HomeA la uneRESURGENCE DES MOUVEMENTS INDEPENDANTISTES DANS LE SUD DU NIGERIA : Buhari manie la carotte et le bâton

RESURGENCE DES MOUVEMENTS INDEPENDANTISTES DANS LE SUD DU NIGERIA : Buhari manie la carotte et le bâton


Le malheur, dit-on, n’arrive jamais seul. Cet adage pourrait trouver son illustration au pays du Général Muhammadu Buhari. En effet, pendant que le Nigeria est rongé dans sa partie Nord par la vermine djihadiste de Boko Haram, voilà que dans sa partie Sud et Sud-Est, l’on assiste à une résurgence de mouvements indépendantistes. Au Sud, ce sont les insurgés du Delta du Niger qui portent de sérieux coups de boutoir à l’économie du pays, déjà éprouvée par la chute vertigineuse du prix de l’or noir, en s’attaquant de manière récurrente aux installations pétrolières. Au Sud-Est, le pays a maille à partir avec les militants pro-Biafra. A ce propos, au moins dix personnes ont été tuées par la police dimanche et lundi derniers lors de manifestations marquant l’anniversaire du début de la guerre civile en 1967. Le pouvoir de Buhari a donc choisi de sévir. Et pour cause. Il pourrait redouter d’abord une connexion entre les indépendantistes biafrais et les insurgés du Delta du Niger.

Buhari sait que toute mollesse de sa part peut favoriser l’éclatement du pays

D’ailleurs, les seconds n’ont pas manqué d’exprimer leur solidarité aux premiers, à l’occasion de ces tristes événements, en martelant notamment la légitimité de leur lutte. Ensuite, la fermeté du régime de Buhari vis-à-vis du « mouvement peuple indigène du Biafra » qui est à la base de la poussée de fièvre au Sud-Est du Nigeria, pourrait s’expliquer par l’histoire. En effet, et pour rappel, en 1966, un coup d’Etat avait porté au pouvoir un Ibo, en la personne du Général Ironsi. Quelques mois plus tard, celui-ci sera assassiné. Des émeutes raciales sanglantes contre les Ibos s’ensuivent. C’est dans ce contexte que les Ibos du Sud-Est, sous la houlette du Colonel Ojukwu, ont fait sécession en formant la République du Biafra en 1967. Le Général Gowon, à l’époque président de la République du Nigeria, sans état d’âme, avait maté dans le sang les indépendantistes. Le bilan fait froid dans le dos. Près d’un million de victimes dont la majorité était des femmes et des enfants biafrais. Buhari a certainement encore en mémoire cet épisode sanglant de l’histoire de son pays. De ce fait, il sait que toute mollesse de sa part vis-à-vis des manifestations en faveur d’un Biafra libre, qui s’observent à nouveau dans le Sud-Est du Nigeria, peut favoriser l’éclatement du pays. La fermeté donc s’impose. Mais dans le même temps, Buhari sait que la force, à elle seule, pourrait ne pas suffire pour venir à bout des velléités indépendantistes dans le Sud-Est du pays. C’est pourquoi parallèlement, il veut jouer aussi la carte du dialogue et de l’apaisement. Sa première et imminente visite prévue dans le Sud-Est du Nigeria, en est l’illustration. Dans le même registre, le président nigérian a choisi de caresser les insurgés du Delta du Niger dans le sens du poil en reconduisant le compromis que son prédécesseur, Goodluck Jonathan, avait trouvé avec eux pour pacifier la zone. Cette politique, on se rappelle, qui avait consisté à impliquer les rebelles dans des tâches de protection des sites pétroliers en leur versant en contrepartie des subsides, avait produit des fruits. De tout ce qui précède, l’on peut avoir le sentiment que face à la résurgence des mouvements indépendantistes dans le Sud du Nigeria, le Général Muhammadu Buhari a choisi de manier la carotte et le bâton.

Le Général Buhari doit poser des actes forts

Et cette stratégie a déjà apporté la preuve de son efficacité dans la résolution de bien des crises en Afrique et ailleurs. Dans le cas d’espèce, le tout répressif a déjà montré ses limites. En effet, la plupart des régimes qui se sont succédé à la tête du Nigeria, l’ont expérimenté sans pour autant parvenir à éradiquer les rêves de sécession et de rébellion portés par les insurgés du Delta du Niger et les militants pro-Biafra. Les régimes militaires qui ont régenté le pays de par le passé et dont le plus illustre est celui du Général Abacha, l’ont appris à leurs dépens. Le rêve séparatiste entretenu depuis toujours dans le Sud et le Sud-Est du Nigeria est d’autant plus difficile à briser par la seule force, qu’il est alimenté par une gouvernance de l’Etat fédéral marquée par la corruption et l’iniquité dans la gestion des immenses ressources financières issues de l’exploitation du pétrole. Et depuis l’indépendance du pays en 1960, les populations de cette partie du Nigeria dont les terres ont été rendues incultes par cette exploitation et qui n’ont jamais tiré véritablement profit de la manne pétrolière, en sont arrivées légitimement à avoir de la sympathie pour ceux des leurs qui prônent la sécession. Pour préserver les chances du Nigeria de ne pas succomber un jour aux chants des sirènes indépendantistes qui écument le Sud et le Sud-Est du pays, le Général Buhari doit poser des actes forts de nature à faire en sorte que les bénéfices du pétrole profitent d’abord aux populations nigérianes et non, comme c’est le cas depuis toujours, à l’aristocratie politique et militaire basée essentiellement à Abuja et à Lagos. Il doit d’autant plus le faire dans l’urgence que l’Afrique tout entière n’a aucun intérêt à voir le Nigeria éclater en mille morceaux pour donner naissance à des micro-Etats constitués sur des bases tribales et/ou confessionnelles et ce à un moment où la tendance ailleurs est au regroupement des Etats pour former des entités viables et apaisées. Il suffit pour s’en convaincre, de voir le spectacle désolant que le Soudan du Sud offre au monde depuis qu’il a pris son indépendance vis-à-vis du Soudan.

« Le Pays »


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