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REVISION DU CODE ELECTORAL : Des OSC se disent préoccupées


La révision, par l’Assemblée nationale, le 30 juillet dernier, du Code électoral fixant le passeport et la CNIB comme documents de votation pour nos compatriotes vivant à l’extérieur, n’en finit pas de provoquer des vagues. C’est le cas de ces organisations de la société civile qui, dans la déclaration ci-dessous parvenue à notre rédaction, se disent préoccupées et s’étonnent « du silence des représentants de la société civile siégeant à la CENI ». Lisez !

 

L’adoption  de  la modification  du  Code  électoral  en  douze (12)  articles,  le 30  juillet 2018,  a  soulevé  un  débat qui secoue toute  la société  burkinabè,  incluant  la classe politique, la société civile, les Burkinabè de l’étranger et les citoyens, et suivie par l’opinion  internationale.  Après  observation  du  processus de  la  révision  du  Code électoral et des arguments présentés de part et d’autre, les organisations signataires de  la présente déclaration  estiment  indispensable  de  rappeler  certains  principes  et d’adopter une posture. En rappel, la société civile est dédiée à la protection des droits humains et de la démocratie. A cet  effet, elle occupe la position de contre-pouvoir et de  veille citoyenne  qu’elle  a  déjà  assumée dans un  proche passé, pour  permettre certaines évolutions sur le plan politique.

LES ENJEUX JURIDIQUES

 

Le système électoral, principalement organisé par le Code  électoral, est le fondement du  modèle  démocratique.  La  qualité   de  la  démocratie,  l’alternance  politique,  la résolution  des crises  socio-politiques,  sont indiquées  et  résolues  par  la qualité  du système  électoral.  La principale  exigence  pour  un  Code  électoral  efficace,  est son caractère consensuel découlant  du dialogue  politique  institutionnel ou général. Les règles   du  jeu  électoral  ne   doivent pas  être   en   dehors  du  champ des  manœuvres politiciennes, au risque de rompre le consensus politique.

Les grands principes des élections découlent des instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux auxquels le Burkina Faso a librement souscrit.

La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948  dispose en son article  21 que : « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement,  au  suffrage   universel  égal  et  au  vote  secret   ou  suivant  une procédure équivalente assurant  la liberté du vote ».

L’article 15 de la même DUDH précise que : « Tout individu a droit à une nationalité ». Dans le débat actuel, la nationalité ne peut  être  évoquée pour  certains Burkinabè  de l’étranger, à l’occasion de leur enrôlement dans le fichier électoral. Un Burkinabè, Sawadogo P., né  au  Burkina Faso de  parents burkinabè et  son épouse,  Rouamba Z., née  au Burkina Faso de parents burkinabè se rendent en Côte  d’Ivoire où ils ont  un enfant. L’enfant aura  un acte de naissance ivoirien, sans que sa nationalité burkinabè ne soit contestable puisque les informations sur ses parents figurent  sur son acte de naissance. Et c’est le cas d’un très grand  nombre de Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire. Que dire alors de ceux nés au Burkina ayant  immigré dans les pays d’accueil ?

Au niveau africain, la Charte  africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et le protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnelle au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité (2001)  de la CEDEAO convergent tous sur les mêmes principes de l’universalité des élections en démocratie.

Il  n’est  plus  nécessaire  de  revenir  sur la  question  de  la  carte consulaire  dont  la qualité, la fiabilité et l’authenticité ont été affirmées par les autorités pertinentes pour cela  (Cf. l’Ambassadeur du Burkina Faso en Côte d’Ivoire et le Ministre des affaires étrangères sur radio  Omega). Tous les autres acteurs s’exprimant sur le sujet pour tenter de réduire  la fiabilité de la carte consulaire ne procèdent qu’à des conjectures. Le  caractère biométrique  de  la  carte consulaire  en  Côte  d’Ivoire  garantissant  sa fiabilité  et  conçue par  l’Etat  burkinabè  (Cf. Rapport  du conseil  des ministres  du 31 juillet 2013 sur la carte consulaire et la maison du Burkina Faso en Côte d’ivoire) pour constituer  le fichier  électoral  aurait  dû  être  retenue pour  l’enrôlement  sur le fichier électoral en vue d’une part, de permettre l’enrôlement du plus grand  nombre possible et  d’autre  part,  de  respecter le droit  de  vote  constitutionnel  reconnu à tout  citoyen burkinabè.

La Constitution du Burkina Faso du 2 juin 1991  reprend ce  principe  cardinal en son article   12  qui  octroie  le  droit   de   vote   aux   citoyens  burkinabè.  Comme  l’exige également le pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU en son article  25 qui dispose que : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables:

  1. a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis;

 

  1. b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté  des

électeurs ;

 

  1. c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. »

Les  principes  juridiques  ainsi  évoqués ne  font  pas partie  du  champ des stratégies

« politiciennes » et  ne  devraient  point  subir  des manipulations.  Ils  ont  été  édictés pour  garantir  l’équité,  la transparence et  le caractère démocratique  des processus

électoraux, et par ricochet, la stabilité politique, la paix et le respect des droits fondamentaux du citoyen.

En vertu des dispositions rappelées plus haut,  fondées sur de multiples instruments juridiques,  il apparaît clairement illégale  toute  mesure,  loi ou décision qui empêche d’une manière ou une  autre, qui biaise ou réduit  le vote  d’un ou plusieurs individus. Dans le contexte burkinabè, le vote des Burkinabè  de l’étranger est une obligation et tout empêchement de ce droit constitue une violation du droit de vote.

LES CONSEQUENCES  DE LA REVISION

 

L’adoption de la révision du Code  électoral, le 30 juillet dernier,  comporte des risques évidents  pour  la  paix,  la  stabilité  politique   et  l’unité  nationale.  L’onde  de  choc, évaluable à l’ampleur du débat suscité parmi  les Burkinabè,  illustre cette réalité.  Les citoyens burkinabè, après l’épisode de la transition de 2015  et des conséquences de la révision du CNT, veulent  éviter de valider une gouvernance génératrice de tensions socio-politiques interminables et de menace à l’unité du pays. Un processus électoral apaisé et équitable est le meilleur  moyen  de préserver la paix et la stabilité politique par    des   institutions    politiques    légitimes,    toutes   choses    indispensables    au développement durable. La situation a entraîné une  crise au sein de la Commission

électorale  nationale  indépendante  dont  les  membres d’une  de  ses trois  entités,  à

savoir   l’ensemble   des  représentants de   l’opposition   politique,   contestent  la  loi

électorale.

En tout  état  de cause, certaines argumentations sur la fiabilité de la carte consulaire en Côte d’Ivoire ont entaché la confiance en un document administratif conforme aux règles diplomatiques internationales qui pourraient mettre à mal la protection diplomatique et consulaire des ressortissants à l’étranger et partant, leur sécurité et celle  de  leurs  biens. Les  institutions  burkinabè  ont  le devoir  d’assurer  la protection juridique  des citoyens  burkinabè  lorsqu’ils  sont en  dehors du  pays,  et  non  pas de contribuer   à  fragiliser   leur  situation.   Dans   le  cadre  du  processus  électoral,   la biométrie   est  recherchée pour   réduire   la   fraude  électorale,   en   particulier   les inscriptions  multiples  d’électeurs.  Dès lors  que  la carte consulaire  biométrique  de Côte d’Ivoire assure qu’aucun burkinabè ne figure deux fois dans la base de données de   la   carte  consulaire   (dixit  Mahamadou  Zongo,   ambassadeur  et   qu’un   avis technique favorable de l’ancienne CENI a été  acquis quant à l’impact sur le fichier électoral)  ce  document est parfaitement  valable  pour  l’enrôlement  électoral.  Des institutions internationales en charge des élections viendront confirmer ce  fait plus tard.

Quant  au  choix  des Ambassades  et  consulats  généraux comme lieux  de  vote  à l’étranger,  cette option  constitue  un  obstacle  majeur  qui va limiter  l’expression  du suffrage des citoyens. Pourtant, des pays comme le Mali, le Sénégal ou le Niger, par le prolongement diplomatique, arrivent  à faire voter leurs ressortissants dans leurs lieux de résidence, facilitant leur proximité  avec les bureaux de vote.

Il  est à  noter   en  outre   qu’au  Burkina  Faso,  le  Code   électoral  ancien  prévoyait explicitement  une  disposition d’extension des lieux de  vote  en  accord avec  le pays d’accueil. Le nouveau Code  électoral supprime cette possibilité d’extension annulant toute  base légale,  pour  ne  pas dire  toutes chances à d’éventuels  accords dans ce sens.

Il est aussi cas du changement de la méthode du recensement électoral. Une proposition de  la CENI retenue dans la loi, remplace l’ancien recensement physique assuré  sur le  terrain   par  les  agents  recenseurs par  une   plateforme  numérique s’appuyant sur la base de  données de  l’ONI où c’est par  des SMS que  les citoyens seront enrôlés  et  recevront  l’indication  de  leur  bureau de  vote.     Cette   méthode présente de  grands risques  de  manipulations  pouvant compromettre la qualité  du fichier électoral. La méthode d’enrôlement porte  en elle les germes des contestations à  venir  et   devrait   être   revue   pour   favoriser   la  confiance   dans  la  compétition électorale.

Les  acteurs politiques  ne  devraient  pas préjuger  du  sens du  vote  des burkinabè vivant à l’étranger  pour  nourrir  leurs  argumentations. La diaspora est traversée par les mêmes courants politiques que  les Burkinabè vivant au Burkina Faso et sauront faire leur choix le moment venu.

L’ENGAGEMENT

Les organisations de la société civile signataires de la présente :

– Interpellent  le  Président  du  Faso  quant  à  la  possibilité  de  suspendre  le processus  actuel  en   ne   promulguant  pas  la  loi  votée,  et   de   rouvrir  les concertations avec les autres parties,

– S’étonnent  du silence  des représentants de  la société  civile à la CENI sur le Code  électoral  et  les  interpellent  à prendre leurs responsabilités  afin  d’aider  le Burkina Faso à aller à des élections ouvertes, démocratiques et pacifiques ;

 – Interpellent  la  communauté internationale  et,  en  particulier,  les  institutions impliquées dans les élections, à ne pas appliquer l’approche du fait accompli, en  raison  des risques  que  font  courir  au  Burkina  Faso,  les  implications  des nouvelles  dispositions  du  Code   électoral.  Nous  attendons,  de  ce  fait,  les réactions des Nations Unies, de l’Union Européenne, de l’Union Africaine et de la CEDEAO sur la dernière révision du Code  électoral burkinabè,

– Appellent  les autorités coutumières et religieuses à sortir de leur léthargie et d’œuvrer à la préservation de la paix et de la stabilité politique,

– Affirment   la   possibilité   d’entreprendre   des  actions   plus   vigoureuses   et dénoncent les intimidations que subissent les acteurs de la société civile dans le débat sur le Code  électoral.

Ouagadougou, le 8 août  2018

 

Ont signé :

  1. Cercle d’Eveil (CEDEV), Evariste Konsimbo

  1. Réseau  des  Organisations   de   la   Société   Civile  pour   le   Développement (RESOCIDE), Siaka Coulibaly

  1. Cadre d’Expression Démocratique (CED), Pascal Zaida

  1. Collectif des Associations  et  Mouvements de  Jeunesse Burkinabè  en  Côte d’Ivoire (CAMJBCI), Zallé Noaga Moussa

  1. Observatoire pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (ODDH), Lookman

Sawadogo

  1. Alliance des Nouvelles Consciences (ANC), Marc Bonogo

  1. Alliance pour la Défense de la Patrie (ADP) Abraham Badolo

  1. Convergence Citoyenne et Panafricaine (CCP), So Ousmane

  1. Mouvement Citoyen pour  le Retour  des Exilés  Politiques  et  la Réconciliation

Nationale (MCREP/RN), Mahamadi Ouangraoua

  1. Association Namalgue pour la Cohésion

Sociale (ANACOS),

Ouattara Aboubacar

  1. Organisation pour  une   Jeunesse Éveillée  au  Burkina  Faso  (OJEF),  Welgo Zakarya

  1. Mouvement Jeunesse Développement Démocratie (MJDD), Tagnan Zakaria

  1. Association Jeunesse pour le Développement du Burkina (AJDB), Ouédraogo Samadou

  1. Observatoire des Jeunes (OBJ), Dende Mohammed Ali

  1. Coalition des Associations Œuvrant pour le Droit au Logement (CAODL), Sanfo Mahamadi

16- Marcel Tankoano, M21


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