HomeA la uneTEMPETE SUR LE SECOND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE AU PAYS DE KOUNTCHE : Le fleuve Niger sortira-t-il  de son lit ?  

TEMPETE SUR LE SECOND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE AU PAYS DE KOUNTCHE : Le fleuve Niger sortira-t-il  de son lit ?  


 

Alors que le second tour de l’élection présidentielle est prévu pour le 20 mars prochain, la coalition de l’opposition nigerienne, la COPA 2016, soutenant Hama Amadou qui devait affronter le président sortant, Mahamadou Issoufou, a annoncé, le 8 mars dernier à Niamey, la suspension de sa participation au processus électoral. Seyni Oumarou, son porte-parole, a justifié cette décision par l’absence de proclamation officielle des résultats du 1er tour du 21 février dernier et « l’inéquité de traitement entre les deux candidats » à la présidentielle.

Les alliés de Hama Amadou reprochent aux institutions en charge des élections, de tordre le cou à la réglementation

Il faut rappeler que le principal rival du président sortant est présentement emprisonné, suite à une affaire controversée de trafic de bébés. De plus, l’opposition estime que la durée de la campagne électorale du second tour a été réduite de 21 à 10 jours en violation flagrante de la Constitution. En somme, les alliés de Hama Amadou reprochent aux institutions nigériennes en charge des élections, de tordre le cou à la réglementation en vigueur pour favoriser le passage en force de Mahamadou Issoufou. Et si d’aventure, ces reproches venaient à s’avérer, tous ceux qui sont épris de démocratie ne manqueraient pas d’associer leur voix à celle de l’opposition pour crier leur indignation. Car, Mahamadou Issoufou qui avait accédé au pouvoir dans les règles de l’art et ce, après les tentatives infructueuses de Mamadou Tandja de s’accrocher à son fauteuil, n’a aucune excuse aujourd’hui de se faire élire en suivant des voies peu orthodoxes en matière de démocratie. Cela dit, et à bien analyser les choses, l’on peut faire le constat que la décision de l’opposition de suspendre sa participation au processus électoral à l’occasion du second tour de la présidentielle, s’inscrit dans une logique qui n’a pas varié d’un iota depuis le premier tour du scrutin. En effet, depuis cette date, elle semble avoir pris la résolution ferme de faire feu de tout bois pour faire passer Issoufou pour un dictateur et jeter le discrédit sur la CENI (Commission électorale nationale indépendante) et la Cour constitutionnelle. Elle avait reproché notamment à ces deux institutions, on s’en souvient, de « fabriquer des résultats » de sorte à permettre au candidat Issoufou de réaliser le coup K.-O. Dans la foulée, l’opposition avait dénoncé le vote par témoignage qui, rappelons-le, avait été jugé conforme aux lois de la République par les instances habilitées à le faire. Entre-temps, les urnes ont parlé et ont démenti les préjugés de l’opposition, puisque le coup K.-O. n’a pas eu lieu. D’ailleurs, tous les observateurs présents au Niger avaient joint leurs voix sans ambiguité pour dire que les choses s’étaient relativement bien passées. L’on avait eu alors la faiblesse de croire que le processus électoral se poursuivrait jusqu’à son terme pour que les Nigériens, dans la paix, élisent démocratiquement leur nouveau président le 20 mars prochain pour les 5 ans à venir. Cette perspective est désormais menacée par  l’opposition qui vient de prendre la décision grave de suspendre sa participation au processus électoral, tout en maintenant la candidature de son poulain. Et elle n’exclut pas d’aller jusqu’au boycott. Et comme pour signifier que la météo politique pourrait se gâter les jours à venir si ses préoccupations n’étaient pas prises en compte, l’opposition a abouti à cette conclusion : « La COPA tient le président Issoufou et la Cour constitutionnelle pour seuls responsables de la dégradation de la situation sociopolitique du Niger ».

La démocratie est plus que jamais en danger au Niger

De ce point de vue, l’on peut craindre une tempête sur le second tour de la présidentielle, qui pourrait faire sortir de son lit le fleuve Niger. Cette hypothèse est à prendre très au sérieux. Car, elle exposerait le pays à un chaos dont pourraient profiter les djihadistes déjà présents dans la sous-région, pour mettre tout le pays sous coupe réglée. Sans oublier que certains éléments de l’armée ne sont pas encore acquis à la cause de la démocratie. Ils pourraient prétexter d’un éventuel pourrissement du climat sociopolitique pour s’inviter au débat politique en commettant l’irréparable. Et ce dernier scénario-catastrophe pourrait ne pas gêner outre mesure certains ténors de l’opposition. En effet, l’on a l’impression que ces derniers, face à la victoire plus que probable du président sortant au second tour de la présidentielle, au regard du score qu’il a réalisé au premier tour (48%) et au regard du soutien et pas des moindres que vient de lui apporter Ibrahim Yacouba du MPN Kiishin Kassa, ont opté pour la stratégie du lépreux qui, incapable de traire la vache, se décide par dépit de renverser la calebasse de lait. L’heure est donc grave pour le Niger. Et la démocratie y est plus que jamais en danger. Mais il n’est pas encore tard pour la sauver. Pour ce faire, toutes les contributions sont attendues. A commencer prioritairement par celle des Nigériens eux-mêmes. Ceux-ci doivent activer au plus vite tous les mécanismes de résolution des tensions politiques dont le Niger  dispose déjà pour désamorcer la bombe politique qui se profile à l’horizon. A cet effort endogène et patriotique pour le salut du Niger, pourraient s’ajouter des actions multiformes d’organisations sous-régionales comme la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) pour empêcher que le Niger ne bascule dans le giron des forces du mal. L’opposition, tout comme le camp du président sortant, doivent en prendre conscience pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le Niger qui a trop souffert de par le passé de l’instabilité politique et qui est l’un des pays les plus pauvres de la planète, ne peut pas s’offrir le luxe de se déchirer politiquement au point de remettre en cause son existence en tant que nation. Plaise donc aux bons génies du fleuve Niger et de ceux du désert du Ténéré, d’inspirer positivement les Nigériens et Nigériennes par ces temps qui s’annoncent difficiles pour leur pays.

« Le Pays »


Comments
  • Certes j’ai eu très peu d’occasions – lors de mes séjours à Ouagadougou – de lire votre journal “Le Pays”. Mais je suis régulièrement certaines de ses analyses à travers la revue de presse de Radio France Internationale (RFI). J’avoue que j’ai toujours apprécié vos analyses sur la situation politique à l’échelle du continent. Mais laissez-moi vous dire que depuis quelques temps je commence à me poser de questions quant au respect par votre journal de sa “ligne éditoriale”. Je peux bien me tromper dans l’appréciation, mais j’ai comme l’impression que “Le pays” roule depuis quelques temps par le pouvoir de Niamey et celui récemment installé de Ouagadougou. Quand, dans l’article ci-dessous, vous reprochez à l’opposition nigérienne de vouloir saper le processus électoral en cours, face à une victoire certaine du Président-candidat Issoufou Mahamadou, vous faites une analyse réductrice – pour ne pas dire tendancieuse – de ce qui se passe actuellement au Niger. Il me semble que vous avez même envoyé un journaliste au Niger pour couvrir le premier tour de l’élection présidentielle. Peut-être qu’il est déjà réparti. Sinon vous pouvez lui demander de jeter un coup d’œil dans les textes nigériens en matière électorale pour se rendre compte d’au moins deux injustices criardes. D’abord, la loi a clairement dit qu’à l’issue d’une élection les partis politiques ont jusqu’à 15 jours après la proclamation des résultats provisoires par la CENI pour introduire des recours au niveau de la Cour constitutionnelle. Ce délai n’a pas été du tout respecté puisque c’est à partir du 8ème jour que la Cour a sorti son arrêt proclamant les résultats définitifs, coupant ainsi l’herbe sous les pieds à tous les partis qui veulent introduire des recours. Vous pensez sincèrement que même dans le cadre d’un simple concours il est juste de publier la liste définitive des candidats avant la fin du délai donné aux candidats pour déposer leurs dossiers?
    Ensuite la loi a clairement dit que les arrêts de la Cour constitutionnelle sont rendus en séance publique. Renseignez-vous auprès de qui vous voulez, l’arrêt de la Cour proclamant les résultats définitifs du premier tour n’a pas, à ce jour encore, été publié. C’est nuitamment que cette institution l’a envoyé au ministère de l’Intérieur et dans la même nuit le Président de la République a décrété l’ouverture de la campagne et dès le lendemain très tôt il a pris son avion pour aller en campagne à l’intérieur. Les responsables de l’opposition ont été informés comme tout le monde par les médias de cet état de fait. Vous pensez honnêtement que cette façon de faire est juste dans une démocratie qui se respecte? Vous êtes un journal qui compte parmi les plus respectés du continent. Évitez de vous laisser manipuler et faites de la vraie information. Merci et bonne suite.

    12 mars 2016

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