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PROJET DE REPORT DES LEGISLATIVES


L’Assemblée nationale du Burkina Faso est sous le feu des critiques depuis qu’elle a fait une recommandation dans le sens de proroger d’un an, le mandat des députés. Vraisemblement, les députés, entre eux, ne parlent pas le même langage. Du moins c’est que nous laissent croire les propos du 1er vice-président de l’Assemblée nationale, le député Bénéwendé Sankara.

« Le Pays » : Comment est arrivée la résolution portant prorogation du mandat des députés ?

Bénéwendé Sankara : Il faut d’abord regretter que cette décision de l’Assemblée nationale soit perçue comme une manœuvre dolosive de la Représentation nationale de s’octroyer un bonus en fin de mandat ; ce que d’aucuns ont d’ailleurs qualifié de « lenga ». J’avoue que moi-même, en tant que premier vice-président de l’Assemblée nationale, je suis abasourdi et surpris par la résolution dont vous parlez. Je dois vous dire que l’Assemblée nationale a inscrit à son ordre du jour, suite à la conférence des présidents du 7 juillet 2020, le dossier intitulé « Restitution de rapport sur les sorties dans les cinq régions du Burkina Faso : l’Est, le Nord, le Centre-Nord, la Boucle du Mouhoun». La date de passage pour la plénière, c’était le 6 juillet à 10h. Moi, j’étais présent à l’hémicycle. Je n’ai pas vu d’amendement à l’ordre du jour. Comme vous le constatez, il s’agissait de restituer à la plénière, les sorties organisées par Son Excellence Monsieur le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, dans les cinq régions pour encourager les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les populations, notamment celles déplacées. Moi-même j’ai conduit, théoriquement, la toute première mission qui a eu lieu à l’Est. Je m’étais posé déjà beaucoup de questions à cette première sortie parce qu’il n’y avait pas, à ma connaissance, des termes de références sur ces missions-là. J’ai présidé l’ouverture. D’ailleurs, quand je suis arrivé, on m’a fait savoir que je n’avais aucun rôle à jouer. C’est le Directeur de cabinet de Monsieur le président de l’Assemblée nationale qui, séance tenante, a concocté un discours qui, au départ, devait être prononcé par le président du Comité d’organisation, le député Ousséni Tamboura. Le texte m’a été refilé comme discours du 1ervice-président. J’ai dû faire des amendements séance tenante et j’ai livré le discours. A la fin, je n’avais aucun rôle à jouer et je suis revenu à Ouagadougou. J’ai suivi les autres missions qui se sont déroulées. La dernière a eu lieu à Dédougou. C’est plus tard qu’on m’a envoyé des ordres de mission à signer pour des députés qui devraient se retrouver à Bobo-Dioulasso pour rédiger un rapport à la demande du président de l’Assemblée nationale. C’est à la plénière du 6 juillet, à 10h, qu’on a présenté le fameux rapport qui, aujourd’hui, effectivement, fait polémique. Je vous précise que je n’ai pas une copie dudit rapport que j’ai découvert d’ailleurs lors de la présentation sur power point. Et c’était à huis-clos.

A huis-clos ! Qu’est-ce cela veut dire ?

C’était uniquement les députés qui s’étaient retrouvés en plénière avec le président de l’Assemblée nationale pour prendre connaissance du rapport et à la fin de la restitution, il y avait un certain nombre de recommandations dont la prorogation de leur mandat d’un an conformément à l’article 81 de la Constitution.

En tant que député, vous étiez partie prenante, n’est-ce pas ?

Je ne me reconnais pas du tout dans cette résolution parce que quand j’ai vu l’allure des débats, y compris l’attitude de l’Opposition, je suis sorti de la salle vers 12h30. C’est plus tard que j’ai appris qu’à l’intérieur, ils ont pris une résolution. Mais je dois préciser que le 2 juillet, il y a eu une réunion des deux groupes parlementaires de la majorité et la question était au centre du débat. Ce jour-là, j’ai émis des réserves. De plus, je me suis ouvert au président du groupe parlementaire MPP en lui disant que le Premier ministre a reçu le Comité de suivi du Dialogue politique dont je suis membre, en présence de la CENI, des Forces de défense et de sécurité (FDS), du ministre d’Etat en charge des questions électorales, Siméon Sawadogo, et du ministre de la Sécurité, Ousséni Compaoré, de même que le président de la CENI, Newton Ahmed Barry. La situation de l’enrôlement a été faite au Comité de suivi.

Voulez-vous, par-là, dire qu’il y a des mains invisibles qui veulent utiliser l’Assemblée nationale à des fins particulières ?

Je ne sais pas s’il y a des mains invisibles ou pas. Je ne vois que la main de Dieu sur le Burkina Faso et l’engagement de notre peuple à lutter pour la démocratie, la liberté et surtout le progrès dans la paix et la sécurité.

Le point qui a été fait par la CENI permettrait-il de tenir les élections à bonne date?

Jusqu’à preuve du contraire, la CENI est l’institution consensuelle de la classe politique et de la société civile, qui organise les élections. Pas plus tard qu’hier (8 juillet 2020, ndlr), le Conseil supérieur de la communication qui est aussi impliqué dans le processus électoral, était en train de former des journalistes. Les acteurs politiques s’activent pour le 22 novembre prochain et des candidatures sont annoncées. Au niveau de mon parti, l’UNIR/PS, nous avons tenu un congrès extraordinaire qui a pris la décision d’aller aux élections et présentement, sur le terrain, nous nous attelons à cela. Je ne sais pas d’où vient cette main invisible, mais moi je pense que si c’est une main invisible, eh bien, elle est satanique.

Il semble que les députés ont adopté à l’unanimité, la fameuse résolution. Est-ce vrai ?

Je ne sais pas ce que cela veut dire à l’unanimité, parce qu’il n’y avait pas 127 députés présents à l’Assemblée nationale. Et comme je vous le disais, l’ordre du jour, c’était la restitution des rapports sur les tournées des députés. Cette résolution est venue comment ? Est-ce qu’il y a eu un amendement à l’ordre du jour ? Moi, je note que quelque part, c’est un ballon d’essai puisqu’on nous dit que le rapport a été remis au chef de l’Etat qui doit aviser. Il doit certainement apprécier la situation pour dire si oui ou non, il souscrit à l’idée de l’Assemblée nationale. Si oui, la procédure telle que nous l’avons expliquée, voudrait que l’Assemblée nationale délibère au cours d’une plénière sur la prorogation de son propre mandat. Un fondement pris de l’article 81 de la Constitution. Et aujourd’hui, j’ai l’impression que tous les députés ont une certaine frilosité. Chacun est plutôt obnubilé par la fin du mandat. Et il pense que c’est une belle occasion pour avoir effectivement cette rallonge de 12 mois.

N’ y aurait-il pas des problèmes entre vous les alliés ?

Je suis un allié mais je ne suis pas un aliéné. Je suis allé soutenir l’action du gouvernement et celle du président du Faso, Roch Kaboré. Mon parti travaille justement à la stabilité de ce pays. Et notre histoire, assez récente, montre que l’UNIR/PS s’est toujours battue pour qu’il y ait une alternance démocratique dans ce pays, pour qu’il y ait un ancrage institutionnel dans ce pays. Donc, nous ne pouvons pas être intéressés par la courte échelle. Cette résolution, au regard de la Constitution, est même caduque. Je pense que le Conseil constitutionnel avisera. J’ai suivi le débat où on dit que le député, une fois élu, a un caractère national et qu’il peut se foutre de son parti politique. C’est une aberration politique. L’article 13 de notre Constitution donne une place prépondérante aux partis politiques. Et parmi les 127 députés, il n’y a pas un seul qui soit élu de façon indépendante. Ils ont tous été proposés par des partis politiques. On ne peut pas cracher sur ces partis qui travaillent de façon institutionnelle dans les voies de la République pour renforcer la démocratie.

Etes-vous prêt à claquer la porte pour cela ?

Depuis 2002, j’ai toujours été régulièrement élu. Si vous connaissez mon histoire, j’ai souvent rendu ma démission pour permettre à d’autres d’aller siéger. Mais je suis un élu du peuple. On ne m’a pas nommé député. Je défends d’abord les intérêts de mon peuple. Autant je peux claquer la porte, autant je peux, purement et simplement, demander au chef de l’Etat qui doit faire respecter ses propres engagements pour le bien de notre peuple, de pouvoir aussi user de ses prérogatives en utilisant les dispositions pertinentes de l’article 50 de notre Constitution, à savoir dissoudre purement et simplement cette Assemblée nationale pour qu’on aille à des élections à bonne date.

Vos critiques sont très acerbes. Que vous diront vos collègues députés, notamment ceux du MPP ?

Ce n’est pas le parti MPP qui est, ici, mis en cause. Ce sont les députés qui, effectivement et de façon malheureuse, se détachent de leurs partis politiques et ne suivent plus les mots d’ordre et les consignes des partis politiques alors que selon le règlement de l’Assemblée nationale, les groupes administrativement constitués, sont ceux politiquement constitués. De ce point de vue, si un député ne se reconnaît plus dans son groupe politique, il agit de son propre gré.

Voulez-vous dire que dans cette résolution, les députés ne se sont pas référés à leur base politique ?

En fait, ils s’en foutent de leurs bases. Ils s’en foutent même de leurs partis politiques respectifs parce qu’’ils ont un mandat, et ils se disent intouchables.

Interview réalisée par Michel NANA


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