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SORTIE MEDIATIQUE DU CHEF DE L’ETAT : Des Burkinabè apprécient diversement la prestation


Au cours du  grand oral que le Chef de l’Etat a accordé à la Télévision nationale (RTB), en présence de 3 journalistes pendant au moins une heure d’horloge,  les grandes questions  sur la vie de la Nation ont été posées.  Et Roch Marc Christian Kaboré s’est prêté à toutes les questions auxquelles il  s’est efforcé de répondre dans la soirée du 24 juin 2018. Sur la prestation du président du Faso, à l’occasion, les avis divergent. Nous avons tendu notre micro à des citoyens ouagalais qui ont apprécié sa prestation, à travers les lignes qui suivent.

 

Rabi Yaméogo, UPC

 

« Sur la question de l’autorité de l’Etat, on a senti que le président Roch a botté en touche »

 

« Ce que nous pouvons d’ores et déjà dire, c’est qu’il y a eu de bonnes questions posées. Sur les questions de gouvernance, le président n’a pas répondu à un certain nombre de questions. Par rapport aux  dépenses de l’Etat, aux institutions pléthoriques dont la conférence sur la rationalisation du système de rémunération des agents de l’Etat a demandé la suppression, le chef de l’Etat a donné un coup de massue en disant que la nouvelle Constitution a prévu ces institutions et qu’il n’est pas possible de les supprimer.  Aussi, par rapport au Haut représentant, il a botté en touche parce qu’il n’a même pas reconnu qu’il coûte cher à l’Etat burkinabè. Il a donné des missions qu’il souhaite confier au Haut représentant, alors que ça fait pléthore d’institutions, en plus de son cabinet ; ce qui coûte cher à l’Etat.  Vous ne pouvez pas demander aux gens de se serrer la ceinture alors que vous-mêmes vous créer des postes pour des amis.  Cela est même valable pour son cabinet. Il a été démontré par tous les cieux, que des gens sans qualification ont même été appelés dans son cabinet comme conseillers, et ça pullule à la présidence. C’est pour dire que ça fonctionne sur la base des amis et copains qu’on a mis là-bas, sans aucune efficacité. Sur la question de l’autorité de l’Etat, on a senti que le président Roch a botté en touche, parce qu’on a l’impression qu’il ne connaît même pas l’autorité d’Etat. Il dit que si quelqu’un pose un acte, il le saura ! Mais ce n’est pas ça, l’autorité de l’Etat. C’est l’incivisme ! Tout le monde sait que cela est un problème réel au niveau de l’Etat. Il y a un désordre total au niveau de la gouvernance de l’Etat. Pour un oui ou pour un non, des gens se sentent investis d’une mission, prennent la rue, crient, vocifèrent… On a des sommes qui sont dilapidées, des marchés publics mal exécutés, on a des détournements qui sont faits, et  ce n’est pas sanctionné. C’est là qu’il faut restaurer l’autorité de l’Etat, pour que le peuple comprenne qu’il est gouverné.  Sur le vote des Burkinabè de l’étranger qui est prévu par la nouvelle Constitution, le président a pris des engagements au lieu de parler des actions concrètes qui seront faites pour que ce vote de la diaspora soit effectif. Même sur l’adoption de la nouvelle Constitution, il n’est pas précis, il dit vaguement en 2019. Sur la fronde sociale par exemple, on ne peut pas discuter de la trêve sociale sans discuter avec des syndicats significatifs. C’est le poids qui compte !  Ceux avec qui le gouvernement discute, ne peuvent pas faire baisser la fièvre sociale. »

 

Dr Ablassé  Ouédraogo, président du parti politique, le Faso Autrement

 

« Il a montré aux yeux de ses compatriotes et du monde entier qu’il n’est pas en phase avec les aspirations de son peuple »

 

« Dans sa campagne de communication intensive du week-end dernier en mooré et en français pour faire le point à mi-parcours de son  mandat, Roch Marc Christian Kaboré, le Président « je m’engage », a reconnu que le Burkina Faso vivait une situation de morosité, j’allais dire de « rochosité poignante» et  une grogne sociale qui ont atteint leurs paroxysmes.  Il s’est aussi confessé sur le fait qu’il ne pourra pas éradiquer l’insécurité. Ce qui, toute chose  égale par ailleurs, compromet toute chance de relance économique de notre pays.

Il n’a cessé de réitérer ses supplications à l’endroit des fonctionnaires du ministère de l’Economie, des finances et du développement (MINEFID) en grève,  pour  une reprise du travail et  un retour à la table des négociations en même temps qu’il brandit la décision de son  gouvernement de les remplacer par les retraités et les volontaires, pour assurer la continuité du service public. Ce qui témoigne des paradoxes flagrants de sa gouvernance et son amateurisme dans la gestion de la fronde sociale.Le Président Kaboré, candidat déjà  déclaré pour 2020, a montré aux yeux de ses compatriotes et du monde entier, qu’il n’est pas en phase avec les aspirations de son peuple. Ainsi, la réconciliation nationale, qui ne semble pas le concerner au même titre que son peuple, est une impérieuse nécessité et un impératif catégorique pour la construction de la Nation. »

Gilbert Noël Ouédraogo, président de l’ADF/RDA

 

« Les Burkinabè attendent des réponses à leurs préoccupations »

 

« Je salue cet exercice qui consiste à s’adresser à la Nation,  à apporter des éléments de réponse aux questions que les gens se posent. En cela, il faut apprécier positivement la démarche.  Mais,  dans le fond des choses, par rapport aux questions posées,  le Chef de l’Etat a essayé d’expliquer certaines situations et n’est pas allé au fond des choses, alors que les Burkinabè attendent des réponses à leurs préoccupations. Le MPP a dit, pendant la campagne, qu’il était la solution et aujourd’hui, les Burkinabè n’attendent rien d’autre que la solution qui peine à se faire sentir. Si vous prenez un certain nombre de points, par exemple la question du vote des Burkinabè de l’étranger, le président a dit que ça aura lieu. C’est bien, mais il reste à préciser quels sont les Burkinabè de l’étranger qui vont voter. A mon sens, l’objectif c’est de faire en sorte que la majorité des Burkinabè de l’étranger puisse voter ! L’opposition politique dit par exemple que le kit de votation doit être le plus large possible, à savoir le passe-port, la carte d’identité biométrique et la carte consulaire qui est détenue déjà par beaucoup de Burkinabè de l’étranger. Si on dit qu’il faut la carte nationale d’identité pour voter, à ce moment, on limite le vote des Burkinabè de l’étranger, parce qu’ils doivent avoir le certificat de nationalité avant d’établir la CNIB. Ce qui veut dire qu’ils doivent se déplacer au Burkina pour cela. Ce sont des facteurs limitatifs ! De mon point de vue, il faut qu’une décision soit prise pour permettre à la majorité des Burkinabè de l’étranger de voter. Si vous prenez la question de la crise actuelle, le président Roch a essayé d’apporter des éléments de réponse. Mais nous, nous pensons que la réponse, c’est de repartir à la table des négociations. Il faut discuter avec les syndicats, il n’y a pas d’autre solution. le gouvernement a la responsabilité de la gestion de la chose publique, il doit aller vers les partenaires de manière à trouver une solution qui satisfasse le peuple. Si vous prenez la question de l’énergie, des réponses ont été données. Mais je suis surpris d’entendre le chef de l’Etat dire qu’aujourd’hui les Burkinabè ont plus de frigos, de climatiseurs, de ventilateurs, que les richesses augmentent et c’est pourquoi la demande est supérieure et qu’on n’arrive pas à la supporter. Mais ce sont les Burkinabè des grandes villes. Je ne pense pas que dans les villages où les populations sont les plus nombreuses, le nombre de climatiseurs, de ventilateurs ou de frigos ait augmenté ! Et puis, ce n’est pas là le problème. Le problème, c’est qu’il faut apporter une réponse aux besoins des Burkinabè. Et la réponse n’est pas apportée. Il y a un déficit qui est là, qui est réel, qui se constate. Et pour moins que ça dans le temps, les Burkinabè ont été plus exigeants.  Aujourd’hui, on doit reconnaître que le problème de l’énergie est une réalité au Burkina Faso. Sur la question de l’emploi, on a dit qu’il y a une amélioration avec 190 000 emplois créés. Et comme les gens sur les réseaux sociaux, je me demande quels sont ces gens à qui ont profité ces emplois. Puisque la jeunesse ne sent pas vraiment ce degré de création d’emplois. »

Daouda Ouattara, Coordonnateur du mouvement « Y en a marre » à Bobo-Dioulasso

 

« C’est une première et il a fait l’unanimité à travers  cette sortie médiatique »

 

« Le chef de l’Etat a été formidable. C’est une première et il a fait l’unanimité à travers  cette sortie médiatique. Avec les grèves, au début, les gens ont voulu le pousser à des sanctions massives, à des licenciements  massifs. En tout cas, c’était de la provocation. Mais avec le temps, on a compris que c’est la population même qui est en train de prendre position pour le chef de l’Etat. C’est un constat. Je me dis que depuis longtemps, les gens veulent le pousser à des sanctions, mais non, il a fait le jeu et aujourd’hui, voilà, un homme de paix, dans son message. Même des  gens qui avaient des positions dures à son égard, ont reconnu que le chef de l’Etat est sage, a parlé en bon chef de famille à sa famille. »

Paul Kaboré, SG  de l’Organisation nationale des syndicats libres (ONSL)

 

« Ce qui m’a plu, c’est le fait qu’il a insisté sur le dialogue »

 

« Ce qui m’a plu, c’est le fait qu’il a insisté sur le dialogue. Sans dialogue social, il n’y a pas de paix. Je pense que ce serait bien que chacun de nous essaie de mettre de l’eau dans son vin, pour qu’on puisse se rencontrer et trouver des solutions à nos problèmes sociaux. »

 

Ousséni Ganemtoré, agent des Eaux et forêts

 

« J’ai apprécié positivement sa prestation »

 

« Concernant l’intervention du chef de l’Etat, personnellement, j’ai apprécié positivement sa prestation  en ce sens qu’il n’y a pas eu de sujet tabou, que ce soit le samedi dans sa sortie médiatique en mooré, ou le dimanche en français. Les questions pertinentes, c’est notamment la sécurité du pays, la question du Fonds commun qui a tendance à diviser les travailleurs. En toute objectivité, pour moi, les réponses qu’il a apportées à ces deux questions sont sincères et honnêtes. Souvent, pour certaines préoccupations, comme on le dit souvent, c’est bon qu’on laisse un tout petit peu la passion de côté et aborder les sujets de façon objective. »

 

Ercic Compaoré, Commerçant

 

« Il faut que les gens commencent à parler, à être mécontents pour qu’il prenne des décisions »

 

« De ce que j’ai écouté, je ne pense pas qu’il ait dit quelque chose de vraiment spécial. Puisque, chaque fois il répétait, « c’est dans le rôle de l’Etat de faire ceci, c’est dans notre rôle de l’Etat de faire cela …» Au fond, il n’a rien dit de bon, il a tourné autour et a survolé les questions. Il disait à chaque fois qu’on va revoir ça, c’est dans le rôle de l’Etat de… Par rapport à l’autorité de l’Etat, il dit que le bateau est mené. Je ne pense même pas que le bateau soit mené. Chaque fois, il faut que les gens commencent à parler, à être mécontents pour qu’il prenne des décisions. On a l’impression qu’il a peur de certaines personnes dans le pays ou dans le gouvernement. Sur la question du militaire blessé, il a fallu que les gens parlent, crient pour qu’il soit évacué. Quand même, il faut voir que ce n’est pas bien. »

Robert Zoungrana, cadre comptable et financier

 

« Il fallait qu’il intervienne pour créer l’apaisement et se faire comprendre »

 

« J’ai bien apprécié l’intervention du Chef de l’Etat. Son intervention est venue au bon moment, vu la grogne sociale. Vu le climat social même qui régnait à Ouagadougou  et dans les autres villes, il fallait qu’il intervienne pour créer l’apaisement et se faire comprendre. Sinon, ce n’était pas évident qu’en l’absence de cette communication, les populations n’aient pas une autre compréhension des actions du gouvernement, autre que ce que le chef de l’Etat a dit.  Je pense que pour certaines questions, il  n’a pas approfondi les réponses, et je comprends, puisque quand tu n’as pas les données chiffrées sous la main, c’est difficile… et le temps ne lui permettait pas d’aller trop dans les détails. »

 

Propos recueillis par Lonsani SANOGO

 


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