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PRESIDENTIELLE TUNISIENNE


Après le premier tour de la présidentielle anticipée du 15 septembre dernier, qui mettait aux prises pas moins de 24 prétendants, les Tunisiens sont dans l’attente des résultats. Mais avant même leur proclamation officielle par l’instance électorale, plusieurs sources donnaient un second tour entre le candidat indépendant et conservateur Kais Saïed qui vient en tête avec 19% des voix, et l’homme d’affaires Nabil Karoui, détenu à la veille de ces élections pour une sombre affaire de blanchiment d’argent, et qui aura, malgré tout, réussi à se hisser en seconde position en récoltant environ 15% des suffrages. Les résultats partiels de l’instance électorale viendront confirmer la tendance de ces résultats très attendus par les Tunisiens. Exit donc le candidat du pouvoir, le Premier ministre Youssef Chahed, largué à plusieurs longueurs d’avance avec ses 7% et qui, entre tristesse et amertume, n’a eu aucune difficulté à reconnaître sa défaite. Exit aussi le candidat du parti islamiste, Ennahdha, dont le baptême du feu pour une présidentielle, s’est soldé par la moisson de 13% des suffrages, ce qui lui permet d’occuper le troisième rang.

On est loin des scores staliniens de l’ère Ben Ali

Cela dit, on peut d’ores et déjà se féliciter que le scrutin de dimanche dernier, qui marque l’ouverture de la succession du défunt président, Béji Caïd Essebsi, se soit déroulé dans le calme. Cela traduit la maturité de la démocratie tunisienne qui s’illustre une fois de plus de belle manière, après la présidentielle post révolutionnaire de 2014 dont tout le monde s’accordait à reconnaître la bonne tenue, au sortir d’une transition de trois ans consécutive à la chute du dictateur Ben Ali, emporté par la vague du printemps arabe en janvier 2011. Cela est à l’honneur du pays du Jasmin et la preuve que sa réputation de pays à la pointe de la démocratie dans le Maghreb, n’est pas surfaite, même si celle-ci reste encore perfectible. Cela est d’autant plus vrai qu’avec le second tour qui se dessine dans ce scrutin du 15 septembre dernier, on est loin des scores staliniens de l’ère Ben Ali où les scrutins étaient sans véritables enjeux parce que les jeux étaient pratiquement faits à l’avance. C’est dire si la Tunisie est toujours sur sa lancée du renouveau et est en passe de tourner définitivement la page de l’ancien système, avec ce duel en perspective entre deux outsiders. Deux profils différents et deux personnalités politiques apparaissant aux yeux des Tunisiens, comme des hommes de la rupture. Le premier, Kais Saïed, sexagénaire intellectuel au style austère en qui d’aucuns voient un  idéaliste, jouit de popularité au sein de la jeunesse. Le second, Nabil Karoui, est un quinquagénaire dont les œuvres caritatives auprès des populations démunies, donnent de lui l’image d’un homme généreux derrière laquelle se cache, pour certains, simplement un populiste. En tout cas, si ce vote ne marque pas le rejet de la vieille classe politique, c’est tout comme. D’autant que les deux favoris au second tour, passent pour être des débutants politiques là où tout porte à croire que le candidat du pouvoir a été victime d’un vote sanction en raison du désenchantement manifeste de populations désabusées. Ceci étant, il faut souhaiter que la suite du processus se passe aussi sans anicroche. Mais d’ores et déjà, c’est une page de l’histoire de la Tunisie qui se referme avec la défaite du candidat du parti au pouvoir.

On peut se poser des questions sur la situation du candidat Nabil Karoui

Et maintenant que la situation est en train de se décanter, la question que l’on pourrait se poser est de savoir s’il y aura des appels à voter dans un sens ou dans l’autre et à quels types d’alliances l’on pourrait assister dans ce scrutin présidentiel qui reste toujours ouvert, aucun des prétendants n’ayant véritablement pris une avance décisive. L’avenir le dira. En attendant, l’on ne peut manquer de s’interroger sur la performance du candidat du parti islamiste Ennahdha que les résultats partiels donnaient toujours troisième au moment où nous mettions sous presse, même s’il était au coude-à-coude avec le deuxième, Nabil Karoui, alors que sa formation politique est le principal groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Faut-il y voir un effritement de son électorat ou un choix délibéré et stratégique du parti pour éviter d’être absent du débat politique dans ce calendrier inversé des élections qui a vu la présidentielle se tenir avant les législatives ? En attendant de trouver réponse à cette question, l’on peut tout aussi bien se poser des questions sur la situation du candidat Nabil Karoui dont la détention est sans nul doute vécue comme une frustration par ses partisans. En cas de confirmation de son accession au second tour, son incarcération sera-t-elle un atout qui verrait les électeurs pris d’empathie à son égard ou un handicap en terme de réduction de sa mobilité et donc de sa capacité de mobilisation ? Sera-t-il libéré pour lui permettre de battre campagne ? Qu’adviendrait-il s’il venait à décrocher le Saint Graal en étant porté par les voix du peuple, à la magistrature suprême ? Autant de questions qui ne manquent pas d’intérêt dans une démocratie tunisienne en pleine reconstruction et dont le cas Karoui constitue à bien des égards, une expérience quasi inédite.

« Le Pays »


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