HomeA la uneKATINAN JUSTIN KONE, PORTE-PAROLE DU PPA-COTE D’IVOIRE  

KATINAN JUSTIN KONE, PORTE-PAROLE DU PPA-COTE D’IVOIRE  


Il est le porte-parole du président Laurent Gbagbo. Lui, c’est Katinan Justin Koné, rentré d’un exil de 10 ans au Ghana. Fidèle parmi les fidèles de l’ancien président ivoirien, l’homme est aujourd’hui l’un des cadres du Parti des peuples africains (PPA-Côte d’Ivoire). Il était à Ouagadougou, à l’occasion du congrès ayant consacré la naissance de l’Union pour la renaissance/Mouvement patriotique sankariste (UNIR/MPS). Nous l’avons rencontré à son hôtel le 31 octobre dernier.  

 

« Le Pays » : De façon succincte, quel enseignement tirez-vous de votre parcours auprès de Laurent Gbagbo ?

 

Katinan Justin Koné : J’avoue que cela a été une très bonne école pour moi, à la fois politique et dans la vie courante.

 

Retenez-vous les avantages acquis ou autre chose ?

 

Ce n’est pas une question d’avantages. Si on fait un bilan en terme matériel, je peux dire que ce parcours m’a fait beaucoup perdre. Cela m’a notamment coûté la liberté car j’ai fait notamment la prison. J’avais des mandats partout contre moi depuis 2011. J’ai été condamné en Côte d’Ivoire, à 20 ans de prison. Ma vie de famille a été très difficile. Donc, si nous regardons la question sous l’angle du bien-être, on pourrait alors dire que j’ai beaucoup perdu. Mais quand je fais le bilan en termes de formation, de compréhension de la vie et d’expérience pour mon peuple, je pense que le bilan est largement positif.

 

Vous êtes là pour participer au congrès des sankaristes. A ce que l’on sache, PPA-Côte d’Ivoire n’est pas un parti sankariste. Pourquoi alors votre présence à ce congrès ?

 

On n’est pas sankariste par attachement à la personne mais nous partageons la même vision que les sankaristes. C’est le panafricanisme, l’unité dans l’action au niveau de l’Afrique. C’est la seule chose qui nous permet aujourd’hui de pouvoir avancer. Nous partageons donc la même vision, nous sommes tous des partis de gauche et progressistes. Nous sommes tous attachés à la liberté des peuples africains.

 

Au-delà des partis politiques, y a-t-il une relation particulière entre les président Laurent Gbagbo et Me Bénéwendé Sankara ?

 

Il y a quelque chose de très important qu’il faut relever. Au pic de la crise de 2011 en Côte d’Ivoire, alors que tous s’étaient quasiment ligués contre nous, contre le président Laurent Gbagbo, Me Sankara a été l’un des rares hommes politiques du Burkina Faso, qui a reconnu la victoire du président Laurent Gbagbo. En 2011, il fallait le faire. Ce sont des éléments qui nous marquent et qui donnent la dimension du courage de l’homme. Et il n’a pas usurpé son titre de sankariste. Je le dis, Me Sankara a été l’un des rares à s’être positionné officiellement et qui a reconnu la victoire de Laurent Gbagbo.

 

Que pouvez-vous tirer comme avantage des relations entre PPA-Côte d’Ivoire et l’UNIR/MPS ?

 

Le premier avantage est que je suis là et l’un des journaux les plus lus du Burkina Faso (« Le Pays », ndlr), s’entretient avec moi. C’est une opportunité pour nous. Mais les avantages dans le long terme, sont énormes. Le président Laurent Gbagbo ambitionne de fédérer les partis progressistes résolument engagés dans la gauche africaine autour du panafricanisme. Et nous trouvons un écho favorable auprès des mouvements sankaristes. Sur ce plan, vous comprenez qu’un parti sankariste fort nous rendra également forts. C’est pourquoi nous suivons avec intérêt la convergence de plusieurs mouvements vers les partis sankaristes.  

 

D’aucuns estiment que PPA-Côte d’Ivoire, en adoptant cette posture panafricaine, tente de faire  oublier le rôle de ses cadres dans l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Que leur répondez-vous ?

 

Je crois qu’il faut faire la part des choses entre la réalité et l’image qu’on a essayé de nous coller. Ce sont deux choses différentes. Nous avons toujours été un parti de gauche et nous avons toujours été un parti ouvert. Les gens ont tendance à oublier cela. Nos adversaires et nos ennemis ont voulu nous coller une étiquette qui ne correspond pas à la réalité. Je vais vous donner des faits bien précis. La carte de séjour a été introduite en Côte d’Ivoire par l’actuel chef de l’Etat, Monsieur Alassane Dramane Ouattara et ce, dans la logique de tous les Etats. Les Etats africains, surtout ceux qui n’ont pas les moyens de production et dont l’économie bat de l’aile, transforment leurs citoyens en des serres, en des objets de taxes. C’est la réalité partout. Dans la pandémie de la Covid-19, c’est exactement le même système qui est appliqué. C’est-à-dire que ce sont des opportunités pour transformer les êtres humains en matières imposables. Et Ouattara dont la mission était d’aider la Côte d’Ivoire à rembourser sa dette au FMI et à la Banque mondiale, est venu regarder le nombre d’étrangers qu’il y avait en Côte d’Ivoire et a fait un calcul simple monétaire avant d’introduire la carte de séjour. Et ce, sans tenir compte du contexte historique de la Côte d’Ivoire, de la complexité des rapports que la Côte d’Ivoire entretient avec ses voisins, sans tenir compte de certaines données sociologiques. Sa vision était purement monétaire. Et dans les batailles politiques qui en ont suivi, les gens s’en sont servis. Les gens doivent retenir que celui qui a supprimé cette taxe, c’est Laurent Gbagbo. Et il ne s’est pas arrêté là. C’est lui qui a milité pour que le Port autonome d’Abidjan puisse ouvrir son capital au Mali et au Burkina Faso pour que ces pays deviennent des partenaires et non de simples clients. Aujourd’hui, les rencontres dans le cadre du TAC, c’est Laurent Gbagbo qui en est initiateur. Et donc, personne ne peut faire le procès de l’anti-panafricanisme à Laurent Gbagbo. Ce président dont on parle n’a eu le temps pour diriger la Côte d’Ivoire, selon ses volontés et sa vision, que pendant 18 mois. Après 2003, le président Laurent Gbagbo n’avait plus un gouvernement qui lui appartenait. Tous les gouvernements lui avaient été imposés.

 

Selon vous, Laurent Gbagbo n’est donc pas le diable comme certains de ses contempteurs le présentent ?

 

Il ne peut même pas être le diable parce que le diable, on l’aime pour un temps, pour des œuvres immédiates. Mais quand on aime quelqu’un comme les gens aiment le président Gbagbo, pendant des années et jusqu’en prison, il ne peut pas être le diable.

 

D’aucuns disent que vous êtes obsédés par un « match retour » contre le pouvoir en place en Côte d’Ivoire. Qu’en dites-vous ?

 

Nous ne sommes pas dans une logique de match-retour car la notion de mach-retour renvoie à la question de vengeance ou de revanche. Nous sommes d’abord dans la logique qu’il faut créer les conditions de paix et de réconciliation en Côte d’Ivoire. Et tout ce que nous faisons, y compris en créant notre parti, c’est de participer à cela. Je voudrais vraiment rassurer les uns et les autres : le président Laurent Gbagbo n’est pas dans une logique de match- retour mais nous entendons défendre ses droits à participer à la vie politique dans notre pays, selon ses propres volontés, sa détermination, sans que personne ne l’oblige à faire autre chose.

 

Pourquoi Simone Gbagbo ne fait-elle pas partie du PPA-Côte d’Ivoire ?

 

Pour le moment, elle a décliné l’offre. Notre camarade Simone, estimant que certaines procédures n’ont pas été respectées à son égard, n’a pas voulu nous suivre. Mais, pour nous, ce n’est qu’une situation de circonstance. Connaissant son parcours politique, sa vision et son orientation politiques, je ne la vois nulle part ailleurs qu’avec nous. Elle estime qu’elle n’a pas été suffisamment prise en compte dans le processus de création du PPA-Côte d’Ivoire. C’est une opinion que nous respectons. Nous continuons notre marche en lui disant que les portes lui restent totalement ouvertes.

 

« Pascal Affi N’Guessan à qui il avait confié la direction du parti, a pris une autre voie et cette voie ne convenait pas aux militants »

 

Ne pensez-vous pas qu’elle a raison de se plaindre au regard du combat politique qu’elle a mené toute sa vie durant aux côtés de Laurent Gbagbo ?

 

Si telle était sa situation, elle ne serait pas restée dehors pour poser le problème. Au regard du respect que nous lui devons, elle aurait pu poser le problème au sein de la structure. Pour dire vrai, dans la tradition africaine, quand quelqu’un vous dit qu’il n’est pas content, d’emblée, on n’a pas à lui dire qu’il a tort. Car, on ne connait pas le fond du problème, on lui accorde le bénéfice de la raison. Mais aujourd’hui, je ne suis pas capable de dire pour quelle raison elle dit qu’elle n’est pas contente.

 

Tout cela est peut-être lié à son problème de couple, notamment son divorce avec le président Gbagbo !

 

Pour être la personne qui nous a formés politiquement, elle a suffisamment, je pense, d’énergie pour faire la part des choses entre l’institution maritale et l’institution politique. Je ne crois pas qu’ils (Simone et Laurent) fussent liés par intérêt parce que si c’était par intérêt politique, alors on pourrait comprendre qu’elle se fâche du fait que sa séparation au niveau du couple, puisse jouer sur ses intérêts politiques. Si c’était sa position, j’aurais du mal à la reconnaitre parce que ce n’est pas ce qu’elle nous a montré dans la formation qu’elle nous a inculquée.

 

Ne pensez-vous pas que perdre Simone Gbagbo, c’est perdre une bonne partie de l’électorat en Côte d’Ivoire ?

 

Nous ne sommes pas encore allés aux élections et donc, je ne peux pas préjuger de son impact sur les résultats. Je préfère ne pas faire de spéculations sur la question. Nous avons un programme et un projet de société qui correspondent à ce que cette dame nous a appris. Je ne vois pas comment et pourquoi elle peut se retrouver ailleurs.

 

Quel intérêt a le président Laurent Gbagbo à abandonner le FPI pour créer le PPA-Côte d’Ivoire ?

 

Depuis l’emprisonnement du président, le parti avait complètement perdu son orientation politique. On ne reconnaissait plus notre parti. Celui (Pascal Affi N’Guessan, ndlr) à qui il avait confié la direction du parti, a pris une autre voie et cette voie ne convenait pas aux militants. Des militants et non des moindres ont été emprisonnés sur action de Affi N’Guessan. Dans un parti politique, quand vous en arrivez là, les choses deviennent difficiles. Malgré tout, on a essayé, par tous les moyens, de sauver le parti mais en vain.  Quand le président Gbagbo est arrivé, voyant l’ampleur de la tâche, il s’est rendu compte que si nous devons tenter de régler les petites querelles à l’intérieur, 2025 nous trouvera sans que les problèmes ne trouvent solution. Mieux vaut donc faire une nouvelle offre politique et ceux qui sont avec lui, viendront. Et ceux qui ne sont pas avec lui, resteront. Voici la raison fondamentale. Il y avait suffisamment de chevaux de Troie au sein de notre parti et il était difficile de séparer le vrai de l’ivraie.

 

« J’ai écrit pour dire que je n’étais pas d’accord que Blaise Compaoré soit en Côte d’Ivoire et Laurent Gbagbo hors de la Côte d’Ivoire »

 

Comment entrevoyez-vous l’avenir de PPA-Côte d’Ivoire ?

 

Avec beaucoup d’optimisme. Quand on voit l’engouement des personnes qui veulent y adhérer, sur les jeunes cadres, quand je vois l’ouverture totale faite à la jeunesse, il y a beaucoup de bonnes promesses. Il y a aussi le fait que le président Gbagbo lui-même constitue une source d’attraction politique énorme. Nous avons toutes les raisons d’affirmer que l’avenir s’annonce très prometteur pour nous.

 

Certains observateurs pensent qu’il faut le départ, de la scène politique ivoirienne, des trois dinosaures, Ouattara, Bédié et Gbagbo, au profit d’une nouvelle génération, pour que le pays retrouve la paix. Qu’en pensez-vous ?

 

C’est une erreur politique et c’est une erreur d’analyse politique. C’est une analyse trompeuse et à la limite parfois démagogique. La politique, ce n’est pas de la science-fiction. Tant que Laurent Gbagbo ne me dit pas, toi Koné Katinan, prends le parti et dirige-le, si j’essaie, je n’y arriverai pas parce que je n’ai pas son aura. Pour arriver là, il lui a fallu 50 ans de sa vie. C’est la même chose pour Ouattara et Bédié. Ceux qui pensent que par décret, on peut demander leur départ et obtenir de la sorte, la paix, se trompent.  Ce que nous pouvons leur dire, c’est qu’ils ont une responsabilité historique par rapport à la Côte d’Ivoire. On leur laisse le temps et l’opportunité de s’asseoir ensemble pour purifier ce qu’ils doivent laisser pour la nouvelle génération. Je le dis honnêtement. Dans tous les cas, quand vous regardez le comportement de ceux qu’on appelle la jeune garde, vous convenez que le renouvellement n’est pas parfois un problème d’âge. C’est un problème d’esprit.

 

Que pensez-vous de la présence de Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire ?

 

Pour moi, c’est une grosse injustice. J’ai écrit pour dire que je n’étais pas d’accord que Blaise Compaoré soit en Côte d’Ivoire et Laurent Gbagbo hors de la Côte d’Ivoire. N’empêche que moi aussi, j’ai été un exilé et donc, je ne peux pas être contre l’exil de quelqu’un. Il y a ce sentiment de solidarité que j’ai vis-à-vis d’un exilé mais ce que je ne pouvais pas admettre, c’est que Blaise Compaoré, sachant le rôle qu’il a joué dans la chute du président Laurent Gbagbo, se retrouve en Côte d’Ivoire pendant que Gbabgo est ailleurs. C’était choquant. Aujourd’hui, Gbagbo étant rentré, avec cette victoire acquise à la CPI, certaines ardeurs diminuent. Je suis d’accord que Blaise réponde à la justice mais je ne peux pas oublier que j’ai été aussi un exilé et que j’ai été jugé par mon pays. J’ai donc le devoir de comprendre l’état d’esprit de Blaise Compaoré, même si je ne l’aime pas et que je ne suis pas d’accord avec ce qu’il a fait dans l’affaire Thomas Sankara.

 

Qu’avez-vous à dire aux Burkinabè et aux Ivoriens qui connaissent une période de troubles liés au terrorisme ?

 

Je voudrais dire aux Burkinabè et aux Ivoiriens que le destin a voulu que nous soyons voisins. Quand les attaques terroristes ont commencé au Mali, certainement les Burkinabè ont considéré que c’était une affaire malienne. Les terroristes ont traversé la frontière pour entrer au Burkina et les Ivoiriens disaient que ça n’arriverait pas chez eux. Aujourd’hui, il y a des attaques en Côte d’Ivoire. L’offre politique de Laurent Gbagbo aux Ivoiriens et aux Burkinabè, consiste à dire que l’adversité est telle que nous devons nous mettre ensemble pour y faire face avec succès. On n’y arrivera pas seul. L’erreur, c’est si nous gardons nos pays actuels dans la division.

 

 

Propos recueillis par Michel NANA

 


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