NOUVELLE POLITIQUE AMERICAINE DU CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN : Attention, Trump va dérégler le monde !

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, était hier, 15  février 2017,  l’hôte de la Maison Blanche. L’enjeu de sa visite était de mettre sous pression Donald Trump afin qu’il reste fidèle à ses promesses de campagne sur la question israélo-palestinienne, notamment le rejet de la solution à deux Etats et le refus de toute normalisation des relations diplomatiques avec l’Iran qui, pour l’Etat hébreu, est  Belzébuth en personne et dont l’influence croissante chez le voisin syrien est source de fortes inquiétudes. On le sait, Trump, en effet, avait pris l’engagement pendant la campagne, de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem pour dénier le droit aux Palestiniens de faire de Jérusalem leur capitale, et avait qualifié le compromis sur le nucléaire avec l’Iran d’accord « le plus stupide de l’histoire ». Même si le successeur de Barack Obama a déjà mis beaucoup d’eau dans son vin à propos de ses prises de position qui tranchent nettement avec celles de ses prédécesseurs, il faut craindre que sa posture ne dérègle le monde. Car, le nouveau locataire de la Maison Blanche encourt, en effet, le risque de se mettre à dos les pays arabo-musulmans parmi lesquels Washington compte d’importants partenaires comme la Jordanie ou l’Arabie Saoudite.

Donald Trump, de par sa posture, pourrait raviver les tensions au  Proche et  Moyen Orient

Au-delà de l’importance économique de ces Etats dont le poids énergétique et les achats en équipements militaires constituent un cordon ombilical vital avec les USA, c’est tout l’équilibre géostratégique qui est en jeu. En plus de faire l’unanimité du monde arabe contre lui, dans un contexte marqué par le retour en puissance de la Russie dans la région, Donald Trump, de par sa posture, pourrait raviver les tensions dans un  Proche et  Moyen Orient dont la carte politique est en pleine reconstruction. L’autre source d’inquiétudes liées à la nouvelle position de la Maison Blanche dans le conflit israélo-palestinien, c’est sans conteste le risque de recrudescence du terrorisme. Historiquement, on le sait, le terrorisme international s’est nourri de la question palestinienne. Même si aujourd’hui le lien avec les nombreux groupes djihadistes qui ont essaimé le monde n’est pas toujours perceptible, il reste que l’injustice faite au peuple palestinien  a été à l’origine de nombreuses frustrations et alimente les rancœurs. Du reste, les enfants qui naissent et grandissent dans les camps de réfugiés palestiniens, ne peuvent être que des terroristes de demain. Il faut donc craindre que si Trump vient à donner corps à ses projets au Proche-Orient, les actes de défiance et de représailles contre le pays de l’Oncle Sam dans le monde, n’empirent. L’Amérique devrait s’attendre à vivre un remake du 11-Septembre ou tout au moins des attaques violentes contre ses intérêts, notamment les ambassades américaines à travers le monde. Enfin, il faut craindre que la politique « trumpiste» du conflit israélo-palestinien ne remette en cause le leadership américain dans le monde. Cette politique est, en effet, le déni de la solution onusienne à deux Etats et est contraire à l’approche que l’Union européenne (UE) fait de la question palestinienne. Donald Trump risque donc de s’enfermer dans un unilatéralisme contraire à son ambition de redonner à l’Amérique sa grandeur d’antan.

L’Afrique sera comptée  comme une victime collatérale

Au passage, il affaiblit davantage l’ONU qui peine déjà à se faire entendre sur la question du Proche Orient où l’on compte par dizaines les résolutions qui sont restées lettres mortes. Pour ce qui est spécifiquement du continent africain, les conséquences de cette nouvelle politique américaine au Proche-Orient peuvent se révéler des plus drastiques. Cela est déjà bien perceptible dans le piétinement des efforts de paix de l’ONU, en Libye. En effet, le nouveau Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutterres, a été stoppé dans son élan, dans le coup d’accélérateur qu’il voulait donner au processus de sortie de crise en Libye par la nomination, comme envoyé spécial, du Palestinien Salam Fayyad. Malgré l’excellente réputation et l’important background dans les organisations internationales dont dispose ce dernier en plus de la neutralité de son pays dans le conflit  et du fait qu’il soit arabophone, il a été récusé par l’administration Trump qui refuse d’avaliser de facto la reconnaissance de l’Etat palestinien au risque de provoquer l’ire de son inconditionnel allié, Israël. Quand on mesure les souffrances atroces qu’une telle attitude inflige au peuple libyen et les conséquences du chaos libyen en termes de prolifération des groupes djihadistes dans le Sahel, on ne peut qu’en conclure que l’Afrique sera comptée  comme une victime collatérale de la radicalisation de la politique américaine au Proche-Orient. Mais ceci pourrait ne pas être le pire. En effet, le président Trump est des plus imprévisibles et il n’est pas exclu que soient entreprises des mesures de rétorsion contre les Etats africains qui bénéficient des programmes de développement américain comme le Millenium Challenge Account (MCA), et qui ne s’aligneraient pas sur les nouvelles positions américaines. Ce scénario ne relèverait pas de la fiction, dans la mesure où pour moins que cela, cette mesure plane déjà comme une épée de Damoclès sur la tête de certains Etats africains, en l’occurrence les pays qui montrent des réticences à accueillir leurs ressortissants clandestins expulsés des USA dans le cadre des nouvelles mesures sur l’émigration, prises par l’administration Trump.

Cela dit, tout ceci n’est peut-être qu’une simple vue de l’esprit. Car, Donald Trump, en moins d’un mois de pouvoir, s’est illustré par ses spectaculaires retournements de veste. Il n’est donc pas exclu que l’homme d’affaires qui a le flair très développé,  tourne casaque en fonction de l’orientation du vent de ses intérêts. Mais, il se trouve précisément que les intérêts américains sont ceux du lobby militaro-industriel qui cherche à attiser les tensions pour faire affaires. En attendant, Trump dit y réfléchir « sérieusement » et admet que la décision n’est «pas facile».

« Le Pays »