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TRANSITION AU MALI


Il n’a pas fallu beaucoup de temps à Assimi Goïta et ses frères d’armes pour se plier aux injonctions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui n’a cessé de réclamer que la Transition au Mali soit dirigée par un civil. Ils ont, en effet, vite fait de jeter leur dévolu sur un des leurs, le colonel à la retraite, Bah Daw. Et vraisemblablement, cette désignation provoque des grincements de dents, notamment au sein du Mouvement du 5 Juin (M5) qui conteste le mode de désignation de celui qui devrait être le nouvel homme fort du Mali. Les leaders du Mouvement affirment qu’en lieu et place du fonctionnement démocratique et consensuel du collège électoral, l’on a simplement assisté à une imposition du nouveau chef de la Transition par la lecture d’un simple communiqué émanant de la junte au pouvoir. Ils estiment donc que le choix de Bah N’Daw n’engage que la junte.  Les questions que l’on peut dès lors se poser, sont les suivantes : que feront les compagnons de lutte de l’imam Dicko ?

 

 

Les Maliens doivent tourner la page du passé et se tourner résolument vers l’avenir

 

Vont-ils accepter le fait accompli au risque de se voir forcer la main dans les mêmes conditions pour la mise en place des autres organes de la Transition ? Ou alors, vont-ils engager un bras de fer avec la soldatesque en lançant leurs ouailles dans la rue comme ce fut le cas contre le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) ? Il est trop tôt pour le dire mais une chose est certaine : les Maliens doivent tourner la page du passé et se tourner résolument vers l’avenir. Il y a eu déjà trop de temps perdu et les sanctions qu’endurent les populations, risquent d’hypothéquer leur élan à accompagner la longue genèse du « Mali nouveau » auquel elles aspirent. Et de toute façon, le peuple malien ne peut s’en prendre qu’à lui-même car il apprend aussi dans la douleur qu’il n’y a pas de bon coup d’Etat et qu’il faut se garder d’applaudir l’immixtion des militaires sur la scène politique.  L’autre inconnue par rapport à la désignation de l’ex-colonel à la tête de la Transition au Mali, est la réaction de la CEDEAO. L’organisation communautaire va-t-elle adouber l’homme choisi pour veiller à la destinée des Maliens quand on sait que la junte militaire a rusé avec les textes pour reprendre de la main droite ce qu’elle avait lâché de la gauche ? Rien de bien sûr si le M5 qui se sent « enfariné » dans ce choix du nouveau président de la Transition, venait à donner de la voix pour dénoncer le passage en force. En attendant que l’avenir nous situe, l’on peut dire que le grand gagnant de cette foire aux dupes, est le colonel Assimi Goïta. L’homme peut se tirer avec le statut d’ancien Chef de l’Etat et occupe le poste stratégique de la vice-présidence avec des prérogatives que d’aucuns jugent disproportionnées, en l’occurrence la défense, la sécurité et la refondation de l’Etat. Les Chefs d’Etat de la CEDEAO avaient d’ailleurs exigé que la charte de la Transition soit relue pour donner ces attributions au Président de la Transition. Mieux, il s’est fait une publicité gratuite pour revenir, qui sait,  briguer plus tard  un mandat présidentiel comme l’avait fait le général Amadou Toumani Touré.

 

 

Le nouveau président pourrait être l’homme de la situation

 

Contrairement au sort du capitaine Amadou Aya Sanogo, l’affaire semble plutôt du tout bénef pour Goïta.  Cela dit, l’on peut bien se poser la question suivante : Que pourra Bah N’Daw et de quelle marge de manœuvre disposera-t-il pour agir en tant que Chef de l’Etat ? A ce que l’on dit, l’homme a le profil de l’emploi. Certaines sources ne tarissent pas d’éloges à l’endroit du  nouveau Chef de l’Etat. « Bah N’Daw est un homme droit, intègre, patriote, qui n’a pas les mains trempées dans des magouilles », a-t-on pu entendre. D’autres encore relatent qu’il n’aurait pas hésité, autrefois, à démissionner de son poste d’aide de camp du général Moussa Traoré alors président de la République. Si cette renommée n’est pas surfaite ni une légende créée pour faire accepter le diktat de la junte, le nouveau président est un homme de poigne qui pourrait bien être l’homme de la situation. On peut donc penser qu’il pourrait tenir tête, s’il le faut, à son mentor et ombre que sera inéluctablement Assimi Goïta. Mais l’on imagine que la tâche ne sera pas de tout repos. Et pour cause. D’abord, l’homme devra se livrer à des travaux herculéens. Il devra, en effet, relever le défi de la sécurité, lancer le vaste chantier de la réconciliation des Maliens et surtout organiser des élections démocratiques, inclusives et transparentes, acceptées dans un contexte de partition de fait du pays et d’insécurité généralisée. Ensuite, pour garder ses marges de manœuvre, il devra s’affranchir de la tutelle de celui qui l’a fait roi. Et cela, l’on imagine que ce sera tout, sauf de la tarte. Enfin, l’on peut bien se demander de quelle légitimité il disposera pour agir, quand on sait qu’il est déjà contesté par une partie de la classe politique et de la société civile qui croit disposer, elle, de la légitimité d’avoir provoqué la chute du président IBK. Dans un tel contexte, rien, en tout cas, ne garantit qu’il aura le franc accompagnement des Maliens pour réussir la mission qu’on lui a assignée.

 

« Le Pays »

 

 

 


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