VIOLENCES POST-ELECTORALES AU CONGO ET POSTURE CONCILIANTE DE KOLELAS : Faut-il plaindre le peuple congolais ?
Après les attaques meurtrières des quartiers Sud de Brazzaville, intervenues lundi dernier et attribuées à la milice aujourd’hui dissoute des « Ninjas », beaucoup de Congolais attendaient avec une impatience mâtinée d’incertitudes, la sortie officielle de celui à qui devait profiter le crime, selon le parti au pouvoir, Guy-Brice Parfait Kolélas en l’occurrence. Leur attente n’aura pas été longue, puisque celui qui est arrivé en deuxième position à la présidentielle a animé une conférence de presse mercredi dernier, pour se prononcer sur les détonations d’armes lourdes dans les quartiers de la capitale qui lui sont favorables, et surtout sur la conduite à tenir face à ce que lui-même a qualifié de « forfaiture », en parlant de la réélection de Sassou Nguesso. Alors que beaucoup s’attendaient à ce qu’il emboîte le pas à l’autre candidat malheureux, Jean-Marie Michel Mokoko, dans ses discours maximalistes, eh bien, Parfait Kolélas a préféré mettre la pédale douce, en demandant à ses partisans d’accepter le verdict « quoique discutable » de la Cour constitutionnelle qui a donné Sassou Nguesso vainqueur avec plus de 60% des suffrages exprimés. Cette posture plutôt conciliante du principal challenger du président réélu vient, pour ainsi dire, clore le débat sur les nombreuses irrégularités qui ont émaillé le scrutin du 20 mars dernier, même si le candidat crédité de 15% des voix n’exclut pas d’éventuels recours devant la Cour africaine de justice. Mais Kolélas, malgré son score plus qu’honorable dans un pays mis sous coupe réglée trois décennies durant, par un dictateur, avait-il vraiment d’autre choix que de faire contre mauvaise fortune bon cœur, quand on sait que la mobilisation du peuple congolais est allée decrescendo depuis l’annonce du référendum jusqu’au « sacre » de Sassou ? Force est de reconnaître que la réponse est non, à moins qu’il ne veuille subir lui aussi les foudres de l’insatiable président, comme ce fut le cas de son défunt père et ancien Premier ministre du Congo, Bernard Kolélas, contraint à la fuite en 1997 et à l’exil jusqu’à sa mort en 2009.
Les Congolais sont plus à condamner qu’à plaindre
Il aurait peut-être pu faire de la résistance active contre le mandat à vie de Sassou Nguesso, mais il aurait eu pour cela besoin non seulement du soutien de ses collègues de l’opposition, mais aussi et surtout d’une bonne partie du peuple congolais. Malheureusement, la constance dans la lutte est la chose la moins bien partagée dans le microcosme politique congolais, et le peuple qui aurait pu être le rempart contre la monarchisation du pays, a fait, en l’occurrence, preuve d’un défaitisme effarant. Alors, Parfait Kolélas a peut-être parfaitement compris ses compatriotes, et a décidé de « se faire âne pour avoir du foin ». Il sait, en effet, qu’après l’offensive dans la région du Pool contre le « Pasteur Ntumi» et la campagne d’intimidation à l’encontre du général Mokoko, Sassou Nguesso lancera bientôt un OPA sur toute l’opposition avec la très forte probabilité de voir certains irréductibles aller à la mangeoire. Dans ce contexte, il est quasiment suicidaire pour lui de vouloir jouer les gros bras, et il vaut mieux accepter de « danser le Makossa » avec Sassou que de finir ses jours très loin du pays, dans la misère totale, comme Kolélas-père et l’ancien président Pascal Lissouba. C’est dommage pour l’Afrique centrale et pour les Congolais, que l’on en arrive à ce fatalisme qui fait du dinosaure Sassou, un président incontestable, mais c’est surtout dommage pour les chantres de la démocratie qui voient s’évanouir le rêve d’un Congo-Brazzaville où la démocratie véritable et l’alternance au sommet de l’Etat, seraient une réalité, à l’image d’autres pays du continent. La faute revient aux leaders politiques qui n’hésitent pas à se bousculer devant la porte du dictateur pour des subsides empoisonnés, mais elle revient surtout aux Congolais de manière générale qui sont, dans le cas d’espèce, plus à condamner qu’à plaindre. Après tout, « l’esclave qui n’assume pas sa propre révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort ». L’ancien président burkinabè Thomas Sankara ne croyait pas si bien dire.
Hamadou GADIAGA