HomeA la uneVISITE DU PAPE FRANÇOIS AU MAROC. : L’Evangile selon Saint François sera-t-il entendu ?

VISITE DU PAPE FRANÇOIS AU MAROC. : L’Evangile selon Saint François sera-t-il entendu ?


C’est sous une pluie diluvienne et à bord de son iconique « papamobile”, que le souverain pontife est arrivé samedi dernier, à la mythique mosquée Hassan de Rabat, où l’attendaient plusieurs milliers de personnes qui ont défié l’intempérie du jour pour l’accueillir en grande pompe, sous le regard visiblement admiratif du roi du Maroc et Commandeur des croyants, Mohamed VI. Cette visite apostolique s’est poursuivie le dimanche, et a été l’occasion pour les deux autorités religieuses d’aborder des questions multidimensionnelles comme la nécessité de la coexistence pacifique entre les trois religions abrahamiques que sont l’islam, le christianisme et le judaïsme, le statut de la ville sainte de Jérusalem et l’épineux problème de la migration, notamment des subsahariens vers de prétendus eldorados européens. Ces 48 heures de visite papale ont été riches en symboles, d’abord parce que, sauf erreur ou omission, c’est la deuxième fois qu’un chef de l’Eglise catholique romaine foule le sol du Royaume chérifien, la première fois remontant à 34 ans déjà, lorsque le Pape Jean Paul II s’y était rendu, le 20 août 1985. Rappelons que ce voyage-là fut inédit dans l’histoire, puisqu’aucun souverain pontife n’avait auparavant rendu visite à un pays musulman. Une chose est sûre, c’est que cette rencontre de 1985 entre Jean Paul II et le roi du Maroc d’alors, Hassan II, avait donné un coup d’accélérateur au dialogue interreligieux dont leurs successeurs, le pape François et le roi Mohamed VI se sont érigés en chantres et fervents défenseurs, comme l’ont attesté les appels respectifs de ces derniers à la tolérance religieuse et à la préservation de la ville sainte de Jérusalem comme un patrimoine commun de l’humanité, où les 3 religions monothéistes peuvent être librement pratiquées comme ce fut toujours le cas depuis des millénaires. On peut également considérer ces discours œcuméniques comme hautement symboliques, eu égard au contexte actuel marqué par le radicalisme religieux et la montée des périls au Moyen-Orient.

Les intentions sont nobles

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Mohamed VI et son hôte ne se sont pas embarrassés de formules diplomatiques pour rappeler à l’Etat hébreu et à son puissant allié américain, que l’unicité et la sacralité de Jérusalem doivent être préservées à tout prix, pour ne pas annihiler tous les efforts qu’ils consentent dans la lutte contre l’extrémisme et les antagonismes religieux. Seront-ils entendus par Tel-Aviv et Washington ? Rien n’est moins sûr, surtout quand on connaît les penchants quasi pathologiques de Benyamin Netanyahu et de Donald Trump pour la polémique et la défiance quand il s’agit des questions qui touchent à la Palestine et aux territoires occupés. Pour autant, le pape François et Mohamed VI auront eu le mérite de prôner le dialogue et la modération dans ce dossier ultra-sensible, tout comme ils ont eu le courage et la décence de se prononcer sur le sort des migrants africains dont beaucoup transitent par le Maroc avant de passer de l’autre côté de la Méditerranée. Le pape François a encore une fois mis un point d’honneur à inviter les gouvernements européens et les autorités des pays de transit, à traiter, de façon humaine, ceux qui prennent des risques inconsidérés pour espérer avoir de meilleures conditions de vie en Europe. Pas sûr que cet appel à plus d’humanisme soit, lui aussi, entendu, d’autant que le Maroc lui-même a été plusieurs fois pointé du doigt pour les maltraitances sur son sol des pauvres migrants qui ont choisi de passer par là plutôt que de mourir en mer, en transitant par la Libye.  Au total, cette visite au pas de course du pape François à Rabat, samedi dernier et à Casablanca dimanche, lui a permis de revenir largement sur les priorités de son pontificat, à savoir le dialogue entre les différents courants religieux et la problématique des migrations. Dans la forme et dans le fond, les intentions sont nobles, mais il est fort probable malheureusement que l’Evangile selon saint François ne soit pas entendu ou accepté par le public-cible, d’autant qu’ils sont nombreux à reprocher au pape actuel le fait qu’il ait abandonné les fondamentaux de la doctrine catholique, pour faire de la politique politicienne en allant « en mission aux périphéries du monde, auprès des laissés-pour-compte ».

Hamadou GADIAGA


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