HomeA la uneMADAGASCAR : Eviter de REPLONGER L’Ile dans la violence

MADAGASCAR : Eviter de REPLONGER L’Ile dans la violence


 

Il aura fallu de peu pour qu’il se noie. Mais il se sera agrippé, de justesse, à la  bouée de sauvetage de la HCC (Haute Cour constitutionnelle), échappant ainsi à la gigantesque houle de l’impeachment qui se profilait. La HCC vient, en effet, de rejeter la demande de déchéance du président de  Madagascar.  Celle-ci avait été votée, le mois dernier, par les députés.   Pour rappel, les parlementaires frondeurs reprochaient  au président Hery Rajaonarimampianina d’avoir, à plusieurs reprises, violenté la Constitution de son pays.  Sur le principe, on peut se féliciter de leur coup de sang. Car, en cela, ils viennent de poser un acte d’une haute portée dans l’avancée de la démocratie sur la Grande Ile.  Ces députés peuvent, en tout cas, être fiers d’avoir montré que l’Hémicycle malgache est loin d’être une caisse de résonnance de l’Exécutif, comme on le voit malheureusement très souvent en Afrique. Et que leur parlement peut  recadrer  tout chef d’Etat qui s’aventurerait à s’écarter de l’orthodoxie en matière de gouvernance politique. En cela, leur acte  est d’une grande valeur pédagogique. De fait, le président malgache qui aura ainsi vu passer le vent du boulet, est désormais bien instruit pour savoir là où il doit  poser les pieds, au risque  de sauter sur une mine.   Enfin,   cette tentative d’impeachment a aussi valeur de mise en garde pour les successeurs de Hery. Et c’est tant mieux pour la démocratie.   Bien sûr, si l’on en est arrivé à cette situation qui a valu à Hery d’avoir des sueurs froides, c’est aussi grâce à la nature du régime parlementaire de la Grande Ile.  Visiblement, celui-ci n’a pas que des inconvénients, bien au contraire. Car,   toute personne qui désirerait briguer la magistrature suprême, sait désormais  à quoi s’en tenir. Il sait qu’il n’aura pas droit à l’erreur ; qu’il risque gros en cas de graves manquements.

Cela dit, on peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit au rejet de la destitution du président malgache. Celles-ci peuvent être de deux ordres : d’une part, la  HCC a peut-être  pris toute la mesure du danger auquel elle exposerait Madagascar, en se rangeant  aux côtés des députés.  On le sait, la Grande Ile revient de très loin, longtemps agitée par les djinns de l’instabilité.   Toute chose que cette Haute Cour pourrait avoir jugée suffisante pour tenter de  mettre le pays à l’abri de tout retour des vieux démons.

La sagesse et la raison doivent prévaloir dans un camp comme dans l’autre

Sous cet angle, on peut dire que  la HCC a fait preuve de réalisme politique doublé de responsabilité sociale et que, pour elle, in fine, nécessité  devrait faire loi. La deuxième raison peut être d’ordre politique.  De fait, comme un peu partout sur le continent où  ce genre de  juridictions est généralement un instrument aux mains des princes régnants, à Madagascar, le principe de redevabilité s’est probablement invité au verdict.  Le devoir d’ingratitude attendra encore longtemps…

Alors, la Haute Cour constitutionnelle malgache a-t-elle pris « une décision plutôt politique que juridictionnelle ? », comme l’en accusent les députés frondeurs ?  En tous les cas, en échouant à destituer Hery Rajaonarimampianina, elle évite à la Grande Ile l’organisation d’élections anticipées qui aurait encore pu lui ouvrir les ténébreuses voies de l’instabilité voire du chaos. Disons-le tout net : Madagascar mérite mieux que cela.  C’est pourquoi  l’on a du mal à comprendre le jusqu’au-boutisme des députés frondeurs qui appellent à présent les Malgaches à descendre dans la rue.  La Grande Ile n’a-t-elle pas suffisamment souffert ?  Faut-il que les investisseurs attachés -à juste titre- à la paix et à la stabilité, lui tournent encore le dos ? Assurément,  ces députés auraient tout faux d’ouvrir un nouveau front.  Du reste, en  contestant  cette décision rendue en dernière instance, ils se comportent eux-mêmes  en hors-la-loi.  Il y a une ligne rouge à ne pas franchir. Quant au président malgache, il doit se garder de tout triomphalisme et s’accorder plutôt un temps d’introspection. Les vérités de l’opposition ne sont certainement pas sans  fondement, loin s’en faut. Hery devrait avoir l’humilité et le courage de le reconnaître, d’en tenir compte et surtout de se remettre en cause. Ragaillardi par le verdict  de la HCC, il doit, malgré tout, savoir se départir de sentiments de toute puissance,  et ne pas se croire désormais tout permis.  C’est plutôt de cette façon  qu’il rendra service à la Grande Ile. C’est dire  si la sagesse et la raison doivent prévaloir dans un camp comme dans l’autre, pour le seul bénéfice du peuple malgache qui veut à présent  définitivement tourner la page du passé, en évitant de sonner le réveil des fantômes de l’île.

« Le Pays »


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