HomeA la uneTGI DE OUAGA : Naïm Touré condamné à deux mois de prison ferme

TGI DE OUAGA : Naïm Touré condamné à deux mois de prison ferme


Le mercredi 27 juillet 2018, le cyber-activiste Naïm Touré était devant la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Après environ trois heures d’audience ponctuée par les interventions des juges, du procureur, du prévenu et des avocats de la défense, le ministère public a requis contre le prévenu 12 mois de prison ferme pour les chefs d’accusation suivants : « Proposition non agréée à former un complot contre la sûreté de l’Etat », « participation à une entreprise de démoralisation des forces de l’ordre », « incitation de troubles à l’ordre public ».  Après examen de l’affaire, le tribunal a livré son verdict le 3 juillet 2018 à Ouagadougou.

 

Deux mois de prison ferme est la peine qui a été retenue contre Naïm Touré. Le verdict est tombé le mercredi 3 juillet au Tribunal de grande instance de Ouagadougou, en présence de membres d’organisations de la société civile et de membres des organismes de défense des droits humains. Il est à noter que sur les trois chefs d’accusation, la culpabilité du prévenu n’a été retenue que pour un chef d’accusation, à savoir « l’incitation de troubles à l’ordre public ». Me Prosper Farama, membre du collectif d’avocats qui a défendu le cyber-activiste Naïm Touré, explique de façon simple le verdict du juge : « Naïm Touré n’a jamais commis de complot parce qu’il n’a jamais proposé à quelqu’un de former un complot pour renverser un régime. Il n’a pas participé à une opération de démoralisation des forces armées mais par contre, il aurait incité les forces armées à semer du trouble ». Tout compte fait, Me Prosper Farama trouve que « c’est une sanction qui n’est pas conforme aux plaidoiries qui ont été faites et il est très probable qu’il y ait un appel contre cette décision ». Du reste, il trouve que cette condamnation est un message très inquiétant « parce que lorsqu’on en arrive à cette situation, juste quelques années après l’insurrection, évidemment qu’on est inquiet ».  Me Farama estime que ce verdict « est une piqûre de rappel pour tous les combattants de la liberté au Burkina Faso. Pour leur dire que le combat n’est pas terminé, qu’il est temps que les gens se réveillent et qu’en s’endormant, ils  finissent par perdre ce qui était considéré comme acquis ». Le verdict est tombé en présence des membres de la famille du cyber-activiste. Yasmine Touré, qui s’est présentée comme la grande sœur de Naïm Touré et  juriste de formation, dit « ne pas comprendre le verdict du tribunal », du moment où « tous les chefs d’accusations ont été démontés par les avocats ». En tout cas, elle estime que « la condamnation n’a pas sa raison d’être, parce qu’on ne peut condamner quelqu’un pour une publication sur facebook et on ne peut pas gouverner quelqu’un sur facebook ». « Je suis déçue et révoltée », conclut-elle.

Françoise DEMBELE

 Ali Sanou, secrétaire général du MBDHP

 « Ce verdict consacre le recul de la liberté d’opinion et d’expression au Burkina Faso »

 « C’est un verdict fort regrettable parce qu’il consacre le recul de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression au Burkina Faso.  Nous avons vu l’importance de la liberté dans le Burkina post-insurrectionnel. Il est quand même regrettable que pour un post sur les réseaux sociaux, qui n’est pas suivi d’autres actes ou faits répréhensibles, on puisse condamner un individu à deux mois de prison ferme. C’est de nature à décourager les activistes, les démocrates de notre pays. Si on replace le post dans son contexte, je suis surpris qu’un post comme celui-là puisse inciter la gendarmerie  nationale à créer des troubles à l’ordre public. Soit on a une institution qui est républicaine, soit on n’a pas une institution républicaine. La décision de poursuivre Naïm Touré est une décision que je pense être politique, parce que la presse dénonce des personnes qui font des détournements mais ces personnes ne sont pas poursuivies. En cette période de pluies, les bâtiments construits sur fonds publics sont décoiffés par les intempéries et personne n’est poursuivi. Mais c’est un activiste sur les réseaux sociaux qui est poursuivi. Donc, la décision de le poursuivre montre une volonté de museler l’opinion sur les réseaux sociaux. Les libertés démocratiques, au Burkina Faso, sont en danger. Nous devons travailler à cultiver les libertés démocratiques et les libertés publiques. Aucun pouvoir n’a d’avenir dans le musèlement des libertés, dans le bafouement des droits humains. Donc, nous interpellons nos autorités pour qu’elles fassent preuve de responsabilité, de sagesse, de sens de l’écoute et qu’elles démontrent leur attachement aux valeurs cardinales des droits de l’homme. »

 

Prospos recueillis par FD

 


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