NOUVEAU GOUVERNEMENT BURUNDAIS
A peine nommé, le nouveau Premier ministre burundais, le général Alain-Guillaume Bunyoni, n’a pas tardé à dévoiler le visage de son équipe. Contrairement à l’ancien gouvernement qui comptait 21 membres, le nouveau cabinet en dénombre 15. Cette réduction drastique du nombre de portefeuilles ministériels pourrait s’expliquer par le fait que le Burundi traverse une de ses pires périodes sur le plan économique. Or, on le sait, en Afrique, un ministre coûte cher aux contribuables. Autre constat et non des moindres, le nouveau gouvernement semble respecter les équilibres ethniques qu’exige la Constitution, à savoir 60% de Hutus contre 40% de Tutsis. Le taux de représentation des femmes, 30%, est également une exigence de la loi fondamentale. Si ces principes semblent avoir été respectés, il n’en demeure pas moins que l’ouverture tant souhaitée n’a pas eu lieu même si le chef de l’Exécutif intègre dans son équipe, et ce, pour la première fois, un membre de la communauté ultra minoritaire de Twas, puisqu’elle représente moins de 1 % de la population burundaise. En tout cas, ce gouvernement ne représente ni plus ni moins que celui de la continuité. On est d’autant plus fondé à le penser que la nomination de certaines personnalités comme Gervais Ndirakobuca, ancien patron des services de renseignement, à la Sécurité publique, est un mauvais signal. Car, ce dernier fait partie de l’aile dure des généraux qui régentent le pays d’une main de fer. C’est dire s’il ne manquait plus que ce dernier pour compléter le puzzle qui ne suscite déjà guère espoir à cause de la nomination d’un PM issu du sérail, c’est-à-dire l’un des faucons du groupe très fermé des généraux qui régentent le pays depuis l’accession au pouvoir du CNDD-FDD, en 2005. En tout cas, avec cette militarisation du régime, le pouvoir au Burundi opère un nouveau tour de vis. Tous ceux qui scrutaient donc le ciel burundais dans l’espoir d’y lire des signes d’un changement des temps, doivent à présent déchanter.
On ne devrait pas s’étonner de voir le nouveau chef de l’Etat s’engager sur la ligne dure
Manifestement, les signaux envoyés par le nouveau président par l’installation à la primature d’un dur parmi les durs du régime et la composition des membres du nouveau gouvernement, sont mauvais. En effet, le rêve d’ouverture du pays, que nourrissaient de nombreux Burundais, se transforme en chimère avec l’arrivée à la tête du gouvernement, d’un homme qui fait l’objet de sanctions de la part des Américains et qui, de ce fait, est pratiquement interdit de voyager. Ce n’est donc pas cet homme ostracisé par les puissances occidentales, qui parviendra à briser le cercle de l’isolement politique et diplomatique du Burundi mis au ban de la communauté internationale, même s’il vient de nommer le représentant permanent du Burundi auprès des Nations unies comme chef de la diplomatie. L’on peut, tout aussi, faire le deuil de l’espoir que l’on avait de voir le pays faire des progrès en matière de libertés démocratiques. Car, le nouveau chef de l’Exécutif, longtemps ministre de la Sécurité sous le défunt président Pierre Nkurunziza, est l’un des piliers de la violente répression qui s’est abattue sur les opposants du régime. On peut, du même coup, dire adieu au vœu du retour des exilés qui assistent, indignés et impuissants, à l’ascension au sommet du pouvoir, de leur bourreau. On ne devrait pas s’étonner de voir le nouveau chef de l’Etat s’engager sur la ligne dure . Enfin, l’on peut aussi faire le requiem de cet autre vœu de voir le Burundi, l’un des pays les plus pauvres de la planète, amorcer son envol socio-économique. Car, en faisant le choix d’un militaire comme chef de gouvernement en lieu et place d’un économiste chevronné qui aurait pu insuffler une dynamique nouvelle à l’économie du pays, le président Evariste Ndayishimiye ravale au second plan les attentes sociales et économiques des populations. Cela dit, l’on ne devrait pas s’étonner de voir le nouveau chef de l’Etat qui n’avait pas fait mystère de sa volonté de poursuivre l’œuvre de son prédécesseur, s’engager sur la ligne dure. Car, son ascension au pouvoir, est le résultat de la volonté du cercle des généraux qui l’ont imposé comme successeur à Pierre Nkurunziza. Il est donc le garant des intérêts de cette aristocratie militaire qui s’est installée dans les arcanes du pouvoir pour piller, dans la pire des brutalités, les maigres ressources du pays. Il était donc illusoire de penser que Ndayishimiye se ferait harakiri. Ce qu’il faut désormais redouter, c’est qu’il ne se pose en pire que Nkurunziza. Quand on sait que le bilan du passage de ce dernier, à la tête de l’Etat burundais, s’est soldé par près de 1200 victimes des violences politiques, 400 000 exilés, des violations massives des droits de l’Homme, une forte paupérisation des populations et l’isolement diplomatique et politique du pays, on ne peut envisager que le scénario du pire.
SAHO