HomeBaromètreLETTRE OUVRTE AU PRESIDENT DU FASO:« Il n’y a ni rime ni raison à comparer l’esclavage à une affaire de mandats présidentiels »

LETTRE OUVRTE AU PRESIDENT DU FASO:« Il n’y a ni rime ni raison à comparer l’esclavage à une affaire de mandats présidentiels »


L’auteur de la présente lettre ouverte adressée au président du Faso, lui reproche dans sa réplique au président Barack Obama d’avoir comparé la ségrégation raciale à une affaire de mandats présidentiels. Lisez

 

Cher Président,

C’est avec à la fois un cœur plein d’amertume et de tristesse que je vous écris cette lettre pour vous faire part de mes points de vue sur la situation politique de notre cher pays dont je suis fier d’en être un digne citoyen. En effet, Monsieur le Président, je n’ai pas votre expérience politique et votre expérience d’homme politique averti ; mais je crois, en tant que citoyen vivant au Burkina Faso, en tant qu’humble observateur de la scène politique nationale, et enfin en tant qu’étudiant en Sciences juridiques et politiques, avoir le bagage intellectuel nécessaire pour m’exprimer sur les questions politiques de ma patrie.

Excellence, j’aimerais tout d’abord commencer par vous remercier pour les acquis que vous avez engrangés pour notre pays durant les 27 années que vous avez passées a la tête de l’Etat burkinabè, car il faudrait être aveugle pour ne pas voir les changements que notre pays a connus au cours de ces années, et nous vous en sommes très reconnaissants. Mais, nonobstant tous ces efforts que vous faites, la loi fondamentale de notre pays en son article 37 ne vous autorise plus à vous représenter aux prochaines élections présidentielles en 2015. Toute chose que je pense être normale et conforme à la logique démocratique, dans la mesure où l’alternance est l’un des principes fondamentaux qui président au bon fonctionnement de tout régime démocratique. Dans ce sens, permettez-moi, Monsieur le Président, de citer Aristote qui disait que : « Etre citoyen, c’est être tour à tour gouvernant et gouverné. » Autrement dit, Excellence, quand on est aujourd’hui gouvernant, la logique voudrait que l’on soit demain gouverné, afin de donner ainsi à chaque citoyen la chance de pouvoir gouverner un jour et apporter sa contribution à l’édification d’une nation forte et prospère.

Voyez-vous, Monsieur le Président, j’ai 22 ans et s’il y a une chose que je regrette déjà, c’est d’être né après la Révolution du 4 août 1983, car j’aurais bien voulu la vivre au lieu de la lire dans les manuels d’histoire. Cependant, s’il y a une chose que ces manuels m’ont apprise sur cette Révolution, c’est que c’est avec elle que ce pays a connu de grands changements notamment un changement de nom et est passé de Haute-Volta au Burkina Faso (pays des hommes intègres), un changement de drapeau, de devise et d’hymne national ; et tout cela grâce à un homme hors du commun appelé Thomas Sankara que j’ai aimé, que j’aime encore et continuerai d’aimer même sans l’avoir connu, et dont j’ai toujours épousé l’idéologie jusqu’aujourd’hui.

Excellence, s’il y a également une chose que j’ai du mal à comprendre, c’est pourquoi un citoyen américain ou français de 22 ans comme moi connaît au moins quatre Présidents, donc quatre différentes manières de gouverner, alors que moi, Burkinabè, je ne connais qu’un seul Président, donc une seule manière de gouverner depuis 22 ans ? Peut-être avez-vous la réponse à cette question !

Ensuite, situation politique nationale oblige, je me sens contraint Monsieur le Président de me prononcer sur les entretiens que vous avez eus avec certains medias internationaux lors de votre séjour à Washington dans le cadre du sommet Etats-Unis d’Amérique/Afrique, et l’entretien qui a le plus attiré mon attention et dont je veux bien parler Excellence, c’est celui que vous avez eu avec la rédaction de Radio France International (RFI). En effet, vous aviez dit, lors de votre interview, que vous pensez que 2015 est bien loin pour que vous dites si vous allez vous représenter aux élections présidentielles ou pas. Mais, avec tout le respect que je vous dois, Monsieur le Président, je pense que pour quelqu’un qui a passé 27 ans au pouvoir et qui ne les trouve pas assez longs pour le quitter ne doit pas trouver que quelques mois sont longs pour se prononcer sur sa candidature à des élections en 2015.

En outre, vous aviez également affirmé dans ce même entretien que vous vous préoccupiez d’autres chantiers que de l’organisation d’un référendum en vue de la révision de l’article 37 de la Constitution. A vous entendre, la question que je me pose immédiatement est la suivante : En qualité de qui vous préoccupez-vous de ces chantiers ? Evidemment c’est en qualité de Président du Faso Alors vous devrez savoir que la question du référendum, de la révision de l’article 37 et, partant, de la personne qui gouvernera le pays en 2015, préoccupe le peuple burkinabè autant que vos chantiers vous préoccupent. Par conséquent, je crois que cette question mérite que vous lui accordiez, en tant que Président du Faso, la même valeur que celle que vous accordez à vos fameux chantiers.

Enfin, Excellence Monsieur Blaise Compaoré, toujours à propos de cet entretien sur RFI, vous aviez dit en réplique au Président Obama qu’il n’y a pas d’institutions fortes sans hommes forts, et que les Etats-Unis avaient eu besoin d’hommes forts au temps de l’esclavage et de la ségrégation raciale. Mais Monsieur le Président, je pense qu’il n’y a ni rime ni raison à comparer la ségrégation raciale et l’esclavage à une affaire de mandats présidentiels, et donc d’alternance à la tête d’un Etat, car en rappel Excellence, les Etats-Unis, malgré la ségrégation raciale et autres, ont eu jusqu’à nos jours 44 Présidents, et un seul a vu prolonger son nombre de mandats présidentiels de deux à trois par le peuple souverain américain pour avoir sorti le pays de la crise économique. Il s’agit, et vous le savez bien, du Président Franklin Delano Roosvelt.

Et même si, Monsieur le Président, l’on s’inscrivait dans votre logique qui voudrait que les institutions fortes soient batties par des hommes forts, il ne s’agit nullement des hommes forts auxquels vous faites allusion, car je pense que les hommes forts dont l’Afrique a besoin, ce sont de véritables combattants de la liberté, des hommes capables de faire des sacrifices et des concessions, même au péril de leur vie pour le bien-être des générations futures et la survie de la postérité, des hommes capables de lutter pour l’intérêt général du peuple, tels que Martin Luther King, Marcus Garvey, Malcom X , Gandhi, Che Guevara, Nelson Mandela, Kwamé N’Krumah, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Norbert Zongo etc. Et non des « hommes forts » qui servent des intérêts personnels, qui s’inquiètent peu de la postérité et qui veulent demeurer au pouvoir pour l’éternité comme s’ils étaient nés pour gouverner.

Excellence, je suis déjà au terme de cette lettre, j’aimerais tant pouvoir dire beaucoup d’autres choses, mais hélas ! On ne peut tout dire et encore moins dans une lettre.

Je terminerai donc mes propos en insistant sur le fait que vous seul et personne d’autre Monsieur le Président, avez entre vos mains le destin de ce pays et celui de nombreux jeunes burkinabè comme moi, alors je vous demande du fond du cœur de prendre la bonne décision concernant l’opportunité de l’organisation d’un référendum à coup de milliards, et également en ce qui concerne votre candidature en 2015.

Je sais que de telles décisions sont difficiles à prendre, car quand on a l’habitude de croire que ça n’arrive qu’aux autres, l’on admet difficilement que ce soit son tour. Et j’espère que vous ne serez pas ce féticheur que les gens partaient consulter pour connaître le jour de leur mort et qui, un jour, décida de consulter ses fétiches pour connaître le jour de sa propre mort et découvrit malheureusement qu’il devra mourir le lendemain seulement. Désemparé, il pleura toute la nuit jusqu’à ce que la mort le trouva sans qu’il ne puisse rien faire. Juste pour vous dire tout simplement, Excellence, que votre tour est arrivé de laisser le pouvoir à quelqu’un d’autre et que quelque soient les moyens que vous emploierez pour vous y maintenir, ils seront vains, car ce n’est ni votre faute, ni la nôtre, mais tout simplement le destin.

Monsieur le Président, je vous quitte sur ces lignes en espérant qu’après lecture de cette lettre vous ferez preuve de la sagesse dont je vous ai toujours connu.

Très cordialement à vous.

Abdoul Rachidi Tapsoba, étudiant en faculté de Droit

à l’université Aube-Nouvelle.


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