ALBERT OUEDRAOGO A PROPOS DES KOGLWEOGO : « Il faut tropicaliser notre système judiciaire »
Dans le cadre de sa rentrée solennelle, le Club des Jeunes économistes de l’Université Aube Nouvelle (CJE-UAN) a organisé une conférence publique sur « les enjeux socio-économiques des nouvelles forces d’auto-défense au Burkina Faso » le 9 avril 2016 à Ouagadougou, au siège de l’institution. C’est le Professeur Albert Ouédraogo, spécialiste de la littérature orale africaine, ancien ministre des Enseignements secondaire et supérieur, ancien ministre de la Promotion des droits humains et fondateur du TOCSIN qui a animé ladite conférence en présence d’étudiants économistes et des membres de l’administration de l’Université Aube Nouvelle.
« Ce sont les insuffisances de l’Etat qui obligent les citoyens à s’organiser et à créer les moyens de veiller au bien-être que l’Etat n’arrive plus à préserver ». C’est le constat fait par le professeur Albert Ouédraogo au sujet des Koglwéogo, lors de la conférence publique qu’il a animée le 9 avril 2016 à Ouagadougou. Pour l’activiste des droits humains, comme lui-même le dit, le voleur a des droits et est présumé voleur, même quand il est pris en flagrant délit de vol parce que le juge n’était pas sur place pour constater les faits. « Attention à ne pas donner l’impression d’être dans un Etat où on donne plus de droits aux voleurs qu’aux honnêtes citoyens », a lâché l’éminent conférencier qui a estimé que « l’aspect mercantile de la sanction infligée par les Koglwéogo au voleur ne compte pas, mais surtout l’humiliation subie par le voleur arrêté que les Koglwéogo présentent publiquement, donc à tous »… alors que, dit-il, l’Etat ne montre pas le visage des voleurs mis aux arrêts. Le conférencier s’est interrogé à cet effet, puisque, « si le voleur ne risque plus d’être reconnu, pourquoi vouloir qu’il cesse de voler quand il sort de prison ». C’est pourquoi il pense qu’il faut « tropicaliser notre système judiciaire » pour entrer dans la logique des Koglwéogo, car, « les mécanismes de répression du vol sont en faillite ». Les Koglwéogo passent pour une alternative crédible, à entendre le conférencier, puisque « les autorités coutumières et religieuses ont un véritable impact pour leur encadrement ». L’homme a laissé entendre que « face à la fracture en cours entre la ruralité et l’urbanité, entre le monde analphabète et les personnes instruites ou diplômées », la question des Koglwéogo est centrale et renvoie à un mal-être dans la société. Il a donc appelé l’Etat à recourir aux gardiens de la tradition, qui, à son avis, ont une grande notoriété par rapport à la marche de notre société, pour faciliter l’encadrement des Koglwéogo. Pour Pr Albert Ouédraogo, les Koglwéogo ont été d’un soutien de taille à la Transition suite à l’attaque de la poudrière de Yemdi, en ce sens qu’ils ont aidé à l’arrestation des auteurs de l’attaque. Il a indiqué cependant que l’Etat doit sévir contre les dérives des Koglwéogo délinquants et encadrer ces groupes d’auto-défense dans leur mode de fonctionnement et dans la gestion des amendes qu’ils perçoivent sur les voleurs. Ouvrir, par exemple, des registres au niveau communal pour collecter ces amendes à répartir entre les communes et les Koglwéogo (pour leur fonctionnement), exiger un casier judiciaire des nouvelles recrues Koglwéogo, leur exiger un serment, etc. Le Koglwéogo est une question principielle, selon le conférencier, raison pour laquelle il a appelé à une réflexion prospective, un débat de fond, sur la question qui, à son avis, est éminemment politique, sur les réseaux sociaux.
« L’honnête citoyen doit avoir plus de droits que le délinquant »
Il n’y a rien d’anodin dans le vol ou la délinquance, selon Albert Ouédraogo qui pense que « plus les gens tomberont dans la misère et le voleur s’enrichira, le vol prospèrera ». Il s’est dit opposé à la peine de mort, mais pour lui « l’honnête citoyen doit avoir plus de droits que le délinquant ou le voleur. Le contraire sonne la fin de la république, de la probité sociale », a-t-il soutenu.
Faisant le lien économique entre le groupe d’auto-défense Koglwéogo et l’économie, Pr Albert dira que : « les Kolgwéogo, c’est d’abord une question économique de part et d’autre, pour les voleurs et les victimes de vol». La question du vol est la raison première de l’existence des Koglwéogo, selon le Pr Albert Ouédraogo pour qui « voler ce que d’autres ont épargné au prix de mille et un sacrifices, les priver des petites économies, c’est les tuer ». C’est ainsi qu’il a qualifié l’œuvre des « cibles des Koglwéogo», les voleurs en l’occurrence. « Des voleurs aux anges, passant de la moto 135 à la 150 » et qui, a-t-il indiqué, « sillonnent les maquis huppés après les gargotes qu’ils fréquentaient », a ironisé le conférencier. Selon lui, « Koglwéogo», à l’origine, renvoie à « gardes forestiers » avant la colonisation et « l’institution Koglwéogo» était, à son avis, animée par des personnes de la cour des chefs traditionnels qui venaient au secours des populations pour la protection des arbres fruitiers, de la forêt, et qui veillaient à l’hygiène dans le village en rapport avec ce qui se passe dans la brousse. Avant d’être confinés au rôle de gardes forestiers, les Koglwéogo assuraient, au départ, une « mission de salubrité publique et de sauvegarde de l’environnement », selon les mots du conférencier pour qui « l’Etat a failli sur les questions de sécurité ». Raison pour laquelle les bandits, en plus de tuer les populations, tuent et narguent les forces de défense et de sécurité. On est plus en sécurité en ville qu’en campagne, à entendre le Professeur pour qui l’administration est plus présente en ville qu’en campagne.
Lonsani SANOGO
ILLIAS JEROMINHO
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Commentaire. Koglweogo est là pour notre sécurité , mais pour le village de kabo est une manière violente
25 juin 2016