HomeA la unePRESIDENTIELLE GUINEENNE : Va-t-il pleuvoir sur Conakry ?

PRESIDENTIELLE GUINEENNE : Va-t-il pleuvoir sur Conakry ?


 

Hier, 11 octobre, près de 5 millions d’électeurs guinéens ont été appelés aux urnes pour choisir parmi les 8 candidats en lice, celui qui présidera aux destinées de leur pays durant les cinq prochaines années. Ce scrutin  s’est déroulé  dans le calme, contrairement à ce que laissaient présager les jours précédents marqués par des heurts entre partisans du candidat sortant, Alpha Condé, et ceux de l’opposition. Si les opérations de vote n’ont pas connu d’incidents majeurs, il n’en reste pas moins vrai que les candidats de l’opposition continuent de dénoncer, entre autres,  l’émission et la distribution tardive des cartes d’électeurs et le délai relativement long prévu pour la publication des résultats qu’ils estiment être une porte ouverte à toutes les manipulations de la part des assesseurs « affidés » au parti au pouvoir. Certes, le Secrétaire général du parti du président sortant et candidat à sa propre succession, Saramady Touré, s’est dit « très surpris par les arguments de l’opposition qui ne tiennent pas du tout la route ». Mais il faut tout de même reconnaître qu’il y a eu beaucoup de dysfonctionnements, dans l’organisation et dans le déroulement même des opérations de vote au cours de la journée d’hier. Jusqu’à la mi-journée, en effet, ils étaient nombreux les Guinéens détenteurs de cartes d’électeurs, qui n’avaient pas pu accomplir leur devoir de citoyen parce qu’ils ne trouvaient pas leurs noms sur les listes électorales, ou parce qu’il n’y avait pas de kits (encre, isoloirs, urnes) dans certains bureaux de vote. Cette situation caractéristique de l’amateurisme des organisateurs du scrutin, a privé, par exemple, les Guinéens vivant en Sierra Leone, de leur droit constitutionnel et civique, parce que le matériel électoral leur est parvenu tardivement. Mais ces problèmes organisationnels n’ont manifestement pas entamé l’engouement des électeurs guinéens pour ce scrutin dont l’issue est pour le moins incertaine, au regard des forces politiques en compétition.

Espérons que l’ambiance plutôt bon enfant du scrutin, soit un bon présage pour la suite du processus électoral

En attendant donc les résultats, on peut d’ores et déjà se féliciter du taux de participation et du calme relatif qui ont marqué cette journée électorale. Cette victoire d’étape sur les oiseaux de mauvais augure qui annonçaient le chaos à Conakry et à l’intérieur du pays, en ce dimanche de vote, on la doit non seulement à l’esprit de plus en plus républicain des Guinéens  qui ont compris que le pouvoir se conquiert par  les urnes et non par les armes (les putschistes au Burkina Faso l’ont appris à leurs dépens). Mais aussi et surtout à la prise de  mesures de sécurité draconiennes avec le déploiement de près de 19 000 agents des forces de défense et de sécurité sur toute l’étendue du territoire. Mais puisque nous sommes en Afrique et en Guinée précisément, on aurait tort de pavoiser si vite, car l’expérience a montré que les incidents qui émaillent la période préélectorale culminent au lendemain de la publication des résultats et dégénèrent, parfois, en guerre civile. Dans le cas de la Guinée, cette étape de la publication du nom du vainqueur du scrutin est d’autant plus à redouter que l’opposition a déjà appelé ses militants à ruer dans les brancards au cas où les résultats ne lui seraient pas favorables. Et le président Alpha Condé a de son côté averti d’un ton martial, qu’il ne tolèrerait aucun désordre. Le risque d’affrontements sur fond de contestation est par ailleurs accentué par l’ethnicisation et la communautarisation à outrance du débat politique, en dépit de l’interdiction faite par la Constitution aux partis politiques de s’identifier à l’une ou l’autre des communautés qui peuplent la Guinée. De ce point de vue, la Guinée forestière représente un enjeu particulier, elle qui devait aller à cette bataille électorale en faisant l’amer constat de la mise à l’écart de son fils Dadis Camara, réduit à compter les coups à partir de Ouagadougou. Quel taux de participation les habitants de cette zone forestière ont-ils réservé à ce scrutin ? Et dans cette région qui compte beaucoup pour la Guinée, qui de Cellou ou de Alpha a-t-il remporté le scrutin, après cette alliance incestueuse entre le premier et l’homme qui s’est tristement   illustré à travers l’orgie de sang et de violence du stade du 28 septembre ? En dépit de ce cocktail hautement explosif, espérons que l’ambiance plutôt bon enfant dans laquelle s’est déroulé le scrutin, soit un bon présage pour la suite du processus électoral, et qu’il ne pleuvra pas… du feu sur Conakry, malgré les prévisions des météorologues politiques qui, faut-il malheureusement le rappeler, annoncent des cumulonimbus et des rafales de vent ou plutôt d’armes automatiques en Guinée, immédiatement après la proclamation des résultats.

Hamadou GADIAGA


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