation du FESPACO en 1969, Alimata Salembéré qui s’est par ailleurs réjouie du choix du Rwanda comme pays invité d’honneur du 26e FESPACO. « Je me bats depuis un certain nombre d’années pour que les cultures africaines soient reconnues et valorisées et, aujourd’hui, notre invité d’honneur est le Rwanda, pays de l’héritage culturel », a-t-elle dit avant de rendre aussi hommage à tous les artisans du festival. Le président du comité national d’organisation de la 26e édition du FESPACO, Yacouba Traoré, a lui aussi embouché la même trompette en lançant ce proverbe : « A chaque fois que l’occasion nous est donnée de boire l’eau d’un puits, il y a lieu d’avoir une pensée pour ceux-là qui l’ont creusé ». Tout en s’excusant pour les éventuelles imperfections, il a rassuré que les petits plats ont été mis dans les grands pour une biennale réussie. Pour l’ambassadeur du Rwanda au Burkina et chef de la délégation de son pays, Stanislas Kamanzi, participer à ce cinquantenaire en tant que pays invité d’honneur « offre une opportunité sans précédent d’ouvrir nos horizons vers les professionnels et organisations panafricaines internationales versés dans la promotion et la valorisation de la culture, en général, et du cinéma en particulier ». A son avis, ce cinquantenaire est une tribune idéale pour le Rwanda de partager avec les autres pays son savoir-faire sur le plan culturel mais aussi de s’enrichir des bonnes pratiques des autres en la matière. Il n’a pas manqué de traduire les félicitations du président Paul Kagame à son homologue burkinabè. Quant au président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Mahamat Faki, il a salué la qualité de l’accueil dont sa délégation et lui ont bénéficié. Aux cinéastes, il a indiqué qu’en réponse à leurs doléances, une commission africaine de l’audiovisuel et du cinéma a été créée à l’issue du récent sommet conclu à Addis-Abeba. « Celle-ci doit, sans tarder, s’atteler à la mise en œuvre du fonds africain pour le cinéma et l’audiovisuel. J’exhorte les Etats membres de notre union à signer et à ratifier le statut de cette commission dans les plus brefs délais », a-t-il laissé entendre. Et d’ajouter que le prix spécial UA institué dans le cadre du partenariat noué en 2012, sera décerné au cours de cette édition. Sur toutes les lèvres, des hommages ont été rendus aux pionniers du 7e art, en particulier à Idrissa Ouédraogo et Missa Hébié, tous deux décédés en 2018. Les artistes ayant presté dont Imilo Lechanceux, Dez Altino, Magic System, etc, ont aussi magnifié le FESPACO.
Dabadi ZOUMBARA et Colette DRABO
Propos de festivaliers
Roch Sanni Orou, directeur de cabinet de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication du Bénin
« Tout était bien organisé »
« Tout était bien organisé, c’était très beau avec les feux d’artifice symbolisant le 50e anniversaire du FESPACO. A mon avis, le FESPACO évolue positivement dans la mesure où avant, cette manifestation se déroulait au Stade du 4-Août et c’était plus majestueux. Mais la situation nationale et régionale qui prévaut, donne l’impression d’une cérémonie moins grandiose que ce que j’ai vu jusque-là ».
Kadiatou Konaté, réalisatrice malienne
« Il faut que tous les cinéastes africains soient derrière ce festival »
« Je n’ai que de bonnes impressions parce qu’il y a eu des changements et on espère que ce sont des choses qui vont aboutir. La Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI) avait, en 2006, demandé un siège en Afrique du Sud au niveau de l’UA, ce qui nous avait été accordé. Dès lors, les chefs d’Etat avaient pris la décision de contribuer financièrement, chacun dans chaque pays. Mais la présence du président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki avec ce qu’il a laissé entendre qui est qu’ils seront mieux organisés et la cagnotte sera équitable pour tous les pays, me rassure. Cela est très important pour moi et je crois que je ne suis pas venue à ce cinquantenaire pour rien. Depuis 1989, je prends part aux éditions du FESPACO. J’ai présenté des films en compétition et j’ai été lauréate. J’ai été six fois membre du jury, deux fois présidente de jury jusqu’au jury officiel télé vidéo. Cela pour dire que ce festival est très important et il faut qu’il se tienne. Il faut que tous les cinéastes africains soient derrière ce festival, que ce ne soit pas l’affaire du seul Burkina »
Davide Grosso du Conseil international de la musique, une organisation internationale basée à l’UNESCO à Paris
« Nous étions super bien sécurisés »
« C’est ma toute première fois de participer à une édition du FESPACO et je pense que Ouagadougou est une superbe ville. Il y a une effervescence culturelle qui est assez spéciale en Afrique de l’Ouest. Je ne m’attendais pas à tout cela à la cérémonie d’ouverture mais c’était magnifique, très bien organisé, et nous étions super bien sécurisés. Je suis présent à Ouagadougou dans le cadre d’un projet appelé culture work Africa pour lequel on a financé de petits projets en Afrique dont au Burkina et on est présent dans le cadre du FESPACO. Je suis très content d’être là. Nous avons initié une série d’évènements à la mairie, autour du dialogue interculturel comme le cinéma, les arts visuels, la musique ».
Léila Tall, artiste-comédienne burkinabè
« Les hommages aux disparus m’ont donné des frissons »
« La cérémonie d’ouverture a été très émouvante pour moi parce que le FESPACO a 50 ans, tout comme moi. Les hommages aux disparus m’ont donné des frissons. J’avoue que j’ai beaucoup apprécié tout ce qui a été fait ».
Propos recueillis par DZ et CD