HomeA la uneL’AFRIQUE ET LE CENTENAIRE DE LA FIN DE LA PREMIERE GUERRE MONDIALE

L’AFRIQUE ET LE CENTENAIRE DE LA FIN DE LA PREMIERE GUERRE MONDIALE


 La grande hypocrisie !

Des dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement ont été conviés, hier 11 novembre 2018, en France par Emmanuel Macron, pour commémorer le centième anniversaire de la signature de l’Armistice ayant mis fin à la Première guerre mondiale. Lors de cet événement majeur qui a regroupé les pays belligérants lors de cette «Grande guerre », la mémoire a fait place-nette à l’histoire, puisqu’il n’y a plus aucun survivant pour témoigner des atrocités et des absurdités d’un conflit au cours duquel quasiment tous les pays d’Europe se sont mutuellement affrontés, avant que la folie meurtrière ne déborde sur les autres continents.  Il fallait, en effet, pour les pays alliés, battre l’ennemi commun qu’était l’Allemagne, non seulement sur le sol européen, mais aussi ailleurs comme en Afrique où ce pays pouvait avoir de l’influence à travers ses colonies du Togo, du Cameroun et de la Tanzanie.

Il n’y a pas eu de retour d’ascenseur de la part des pays colonisateurs

C’est ainsi que le continent noir fut entraîné dans cette barbarie européenne en fournissant aux Français et aux Britanniques notamment, près de deux millions de combattants et de porteurs dont trois cent mille environ périront dans les tranchées ou dans le froid de canard de l’hiver 1917. A ces chiffres macabres, il faut ajouter les centaines de milliers de civils nègres qui ont été massacrés dans les combats pour le contrôle des colonies allemandes en Afrique, le pillage systématique des ressources naturelles du continent et la déportation de dizaines de milliers de Magrébins (Algériens et Marocains) vers la France pour remplacer les ouvriers français déployés sur les différents fronts. Cette « sale guerre » dont on a célébré hier le centième anniversaire de l’épilogue, aura donc été particulièrement dévastatrice pour l’Afrique sur tous les plans, puisqu’il n’y a pas eu de retour d’ascenseur de la part des pays colonisateurs en guise de reconnaissance vis-à-vis du continent qui a pourtant joué un rôle plus que déterminant dans la libération de la France et de l’Europe, de la domination et du suprématisme allemands.  En lieu et place du droit à l’autodétermination des Africains auquel on pouvait s’attendre à la fin de la guerre, c’est plutôt des nouvelles frontières coloniales qui furent redessinées avec de nouveaux dispositifs mis en place pour mieux piller les ressources humaines et naturelles du continent. C’est de la même manière qu’ils vont encore se jouer de l’Afrique dans la seconde Guerre mondiale en contraignant les Africains à participer à l’effort de guerre à travers leurs matières premières, et à servir de chair à canon ou de boucliers humains aux troupes françaises et britanniques notamment, face aux impitoyables soldats allemands. On se souviendra encore pendant longtemps de cette sanglante bataille à l’entrée Nord de la ville française de Lyon, bataille au cours de laquelle les tirailleurs sénégalais du 25è régiment ont été envoyés en gibier pour défendre la ville contre les hordes hitlériennes qui n’ont pas fait dans la dentelle en massacrant plus de 2000 soldats africains sous-entraînés et sous équipés. Et qu’a-t-on fait de ces libérateurs de la France, venus d’outre-mer ? Eh bien, les vainqueurs de cette seconde Guerre mondiale et notamment la France ont voulu une nouvelle fois ignorer royalement leur contribution dans la deuxième défaite consécutive de l’Allemagne nazie dans ses velléités expansionnistes, en les regroupant et en les rapatriant sans soldes et sans hommages une fois la guerre quasiment terminée.

Les formules fleuries et les flonflons cocardiers sur l’indépendance totale des pays francophones, ne visent qu’à amuser la galerie

Et comble de l’humiliation, on leur avait retiré les tenues qu’ils portaient et qui faisaient d’eux des soldats français, pour les troquer contre des chemises et culottes kaki, avec des chéchias rouges à pompon pour mieux matérialiser leur africanité. Ce manque d’égards qui confine à de l’ingratitude, a naturellement suscité des ressentiments surtout que ça se passait à Thiaroye, sur le sol africain du Sénégal, et il n’en fallait pas davantage pour dresser ces « anciens combattants » contre le Général français qui commandait le camp, qu’ils ont d’abord pris en otage avant de le libérer par naïveté suite à ses promesses de réparer les torts. La suite, on la connaît, les soldats mutins ont été massacrés sans état d’âme, comme on l’a fait partout ailleurs où les revenants de la guerre (au propre comme au figuré) avaient osé s’élever contre le mépris et l’outrecuidance des colonisateurs à leur égard. Mais avec tout ce qu’ils ont enduré et vécu auprès de leurs frères d’armes blancs et français notamment qui sont aussi des mortels contrairement à ce qu’ils pensaient, les héros africains des deux guerres mondiales n’accepteront plus de jouer le rôle de dindon de la farce. Beaucoup d’entre eux vont s’organiser et mobiliser leurs compatriotes pour se libérer du joug colonial comme ce fut le cas de l’Algérie et de certains pays de l’Afrique noire qui ont fini par obtenir leur indépendance après des guerres meurtrières contre les impérialistes et leurs valets locaux. Bien que beaucoup d’eau ait coulé depuis lors sous les ponts dans les relations entre certains pays qui se sont retrouvés à Paris pour ce centième anniversaire de la «Grande guerre», avec notamment l’indépendance formelle de toutes les colonies et la démocratie factice qui leur est imposée, il faut reconnaître que le lien ombilical entre notamment la France et ses anciennes colonies, peine à être rompu, puisqu’il y va manifestement de la survie de la France en tant que puissance économique et diplomatique. En termes clairs, les formules fleuries et les flonflons cocardiers sur l’indépendance totale des pays francophones, ne visent qu’à amuser la galerie, car tout le monde sait que la France a besoin d’avoir des sous-fifres à la tête de nos Etats pour continuer à avoir une voix qui compte dans le concert des nations, même s’il faut pour cela soutenir les dictatures les plus effroyables.  Le mythique Charles  De Gaulle avait prévenu, « la France n’a pas d’amis, elle n’a que ses intérêts », et c’est certainement au nom de ces intérêts qu’elle a invité des dictateurs de la trempe de Sassou Nguesso, Paul Biya et  Idriss Déby, entre autres, tout en donnant l’impression de mettre en relief le rôle éminemment positif de l’Afrique dans la Première Guerre mondiale et dont le monde entier  s’emploie à perpétuer le souvenir. Heureusement que tout le monde n’est pas dupe, et l’association « Survie » ne demande ni plus ni moins que la fin de cette grande hypocrisie qui consiste à faire le contraire des discours officiels débités à l’attention des crédules et des fripons, sur la volonté ferme de la France d’aider l’Afrique à sortir du sous-développement et des systèmes politiques dictatoriaux qui survivent dans de nombreux pays, avec paradoxalement la bénédiction de la France. Et ce n’est pas un centième anniversaire, aussi symbolique et solennel soit-il, qui modifiera  fondamentalement les paramètres du paternalisme et de la condescendance de la France métropolitaine vis-à-vis de son pré-carré, et c’est vraiment bien dommage pour tous ces Africains de la nouvelle génération qui ne demandent qu’à jouir de plus d’espace de liberté pour laisser éclore leurs talents et leur expertise qui propulseront à coup sûr le continent africain sur les chemins du développement.

« Le Pays »


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