HomeOmbre et lumièreNOUVELLE DU VENDREDI : Ti-Noogo et Ti-Beedo

NOUVELLE DU VENDREDI : Ti-Noogo et Ti-Beedo


 

Quand le monde était encore jeune et que les choses de la vie étaient différentes, un paysan planta un jour deux arbres fruitiers. Le cher homme nourrissait un profond espoir de cueillir dans l’avenir le salaire de ses efforts.

 À deux pas l’un de l’autre, les deux arbres reçurent de leur protecteur les mêmes soins, le même amour, le même entretien.

  «  Tout a un prix à payer, dans la vie »,  disent les anciens.

Le temps passa  et l’âge adulte marqua les deux  végétaux.

L’heure de récompenser le planteur par une production sonna.Le premier arbre par ses fruits doux, parfumés et succulents se fit nommer Ti-Noogo, le bon arbre par les enfants du paysan.Le deuxième arbre fit sortir  de sa sève des fruits amers, âpres et nauséabonds. Même les pauvres bêtes affamées ignoraient sa production tombée sur le sol. Le planteur l’avait tristement baptisé Ti-Beedo, le mauvais arbre.Pendant la période de production, les branches de Ti-Noogo, le bon arbre, étaient prises d’assaut par les gamins. Les femmes, en allant au puits, lui rendaient visite. Les personnes âgées secouaient de leur canne son feuillage. Les hommes, en allant aux champs, le saluaient.

Ti-Noogo était l’arbre préféré du paysan et de sa famille.

Ti- Beedo, le mauvais arbre, juste à côté, était à peine remarqué. Cela le peinait, mais ses fruits sans valeur lui assuraient une certaine tranquillité.

Par contre, son frère et voisin Ti-Noogo, le bon arbre, de l’aube au crépuscule, était sollicité, envahi et  étouffé.

Cette affluence finit par agacer le bon serviteur. Il se confia à son frère et voisin, l’arbre aux fruits répugnants.

 – Mon frère, je n’en peux plus ! Je souffre le martyre au quotidien ! Je suis à bout de souffle !

 – Comment veux-tu qu’il en soit autrement ? demanda amèrement  Ti-Beedo, saisissant là une occasion de détourner la chère créature du droit chemin.

Ce n’est que le juste salaire de ta bonté ! Regarde tes feuilles jonchant le sol, tes racines débordantes blessées, ton tronc déchiré, tes branches écorchées par les talons…je ne parle pas de tes fruits saccagés par les bâtons…si tel est le prix de la gentillesse…je m’en passe ! Je préfère ma méchanceté et ma tranquillité !

 – Comment faire pour avoir comme toi… une petite vie tranquille ? se demanda d’une façon plaintive la bonne âme.

  Tu n’as qu’à faire comme moi ! Deviens méchant et les hommes te foutront une paix royale.

Suis mes pas et tu ne seras plus inquiété, conseilla le mauvais arbre.

 Ti-Beedo, le mauvais arbre, finit par convaincre Ti-Noogo, le bon arbre.

L’année suivante, à la saison de production, Ti-Noogo fit sortir de ses entrailles des fruits encore plus amers que son frère de race. Tous les visiteurs s’éclipsèrent. Ils évitaient maintenant les deux arbres.

Sans s’en douter un seul instant, les deux plantes venaient de se condamner.

  Un beau matin,  deux bûcherons déposèrent leurs haches à l’ombre de Ti-Beedo et Ti-Noogo avant même que ceux-ci ne sachent ce qui leur arrivait.Un instant après, les lames d’acier déchiraient les troncs de nos deux arbres. Leur destin était scellé par le planteur pour donner place à d’autres végétaux plus cléments.   C’était déjà trop tard et le bon arbre, en rendant l’âme, comprit ceci : il faut toujours rester bon et généreux, quel que soit  le sacrifice enduré. Quant au mauvais arbre, avant de verser des larmes d’agonie, il eut juste le temps de méditer ceci : « Il faut toujours l’ombre des bons et des justes pour que les méchants et les hypocrites respirent leur tranquillité ». 

Extrait du livre «  les contes de Duna 3 »

 Ousseni Nikiema, 70-13-25-96

[email protected]

 


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