HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE « On demande au commandant Korogo de faire ce que l’Armée tout entière n’a pas pu faire »: dixit Me Mireille Barry

PROCES DU PUTSCH MANQUE « On demande au commandant Korogo de faire ce que l’Armée tout entière n’a pas pu faire »: dixit Me Mireille Barry


Le commandant Korogo à la barre pour la 4e journée, faisait face aux avocats de la défense et de la partie civile qui n’ont eu de cesse de lui poser des questions sur la conduite de ses hommes, notamment les éléments dits « incontrôlés » ou ceux qui n’obéissaient pas aux ordres. En suivant la déposition du commandant et en se référant aux P.V d’interrogatoire de certains témoins, certains avocats de la défense estiment que le procès est bien le procès du RSP et non du putsch manqué.
« J’ai l’impression que la partie civile a des informations, des preuves. Si c’est le cas, qu’elle les donne et qu’on en discute ». C’est en ces termes que réagit le commandant Korogo suite à une série de questions de Me Prosper Farama, un des avocats de la partie civile à qui il a dû répondre pendant environ 2 heures de temps dans la matinée du 9 novembre 2018. L’avocat tient, à travers ses questions, à ce que le commandant dise à qui il rendait compte chaque fois qu’il revenait d’une rencontre avec la hiérarchie militaire pendant les évènements. « Dès le 17 septembre 2015, la situation que je voyais était insupportable pour moi. J’ai instruit : maîtrisez vos hommes, empêchez-les de sortir, retirez le matériel », indique-t-il à la barre, rappelant en ces mots, au sujet du putsch, que « cette crise a connu des étapes et chaque étape a ses évènements ». « Toute l’armée a été impliquée et moi, je joue ma partition », dit-il. Me Farama ne comprend pas où se trouvait le problème. « Si tous les éléments ont été séquencés, organisés par vous, de façon disciplinée, où était le problème ? », lui demande-t-il. Le commandant confie que ce sont les commandants d’unités qui peuvent faire le point de ceux qui étaient dehors et refusaient de rentrer. Pour l’avocat,  à part les récalcitrants, les insoumis (parmi les éléments du RSP) dehors, les hommes ont le réintégré le camp lorsque l’ordre a été donné de le réintégrer. « Pourquoi toujours pas de libération des otages », s’interroge-t-il. Le commandant réagit en indiquant ceci : « vous voulez simplifier cette crise. La hiérarchie est venue au camp Naaba Koom II ; si un simple ordre pouvait suffire à faire libérer les otages, il n’y aurait plus de pourparlers ». Le commandant fait comprendre que « lorsque nous disons que nous tentions de reprendre le commandement de nos hommes, Me Farama caricature que tout le monde a obéi sauf les insoumis, les récalcitrants dehors. Si c’était le cas, en 24 heures, la crise serait résolue ». Pour se résumer, Me Farama observe que la crise n’était pas simple. Le commandant avait reçu l’ordre de la hiérarchie militaire de faire libérer les otages, mais celui-ci a dû user de stratégie pour amener le Général Diendéré à les libérer. Me Hervé Kam, un autre avocat de la partie civile, dit ne plus se retrouver dans cette affaire du RSP en écoutant le commandant Korogo, chef de corps adjoint du RSP au moment des faits. Le chef de corps a du mal à expliquer les différents attachements (du corps). L’avocat ne comprend pas en vertu de quoi le Général Diendéré continuait à commander, dans la mesure où, depuis l’année 2000, le lien qui mettait le commandement du RSP sous l’autorité du Chef d’Etat-major particulier de la présidence a été coupé, mettant le chef de corps du RSP sous l’autorité du Chef d’Etat-major de l’Armée de terre (CEMAT). « Le Général Diendéré et Blaise Compaoré ont créé leur RSP, créé leur hiérarchie. En 2000 ils ont été contraints de l’enlever », lance l’avocat. Ce qui a fait réagir le commandant Korogo en ces termes : « J’ai beaucoup de respect pour notre armée ; je pense que les propos de Me Kam n’honorent pas notre armée ». Plus précisément, le commandant fait observer que Me Kam veut dire que le Chef d’Etat-major général de l’armée (CEMGA) ne connaît pas les statuts du RSP. Et de se demander : « si tel est le cas, que faisions-nous à la présidence ? » Par ailleurs, Me Kam, réagissant aux propos de l’avocate Me Mireille Barry de la défense, fait savoir que le téléphone portable du commandant Korogo d’où sont partis ou reçus les sms, ne faisait pas partie des scellés. Il n’est donc pas juste, à   l’entendre, que l’avocate laisse croire qu’on a choisi les sms devant figurer dans le rapport pour sauver le commandant. Me Hervé Kam revient sur certaines déclarations du commandant, notamment lorsque celui-ci a dit être fier de ses hommes. « Des hommes que vous commandiez et ne savez pas ce qu’ils ont fait », complète l’avocat. Le 21 septembre, le commandant a rencontré le CEMGA pour désamorcer la crise liée à l’arrivée annoncée des troupes des autres garnisons pour attaquer le RSP. Il est donc surpris d’entendre qu’une déclaration de l’Etat-major du 21 septembre aurait demandé à la troupe du RSP de déposer les armes. « Pourquoi n’avoir pas demandé à vos hommes de libérer les otages », demande à nouveau Me Kam ? « J’ai l’impression qu’on caricature la crise et donne l’impression qu’un simple commandement peut faire libérer les otages. Si la délégation de la CEDEAO est venue, c’est parce que c’était plus grave », lance le commandant à l’avocat. Me Yanogo, un autre avocat de la partie civile, veut s’assurer si réellement le commandant Korogo commandait ses hommes.

« C’est le plus cohérent des accusés qui passe à votre barre »

Pour le commandant, si l’incident de l’enlèvement des autorités est survenu, cela veut dire que les hommes qui l’ont fait ne le reconnaissaient pas pour chef. Il précise que, si malgré les ordres, ces ordres ont été répercutés à la lettre, et les autorités ont été enlevées, c’est que ceux qui ont posé ces actes répondaient d’un autre officier intermédiaire, lequel viendra répondre, à son avis. Il dit, sans ambages : « j’assume les actes des officiers qui ont exécuté mes ordres. En dehors de ces ordres, tout officier qui a posé un acte devra répondre ». Lorsque son conseil, Me Willy, prend la parole, c’est pour souligner que son client (commandant Korogo) n’a cessé de dire que lorsque le Général Diendéré vient, lui il rend compte aux hommes à qui il a dit : « attendons de voir, restez militaires » ! Pour l’avocat, le commandant n’a joué qu’un rôle passif. Il n’a joué un rôle actif qu’au moment du désarmement du RSP. Me Willy ne comprend pas pourquoi on demande à son client des comptes par rapport à sa hiérarchie, précisant au tribunal qu’ « à tout le moins, c’est le plus cohérent des accusés qui passe à votre barre ». Pour l’avocat, ce qui pose problème, c’est que chaque accusé se retrouve nécessairement avec une situation binaire : ce qu’il sait et ce que le dossier a révélé jusque-là. Et de s’interroger en ces termes : « le commandant Korogo doit-il déposer en fonction de ce qu’il sait ou de ce qui a été révélé à la barre ? ». Dire à ses hommes de rester militaires veut dire de rester disciplinés, fait-il observer. « Qui vous dit que des aveux ne sont pas faits par intention pour brouiller des pistes ? », s’exclame-t-il ? « Même des aveux seront démentis ici », avise-t-il. Pour Me Bonkoungou, si le téléphone portant le numéro Telmob du commandant, connu par la hiérarchie militaire, n’a pas été expertisé, c’est qu’il y a des gens qu’on veut protéger ». Les militaires qui sont arrêtés, s’il est vrai que leurs actes sont répréhensibles, au regard du commandement, devaient être avec d’autres qui ne sont pas ici dans le box, assure-t-il. Il ne comprend pas pourquoi dès le 21 septembre, le CEMGA n’a pas fait face aux hommes pour leur demander de quitter le camp Naaba Koom II, au lieu de faire un communiqué. A une question de Me Mireille Barry, le commandant indique qu’à la place de la Nation, c’était une mission de contrôle de zone, et non de patrouille. Ce qui est contraire à ce qui a été dit au tribunal jusque-là, selon l’avocate. Elle relève, à partir du procès-verbal d’interrogatoire, que le Premier ministre Zida a confié que le CEMGA a dit que l’attaque du RSP par les garnisons provinciales, était une initiative des jeunes officiers. Elle fait observer, après quelques questions adressées au commandant, que celui-ci rendait compte à la hiérarchie, du 17 au 29 septembre 2015, mais qu’on ne le croit pas. « Tout le monde savait qu’il y avait crise, que c’était délicat. On demande au commandant Korogo de faire ce que l’armée tout entière n’a pas pu faire », déplore-t-elle. Elle lit le PV d’audition de Zida qui a soutenu que Newton Ahmed Barry a appelé le Général Diendéré pour lui parler d’une personne qui serait mal placée sur les listes électorales. Rien de cette conversation ne ressort dans le rapport d’expertise, par exemple, à son avis. L’avocate crie donc à la manipulation dans le rapport d’expertise, précisant que l’expert a choisi ce qu’il voulait. « On a relevé les sms qui compromettent, alors que le capitaine Zoumbri a demandé de l’aide au commandant par sms parce que des sous-officiers tenaient des rencontres à l’insu des officiers », indique l’avocate. Elle relève par ailleurs que les capitaines Dao et Zoumbri se sont plaints du comportement du Premier ministre Zida et c’est pour cela qu’on leur en veut, « parce qu’il ne fallait pas s’en prendre au Premier ministre ». « Aujourd’hui, c’est le procès du RSP, pas celui du putsch ; sinon plusieurs autres personnes seraient à la barre, notamment ceux qui ont fait des patrouilles, la Police, la Gendarmerie dont les responsables le disent et le reconnaissent », confie Me Barry. Du P.-V d’audition de l’ancien ministre de la sécurité, Auguste Denise Barry, il ressort, selon Me Barry, que ce ministre sous la Transition, a déploré « la complaisance et l’inertie de la hiérarchie militaire », et a indiqué « l’attitude ambiguë de la France à travers son ambassadeur qui avait suggéré d’accompagner le CND et d’exfiltrer Diendéré vers la France ». En conclusion, l’avocate croit bien qu’il s’agit du procès du RSP, « un procès éminemment politique », selon ses mots. Tout est calculé, ajoute–t-elle. La sortie du livre du Premier ministre Zida est calculée sur le temps du procès, se convainc l’avocate qui dit espérer que le président du tribunal ne tombera pas dans le piège. Me Yelkouni, réagissant à son confrère Hervé Kam sur la création du RSP, rappelle que « l’ancêtre du RSP, c’est le centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô ». « Je tiens à demander aux uns et aux autres de ne pas travestir l’histoire du Burkina et de ne pas croire que l’histoire du Burkina a commencé avec l‘insurrection de fin octobre 2014 ». Me Latif Dabo, lui, estime que le parquet entretient la confusion sur l’aspect opérationnel qui serait uniquement de soutenir le putsch, alors que, à son avis, le commandant Korogo dit le contraire. « Œuvrer pour une sortie de crise, recevoir des médiateurs de la CEDEAO, des acteurs de la Société civile, ne font pas de vous un instigateur ou un auteur de la crise », fait-il observer.

Lonsani SANOGO

 

Dialogue entre le commandant et Me Hervé Kam

– Avez-vous commissionné le capitaine Dao en dehors du camp dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015 ?
– Non !
– Le Capitaine Dao vous a-t-il informé de ce qu’on lui a demandé d’amener une proclamation CND au ministère de la Défense ?
– Non !
– Saviez-vous que le lieutenant Zagré devait lire la déclaration du CND ?
– Oui !
– Avez-vous su qu’il a été remplacé ?
– Non !
– Saviez-vous que le Colonel Bamba devait lire la déclaration ?
– Non !
– Avez-vous organisé des patrouilles du 16 au 23 septembre 2015 ?
– Dans le protocole de sécurité, quand des autorités viennent, on organise des patrouilles de sécurisation des dispositifs aux alentours des hôtels où doivent loger ces autorités. En dehors de cela, je n’ai pas autorisé de patrouilles.

Entendu au cours de l’audience du 9 novembre 2018

« Cette crise a connu des étapes et chaque étape a ses évènements », Commandant Korogo

« Un officier ne doit pas quitter son poste dès la première difficulté ; ce n’est pas bon. Et c’est ce qu’il faut enseigner dans les écoles. Moi j’ai voulu quitter, je me suis référé à ma hiérarchie qui m’a dit de rester et je suis resté », commandant Korogo.

« Une troupe qui fait l’option de se battre n’attend pas un renfort pour le faire », commandant Korogo.

« J’ai l’impression qu’on caricature la crise et donne l’impression qu’un simple commandement pouvait faire libérer les otages. Si la délégation de la CEDEAO est venue, c’est parce que c’était plus grave que ça », commandant Korogo.

« Un commandant qui dit : je n’ai pas vu une instruction que j’ai donnée qui n’a pas été exécutée, je n’ai pas vu d’élément qui ne m’a pas obéi. Comment voulez-vous qu’il ne soit pas fier de cela ? », Me Willy Dieudonné, conseil du commandant Korogo.

« J’ai eu le sentiment, comme mon confrère Bonkoungou, qu’on voulait reprendre l’interrogatoire du capitaine Dao », Me Mireille Barry.

« N’eût été le sérieux de ce procès, j’aurais demandé si mon très cher confrère, Me Hervé Kam, et le capitaine Dao courtisaient la même femme », Me Mireille Barry


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