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SOMMET EXTRAORDINAIRE DE L’UA


Le pragmatisme de Kagamé à l’épreuve des égoïsmes nationaux

Paul Kagamé persiste et signe dans sa volonté d’imprimer sa touche au fonctionnement de l’Union africaine (UA) dont il est actuellement le président en exercice. A cet effet, l’homme mince de Kigali avait initié un certain nombre de réformes à appliquer impérativement à l’institution. C’est pour évaluer la mise en œuvre de ces réformes qu’un sommet extraordinaire de l’UA, a été convoqué à Addis-Abeba le week-end dernier. Au cours de ce week-end, les chefs d’Etat de l’UA et leurs représentants ont étudié la réforme de la commission de l’UA dans ses volets structure, attributions, processus de sélection et d’élection, transformation du NEPAD en agence de développement,  répartition des tâches entre l’UA et les communautés économiques régionales, ou encore renouvellement de l’accord de Cotonou avec l’Union européenne (UE).

On ne peut pas faire le reproche à Paul Kagamé de n’avoir rien proposé

A cela, il faut ajouter l’épineuse question du financement de l’institution par les pays membres pour la rendre moins dépendante des donateurs étrangers. Comme on le voit, ces sujets sont essentiels et ils appellent un traitement diligent et responsable pour autant que nos têtes couronnées veuillent tirer l’UA vers le haut. En tout cas, l’on ne peut pas faire le reproche à Paul Kagamé de n’avoir rien proposé avant et pendant son mandat pour que l’UA gagne en efficacité et en autonomie financière. Seulement, ses propositions passent mal aux yeux de certains pays membres de l’UA et pas des moindres. En effet, l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Egypte, puisqu’il s’agit d’eux, sont vent debout contre la proposition de l’homme mince de Kigali selon laquelle les pays membres doivent consacrer 2% de leurs importations au mécanisme de financement des activités de l’UA. Cette levée de boucliers cache mal le désir de ces pays de privilégier leurs intérêts nationaux au détriment de ceux de l’UA. Visiblement, les propositions du pragmatique Kagamé ont buté contre les égoïsmes nationaux si fait que l’on peut se poser la question de savoir si finalement, la messe n’a pas été dite au sujet des lumineuses propositions de l’actuel président en exercice de l’UA. En tout cas, son successeur qui, en principe, doit être le président Al Sissi de l’Egypte, risque de les froisser et de les jeter dans la corbeille pour la simple raison qu’il ne les porte pas dans son cœur. Et c’est là, une des plaies de l’UA. Les projets pertinents initiés, connaissent rarement une suite. Tout est laissé au bon vouloir de la minorité des pays qui, sur les plans économique et politique, ne comptent pas pour du beurre. Ces pays, en réalité, disposent au sein de l’UA, d’un droit de veto qui ne dit pas son nom. Malheureusement, ce n’est pas demain la veille que ce statut de membre privilégié prendra fin. Mais on peut faire le reproche à Paul Kagamé d’avoir occulté la dimension politique dans son plan de redressement de l’institution panafricaine. En effet, nulle part dans celui-ci, l’homme mince de Kigali n’a fait mention des questions des droits de l’Homme encore moins des questions de tripatouillage des Constitutions auxquelles bien des pays africains sont en proie. Et l’on peut comprendre pourquoi ces questions ne le préoccupent guère, malgré leur récurrence.

Même les chefs d’Etats commencent à ne plus croire en l’UA

La raison est que lui-même est disqualifié pour donner des leçons aux autres au risque qu’on lui balance à la face cette parabole des Ecritures Saintes : « Enlève la poutre qui se trouve dans ton œil avant de t’occuper de la paille qui se trouve dans celui d’autrui ». Pour tout dire, il n’y a pas que les questions de réformes institutionnelles et les questions de financement endogène qui parasitent le fonctionnement de l’UA. Il y a aussi le fait que cette structure fait la part belle aux dictateurs africains. C’est pourquoi l’on peut trouver curieux qu’à l’occasion de ce sommet extraordinaire, l’UA appelle au «  respect de l’ordre constitutionnel » à propos de ce qui se trame autour de la situation sanitaire du président Ali Bongo fils. L’UA est d’autant plus disqualifiée pour évoquer cette question qu’au moment où Ali Bongo opérait son hold-up électoral pour s’accrocher à son trône, elle n’avait pas daigné en piper mot. C’est pourquoi, quand Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l’UA, réaffirme « l’indéfectible attachement de l’UA au strict respect de l’ordre constitutionnel au Gabon », l’on peut avoir envie d’en rire. Car, ce n’est pas la première fois que Dame Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon, manipule la loi fondamentale selon les intérêts du clan Bongo et parfois selon ses humeurs. Mais cette inclination maladive à tirer à bout portant sur la démocratie au Gabon, a toujours laissé de marbre l’institution panafricaine. La conséquence est que personne ne prend l’UA au sérieux lorsqu’elle s’agite tant à propos de la situation sanitaire de Bongo fils et de ses implications au plan constitutionnel. Même les chefs d’Etats eux-mêmes commencent à ne plus croire en l’UA, peut-on dire. La preuve, s’il en est encore besoin, c’est qu’ils étaient seulement 22 à avoir répondu présents à ce sommet extraordinaire et cela, malgré la pertinence de l’ordre du jour.

« Le Pays »


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