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PRISE SUPPOSEE DE MEKELE PAR LES FORCES ETHIOPIENNES  


Depuis le 4 novembre dernier, l’armée éthiopienne est en guerre contre le TPLF (Front de libération du peuple du Tigré). L’objectif de cette opération était de faire revenir dans la République fédérale, la région dissidente du Tigré. Addis-Abeba avait notamment mis un point d’honneur à faire plier par la force des armes, Mekele, la capitale de la région rebelle et ceci dans les meilleurs délais. Cet objectif, à en croire les autorités éthiopiennes, a été atteint.  L’annonce a été faite d’abord samedi dernier par le Premier ministre Abiy Ahmed himself, en ces termes : « Le gouvernement fédéral a maintenant pris le contrôle total de la ville de Mekele ». L’information a été confirmée plus tard par le chef d’état-major de l’armée éthiopienne, le général Berhanu Jula. Pour Addis-Abeba  donc,  non seulement l’assaut promis sur Mekele a eu lieu, mais aussi il a été couronné d’un succès total. En l’absence d’une confirmation de cette éclatante victoire par une source indépendante, l’on peut se permettre de garder un peu de distance par rapport aux annonces des autorités éthiopiennes. Cette attitude est d’autant plus justifiée que l’accès des humanitaires à la zone, est empêché et que les communications sont toujours coupées. Mais, même dans l’hypothèse où la version des autorités éthiopiennes serait avérée, l’on peut prendre le risque de dire que le tout-militaire n’est pas la solution la plus indiquée pour résoudre ce genre de conflit. Et comme argument, on peut revisiter l’histoire  de bien des pays d’Afrique et d’ailleurs.         Le premier cas que l’on peut évoquer est celui du Soudan. En effet, après plusieurs décennies de guerre pour venir à bout des velléités sécessionnistes de John Garang, puis de celles de ses héritiers, Karthoum avait fini par infléchir sa position en acceptant l’indépendance du Soudan du Sud. Un autre exemple tout aussi parlant est celui de l’Erythrée. En effet, le pays s’est séparé de l’Ethiopie et a obtenu son indépendance le 24 mai 1993, au terme d’un long conflit, de 1961 à 1991.

 

Abiy Ahmed a l’occasion de démontrer à la face du monde, que son prix Nobel de la paix n’a pas été  usurpé

 

 Trente ans de langage de la poudre n’ont donc pas suffi pour contraindre l’Erythrée à demeurer une province éthiopienne. L’autre argument qui justifie la thèse  selon laquelle le tout-militaire n’est pas la solution la plus indiquée pour résoudre le conflit au Tigré, est le suivant: le TPLF a une expertise avérée en guérilla. C’est cette qualité qui lui avait permis de triompher des forces du Négus rouge, Mengistu Haïlé Mariam, en 1991. En outre, depuis la chute du dictateur, la réalité du pouvoir aussi bien politique que militaire en Ethiopie, est restée entre les mains des Tigréens et cela jusqu’en 2018, date de l’avènement de Abiy Ahmed à la tête du pays. De ce point de vue, l’on peut dire que les personnalités qui animent aujourd’hui le TPLF seront difficiles à réduire au silence par la force des armes. Un autre argument qui milite en faveur des Tigréens est celui lié au nerf de la guerre, c’est-à-dire l’argent. En effet, le long temps que les Tigréens ont passé à la tête de l’Ethiopie, leur  a permis probablement de se doter d’une puissance financière. A cela, il faut ajouter que le Tigré a une diaspora de qualité, basée surtout aux Etats-Unis. De ce point de vue, l’on peut s’attendre à une guerre qui a de fortes chances de s’installer dans la durée, à la grande joie des marchands d’armes. Et ceux qui vont payer le plus lourd tribut à ce drame qui se profile, sont les populations innocentes. Déjà, l’on enregistre une centaine de morts et une fuite éperdue de milliers de Tigréens, baluchon sur la tête, en direction du Soudan. Pour ne pas en rajouter, le Premier ministre éthiopien n’a pas intérêt à faire dans le tout- militaire contre la province dissidente. C’est vrai, après l’annonce de la prise de Mekele par l’armée fédérale, il a annoncé l’arrêt des opérations militaires dans le Tigré. Mais, il doit avoir le courage d’aller au-delà. Il pourrait, par exemple, engager un dialogue franc avec ses frères tigréens. C’est d’ailleurs ce  à quoi l’invitent l’ONU (Organisation des nations unies) et l’UA (Union africaine). S’il s’obstine dans l’option militaire, il pourrait, peut-être, pendant un temps, réduire la capacité de  nuisance du TPLF mais il ne pourra pas le faire tout le temps. La probalité est forte que bien des Tigréens se soient sentis frustrés après qu’ils ont perdu le pouvoir en 2018 au profit des Oromos, l’ethnie de l’actuel Premier ministre. Toutes ces frustrations peuvent être résorbées dans le cadre d’un dialogue franc et constructif avec la région dissidente. En tout cas, Abiy Ahmed a l’occasion de démontrer à la face du monde, que son prix Nobel de la paix n’a pas été  usurpé. Pour le moment, malheureusement, il renvoie l’image d’un va-t-en-guerre puisqu’il se montre hostile à toute idée de sortie de crise par le dialogue.

 

 

Pousdem PICKOU

 


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